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"La CIA en guerre: Allende, Gorbatchev, Ben Laden, Saddam Hussein",

par Catherine Durandin

 

Un ouvrage à la fois dense et haletant, pour plonger au cœur des relations internationales contemporaines
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Ed. Grancher, février 2003

La CIA est sous les feux de la rampe depuis le 11 septembre 2001. Les Etats- Unis dans leur mise en guerre contre le terrorisme ont recours à un renseignement renforcé dont l’un des acteurs clefs est la Central Intelligence Agency créée aux origines de la Guerre froide, en 1947, en pleine mise en place du discours du président Truman contre l’URSS et le communisme. Catherine Durandin, historienne publie aux éditions Grancher une "CIA en guerre : Allende, Gorbatchev, Ben Laden et Saddam Hussein" qui éclaire une longue histoire de politique extérieure, très secrète , et s’interroge sur la difficile relation entre Démocratie, Information libre et Transparence.

Précis et fouillé

Vivant et très solidement informé, le texte conduit de l’Amérique latine, Guatemala et Chili, au Moyen-Orient, en Iran et en Irak, pour s’achever sur les lumières et les mystères des réseaux du terrorisme contemporain. Certains chapitres sont particulièrement neufs : ils concernent "La connaissance de l’ennemi", le savoir très précis et fouillé dont disposait Washington sur l’URSS et ses satellites.

La campagne soviétique en 1986. Crédits: Pierre Verluise

L’auteur démontre que la CIA connaissait parfaitement l’état des lieux de la société, de l’économie soviétique, son déclin et son entrée en crise depuis le début des années 1970, et jouait avec beaucoup d’habileté - par exemple - sur le terrain de la Pologne des années 1980. Certains récits, fondés sur le dépouillement d’archives CