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www.diploweb.com Géopolitique du Royaume-Uni et des relations transatlantiques

Tony Blair, l'iconoclaste. Un modèle à suivre?  

Par Jean-Marc Four, rédacteur en chef à France Inter

 

Quel bilan peut-on faire de la "relation spéciale" entre le Royaume-Uni de Tony Blair et les Etats-Unis de G.W. Bush ? Correspondant à Londres de Radio France de 2002 à 2006, Jean-Marc Four s'interroge. L'alignement croissant de Londres sur Washington à partir de 2001, a-t-il porté ses fruits? Autrement dit, Tony Blair a-t-il obtenu quelque chose en échange ? A-t-il fait plier l'administration américaine sur quelques dossiers ? L'alliance a-t-elle fonctionné dans les deux sens ? Alors que la direction politique s'apprête à changer, d'abord au Royaume-Uni, puis aux Etats-Unis, il importe de s'interroger sur ce moment de la relation transatlantique.

Dans le cadre de ses synergies géopolitiques, le site www.diploweb.com vous présente en exclusivité sur Internet un extrait d’un ouvrage de Jean-Marc Four publié en mars 2007 par les éditions LIGNES DE REPERES.

Pour en savoir plus, consultez le dossier de cet ouvrage et suivez son actualisation sur : www.lignes-de-reperes.com

Vous trouverez en bas de page : 2. Présentation de l’ouvrage. 3. Présentation de l'auteur.

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1: L’extrait

Cap sur le "grand large"

Au regard d'un bilan européen décevant, on ne peut s'empêcher de penser à la célèbre formule de Winston Churchill, lançant au général de Gaulle: "Chaque fois que nous devrons choisir entre l'Europe et le grand large, nous choisirons le grand large". Et peu importe si, en l'occurrence, le "Vieux Lion" Churchill songeait surtout au Commonwealth hérité de l'Empire britannique quand il évoquait le "grand large". La citation est restée, symbole de l'orientation naturelle du Royaume-Uni vers l'Océan Atlantique et donc les Etats-Unis, plutôt que vers le continent européen.

Le 21 septembre 2001, George Bush s'adresse simultanément aux 2 chambres du Congrès américain, le Sénat et la Chambre des Représentants. 10 jours après les attentats, c'est son premier discours devant les parlementaires américains. Tony Blair, venu de Londres, via Berlin et Paris, a fait le déplacement. Lorsque le leader travailliste s'avance dans les travées pour venir s'asseoir, un tonnerre d'applaudissements retentit dans le Congrès. Quelques minutes plus tard, au milieu de son discours, George Bush le salue "Thank you for coming, friend". Merci d'être venu, l'ami. Nouveau tonnerre d'applaudissements. Cette scène, confie un conseiller de Tony Blair, a profondément touché le premier ministre. Il a dès lors l'impression de vivre une histoire d'amour avec les Etats-Unis. Une soudaine dimension affective s'est créée, essentielle pour comprendre ce tournant de 2001. Une dimension affective que Blair ne connaîtra jamais avec l'Europe. A cet instant, il vient de décider que la Grande-Bretagne se doit d'être le premier allié de Washington. Et le voici donc, sur ce terrain là aussi, en train de suivre les traces de la conservatrice Margaret Thatcher, célèbre pour son alliance à la fois stratégique et personnelle avec l'américain Ronald Reagan.

 

Notre meilleur ami 

"L'Amérique a toujours trouvé des partenaires forts à Londres, des leaders de bon sens, et du cran quand les temps sont durs. Et je retrouve toutes ses qualités dans votre Premier ministre, qui a tout mon respect. L'Amérique a de la chance de pouvoir appeler ce pays "notre meilleur ami" dans le monde. Dieu vous bénisse tous !" En novembre 2003, lors d'une visite à Londres, c'est ainsi que George Bush rend hommage à Tony Blair. "Notre meilleur ami, notre allié le plus proche,", ces mots, George Bush les a employés à plusieurs reprises entre 2001 et 2006 pour qualifier Tony Blair.

Plusieurs raisons cimentent la force de cette alliance. Et elles sont en quelque sorte le miroir inversé des motifs de la méfiance vis-à-vis de l'Europe. La première, c'est l'attirance naturelle d'une partie du public britannique pour les Etats-Unis. Il y a bien sûr le lien de la langue, qu'il ne faut pas sous-estimer. Comme le relève le romancier américain Russell Banks, "il passe plus de choses entre nous et les Anglais qu'entre nous et les autres Européens, ne serait-ce qu'en raison d'une langue commune. Les rapports sont plus familiers, plus aisés, entre deux nations qui ont la même langue ou la même religion" (1). Il y a aussi la croyance commune dans des valeurs économiques assez proches. "Nous sommes beaucoup plus alignés sur le fonctionnement économique américain, en particulier en termes de flexibilité financière et de flexibilité du marché du travail" analyse par exemple Nick Medlam, un entrepreneur de la banlieue de Londres qui a fait campagne contre l'euro.

L'Histoire peut également être invoquée, mais c'est un argument à double tranchant. Car les relations américano-britanniques ont connu des hauts et des bas; elles ne sont pas faites que de lunes de miel, depuis la fondation des Etats-Unis, contre l'Angleterre, jusqu'à la guerre du Viet-Nam en passant par la crise de Suez. Et si l'on devait rechercher à travers les siècles une définition de l'attitude anglaise en matière de politique étrangère, ce serait surtout l'opposition à la puissance dominante (sauf bien sûr quand l'Angleterre fut elle-même cette puissance dominante): contre Louis XIV, contre l'Invicible Armada espagnole au XVIème siècle, contre les Habsbourg, contre Napoléon, contre Hitler. Si l'on suit ce raisonnement, aujourd'hui Londres devrait donc défier Washington.... L'Histoire n'explique donc pas tout. En revanche, il existe un sentiment d'appartenance à un univers culturel commun.

Quant à la presse populaire anglaise, à l'exception du Daily Mirror, elle vénère les Etats-Unis à peu près autant qu'elle abhorre l'Union Européenne. Sur cet échiquier très influent des médias, un homme joue un rôle déterminant: le magnat australo-américain Rupert Murdoch, propriétaire à la fois du bouquet télévisuel Sky (dont la chaîne d'information continue Sky News), du quotidien The Times et du journal populaire The Sun. Rupert Murdoch déteste l'Europe et ses législations sociales et ses directives anti-trust. Pour lui, ce sont autant d'entraves à l'expansion de son empire. Politiquement conservateur, résolument atlantiste, Murdoch juge naturelle l'alliance Londres-Washington et il est inutile d'essayer d'écrire le contraire dans l'un de ses titres, sauf à rechercher délibérément le licenciement. Ajoutez à cette liste d'autres titres spontanément pro-américains comme le Daily Mail, le Daily Express ou le Daily Telegraph, et vous avez plus de 10 millions d'acheteurs quotidiens abreuvés chaque jour à la fontaine de Washington.  

 

L'ADN de Blair 

A ces éléments structurels du paysage britannique s'ajoute la personnalité de Tony Blair. A partir des attentats de 2001 en particulier, le premier ministre se range délibérément aux côtés de George Bush. A bien des égards, il semble même fasciné par le président américain. Une partie de la presse de gauche, le Guardian ou l'Independent a beau le traiter de "Bush's poodle", "le caniche de Bush", il n'en a cure. "Soutenir les Américains, c'est inscrit dans l'ADN de Blair" confie l'un de ses anciens conseillers. Et selon le journaliste John Kampfner, même lorsque Blair semble faire un pas vers les Européens, c'est pour plaire à Washington: ainsi les accords de défense franco-anglais de St Malo, évoqués plus haut, viseraient en fait, selon John Kampfner, à montrer aux Américains que les "Européens sont capables de davantage que d'être seulement une force de maintien de la paix" (2).


Au-delà de la relation particulière entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis, il y a surtout la relation particulière entre deux hommes, Tony Blair et George Bush, tout comme il y avait une complicité particulière entre Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Cette relation personnelle Blair-Bush devient, après les attentats du 11 septembre 2001, la pierre angulaire de la politique étrangère britannique. Le premier ministre se réapproprie d'ailleurs totalement ce domaine de la politique internationale, qu'il avait délaissé jusque là. Il en fait sa "chasse gardée". 

Pour Charles Grant, "Ce mariage Blair-Bush n'est pas un mariage de convenance, c'est une alliance de coeur. Ces deux hommes ont beaucoup en commun". "Ca peut pourtant paraître paradoxal de voir un gouvernement britannique travailliste s'aligner sur une administration américaine conservatrice et Tony Blair sait très bien que son parti aimerait voir un changement de gouvernement aux Etats-Unis" observe le politologue Maurice Fraser, "mais pour Blair, les grands liens idéologiques entre partis sont sans importance, ce qui compte ce sont les relations personnelles entre les leaders mondiaux et dans le cas de la relation avec Bush, il y a une sympathie personnelle réciproque".

Cette alliance Bush-Blair va trouver sa concrétisation la plus spectaculaire avec la guerre en Irak, en 2003.  

 

La guerre contre vents et marées 

Dans les mois qui précèdent l'entrée en guerre, entre septembre 2002 et mars 2003, Tony Blair essuie sur la scène politique intérieure, des critiques de toutes parts, certaines plus ostensibles que d'autres. Début 2003, tous les sondages indiquent que 2 Britanniques sur 3 sont défavorables à une intervention. Tony Blair s'en moque. Les manifestations se multiplient, le 15 février près de 2 millions de personnes défilent dans les rues de Londres, c'est sans doute le cortège le plus important de l'Histoire de la Grande-Bretagne. Tony Blair l'ignore. Son parti entre en rébellion, 120 députés travaillistes (sur un total de 420) votent contre la guerre. Il n'en a cure. L'Etat-major britannique souligne les risques d'une intervention dans un pays aussi particulier que l'Irak. Il fait mine de ne pas le savoir. Son propre ministre des Affaires étrangères, Jack Straw, lui fait part de ses réticences. Il les balaie d'un revers de la main. Le Foreign Office, où de nombreux diplomates sont défavorables à l'intervention, est mis à l'écart. La guerre en Irak sera conduite exclusivement depuis le 10 Downing Street. L'homme qui en 1997 ne s'intéressait pas à la politique étrangère, est devenu un chef de guerre, que seules les relations internationales captivent.

Et toute l'opération est pilotée dans un cercle très restreint. Deux hommes jouent un rôle-clé dans l'entourage immédiat du premier ministre. Tous deux travaillent au 10 Downing Street: David Manning s'occupe du "fond", Alastair Campbell de la forme. David Manning, devenu depuis ambassadeur à Washington, est le conseiller diplomatique de Blair. Cet homme élancé au visage livide est de toutes les conversations avec l'équipe Bush. Très bon connaisseur du dossier proche-oriental, c'est un farouche défenseur de l'OTAN et du rôle des Etats-Unis comme emblème du "monde libre". Il estime que Washington, après avoir été le rempart contre Hitler et contre Staline, est aujourd'hui le rempart contre la menace islamiste. Et il ne croit pas dans une menace qui ne saurait être assortie d'une capacité à user réellement de la force. C'est ce qui conduit, pendant l'hiver 2002/2003, à une interprétation "guerrière" de la résolution 1441 du Conseil de Sécurité sur l'Irak, résolution tant de fois commentée et décortiquée, résolution qui devait donner théoriquement leurs chances aux inspecteurs en désarmement dirigés par Hans Blix. Alastair Campbell, lui, s'occupe de la forme. Le grand manitou de la communication de Tony Blair, est un maître de la manipulation de l'information et entre septembre 2002 et mars 2003, c'est lui qui va "mettre en musique" la rhétorique guerrière, quitte à n'utiliser que les arguments qui l'arrangent. Nous en reparlerons.

Trois ans et demi après le début de la guerre, fin 2006, la relation Bush/Blair est toujours au beau fixe. Et toujours contre vents et marées: le grand public britannique ne supporte plus le président américain. Selon une enquête de l'institut de sondage ICM publiée début novembre 2006, 75% des Britanniques pensent que George Bush constitue une menace pour la paix mondiale. Seul Osama Ben Laden le "devance" (87% des Britanniques le considèrent comme une menace). George Bush est perçu comme plus dangereux que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad ou que son homologue nord-coréen Kim Jong-Il. Et dans le même temps, 71% des Britanniques estiment que l'invasion de l'Irak était injustifiée (3).

 

Le pont en ruines 

Certes, la guerre en Irak ne saurait totalement se résumer à une alliance Londres-Washington. Nous avons vu plus haut que d'autres capitales européennes, Madrid, Rome ou Varsovie apportent alors leur soutien à l'intervention armée. Mais cette guerre va tout de même solidement ancré Tony Blair du côté du grand large plutôt que de l'Europe.

"D'abord, nous devons rester les alliés les plus proches des Etats-Unis. Mais nous devons aider à construire un pont entre l'Europe et les Etats-Unis. L'Europe devrait être un partenaire des Etats-Unis, pas un rival". Voilà ce qu'affirme Tony Blair devant la Chambre des Communes fin 2002, alors que le ton n'a pas encore monté sur l'éventualité d'une intervention armée. Il reprend alors sa théorie préférée, celle du "bridge", du pont, de la passerelle.

Mais lorsque les débats s'enveniment entre les pro-guerre et les anti-guerre, entre Washington et Londres d'un côté, Paris, Berlin et Moscou de l'autre, la théorie du "pont" est remisée aux oubliettes. En février 2003, Tony Blair réalise qu'il n'obtiendra pas la nouvelle résolution du Conseil de Sécurité qui avaliserait l'entrée en guerre. Cette résolution, il en a pourtant cruellement besoin pour convaincre son opinion publique, et pour persuader son parti de voter en faveur de l'intervention. Mais cette résolution est inaccessible, les membres du Conseil de Sécurité y sont majoritairement opposés. Il faut donc trouver une parade pour faire adopter la motion "guerrière" à la Chambre des Communes. Etonnamment, c'est Jacques Chirac qui va fournir la solution. Le 11 mars 2003, interviewé à la télévision, le président français lâche "ma position est que, quelles que soient les circonstances, la France votera non parce qu'elle considère, ce soir, qu'il n'y a pas de raison de faire la guerre pour parvenir aux buts que nous nous sommes fixés, c'est à dire de désarmer l'Irak". En d'autres termes, ce soir-là, Paris est prêt à utiliser son droit de veto (4) , pour empêcher une nouvelle résolution qui avaliserait le recours à la force. Aussitôt, la machine à communiquer de Downing Street se met en branle. Les troupes d'Alistair Campbell rayent le mot "ce soir", pourtant essentiel. Et elles ne retiennent que la formule "quelles que soient les circonstances". En quelques heures, toute la presse anglaise est "briefée" sur le thème: les Français sont déraisonnables, ils ont décidé d'opposer leur veto "whatever the circumstances" et ils ne changeront jamais d'avis. Cet habile tour de passe-passe n'a qu'un seul objectif: faire voter la motion à la Chambre en imputant à Paris la responsabilité de l'échec. Interpellé par l'ambassadeur de France à Londres Gérard Errera, inquiet de cette manipulation, le chef de cabinet du ministre des Affaires Etrangères Jack Straw a alors cette formule pour qualifier les propos de Jacques Chirac: "c'est un vrai cadeau, on ne va pas s'arrêter là". Et les services de Downing Street donnent en effet le feu vert à un déchaînement anti-français dans la presse populaire. Oublié le pont, oubliée la passerelle. Seul le résultat compte: faire voter la guerre. Et ça marche. Plusieurs députés changent d'avis, suffisamment pour que l'intervention militaire soit avalisée par la Chambre des Communes. La guerre aura lieu. Mais le pont est en ruines. 

 

Si peu de choses en échange 

Tony Blair a donc choisi son camp. C'est celui de Washington. Cet alignement, cimenté dans le sang par la guerre et les pertes communes en Irak, n'a pas faibli depuis. Sur le nucléaire iranien, le premier ministre britannique s'est également aligné sur les Etats-Unis, se refusant à écarter publiquement l'option militaire. Jack Straw en a d'ailleurs fait les frais. En juin 2006, il a perdu son portefeuille de ministre des affaires étrangères, sans doute pour avoir trop ouvertement manifesté son opposition catégorique à un conflit armé avec l'Iran. De même, lors de la guerre au Liban entre Israël et le Hezbollah, pendant l'été 2006, Tony Blair s'est distingué en Europe par son refus de demander un arrêt immédiat de l'intervention israélienne... Refus identique à celui de... George Bush.

Mi septembre 2006, dans une tribune publiée par la revue spécialisée Foreign Policy, Tony Blair persiste et signe: "le sentiment anti-américain de certains leaders européens est une folie (...) rapporté aux intérêts à long terme du monde dans lequel nous croyons" (5).
Toute la question, c'est de savoir si cet alignement croissant sur Washington à partir de 2001, a porté ses fruits. Autrement dit, Tony Blair a-t-il obtenu quelque chose en échange ? A-t-il fait plier l'administration américaine sur d'autres dossiers ? L'alliance a-t-elle fonctionné dans les deux sens ? La réponse est globalement négative.

La seule avancée concrète décrochée par le premier ministre britannique, c'est une évolution du discours américain sur le Proche-Orient. Londres, comme Paris, milite depuis longtemps pour la solution des 2 Etats, l'un israélien l'autre palestinien. Et en juin 2003, après des mois de sollicitation, Tony Blair parvient à persuader George Bush de s'engager dans la même voie: celle de la "feuille de route" qui prévoit la coexistence d'un Etat palestinien viable aux côtés d'un Etat israélien en sécurité. Le président américain, qui initialement ne voulait pas s'engager dans ce dossier, finit alors par le faire. Et en 2 jours, il convoque alors 2 sommets, dont l'un réunit les deux premiers ministres israélien et palestinien de l'époque, Ariel Sharon et Abu Mazen. Depuis, on le sait, la situation est redevenue inextricable, en particulier depuis les succès électoraux du Hamas et la crise au Liban. En novembre 2006, Paris, Madrid et Rome ont délibérément "snobé" Londres lorsque les trois capitales ont dévoilé un nouveau plan de paix pour le Proche-Orient. Et quelques jours plus tard, en décembre, George Bush s'est refusé à s'engager sur le terrain d'une initiative de paix régionale qui pourrait inclure l'Iran et la Syrie afin de résoudre la guerre en Irak, malgré les recommandations du Groupe d'Etudes sur l'Irak dirigé par James Baker, et malgré l'amicale pression de Tony Blair.

Sur les autres sujets, le bilan du premier ministre britannique en termes d'influence sur le Président américain est encore plus pathétique: Tony Blair a fait chou blanc sur toute la ligne. Echec sur la ratification par les Etats-Unis du protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.Echec sur un plan sérieux de reconstruction de l'Afghanistan. Echec sur une levée des barrières protectionnistes américaines dans le cadre des négociations à l'Organisation Mondiale du Commerce, en particulier sur la taxation de l'acier européen. Autant de sujets sur lesquels le parti travailliste espérait des concessions de Washington. Autant de sujets que le premier ministre britannique a régulièrement soulevé auprès du président américain. Autant d'échecs. A tel point que selon le toujours bien informé John Kampfner, l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Paris, John Holmes, un proche de Tony Blair, s'est permis de souffler à son "chef", en 2003: "Ca ne serait peut-être pas une mauvaise idée si nous pouvions manifester nos désaccords avec les Américains un peu plus publiquement" (6).

Selon des confidences d'un ancien proche du premier ministre, "quand Bush voit Blair, il l'écoute poliment évoquer plein de trucs, il fait mine d'avoir compris et d'approuver, mais dès que Blair a le dos tourné, il oublie toutes les vagues promesses qu'il lui a faites"... Kendall Myers, un ancien haut fonctionnaire du Département d'Etat américain a confié fin novembre 2006 à la BBC que "Bush a toujours ignoré, de façon quasi routinière, ce que lui disait Blair (...) cela a toujours été une relation à sens unique, sans réciprocité" (7).

Pendant toutes ces années, Tony Blair a donc choisi le "grand large", mais il n'a pas ramené grand chose dans ses filets. Il convient donc de prolonger la réflexion pour essayer de comprendre pourquoi il a choisi "le grand large" en matière de politique étrangère. Et l'explication réside sans doute dans une autre facette de la personnalité du leader travailliste: ses penchants messianiques.

Jean-Marc Four 


Notes

(1) Russell Banks, entretien avec Jean-Michel Meurice, "Amérique notre histoire", Actes Sud/Arte éditions, Ocotbre 2006, p. 104.

(2) John Kampfner, Blair's wars, op citandi, p. 42.

(3) The Guardian, "Bush more dangerous than Kim JOng Il", 03/11/2006.

(4) Les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU (Etats-Unis, Royaume-Uni, Chine, Russie, France) sont les seuls à posséder ce "droit de veto" qui leur permet d'empêcher l'adoption d'une résolution.

(5) The Foreign Policy Centre, Tony Blair: "A global alliance for global values", 14/09/2006.

(6) John Kampfner, ibid, p. 237.

(7) BBC News, "Bush routinely ignoring Blair", 30/11/2006.

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Date de la mise en ligne: mai 2007

 

 

2. Présentation du livre de Jean-Marc Four: "Tony Blair, l'iconoclaste. Un modèle à suivre? ", aux éditions Lignes de Repères, 2007

   

 

 

Au moment où il s'apprête à quitter le pouvoir, Tony Blair fascine la plupart des leaders politiques français. Chrétien convaincu, grand communicateur, c'est un briseur de tabous, un transgresseur: bref, un iconoclaste.

Un iconoclaste qui a exercé le pouvoir pendant 10 ans, en gagnant trois élections: le temps de faire du Royaume-Uni la 4e puissance économique mondiale... et de faire la guerre en Irak.

Au delà de ces quelques idées simples, que sait-on vraiment de Tony Blair? Car le blairisme est en fait un kaléidoscope aux facettes contradictoires: des riches plus riches, mais aussi des investissements publics massifs et l'instauration d'un salaire minimum. Et chez nous, le prochain gouvernement pourrait-il s'inspirer du modèle blairiste?

   

 

 

 

   
    3. Biographie de Jean-Marc Four, journaliste    
   

Jean-Marc Four est journaliste. Correspondant à Londres de Radio France de 2002 à 2006, il est aujourd'hui rédacteur en chef à France Inter et anime l'émission d'actualité internationale "Et pourtant elle tourne".

   
         

 

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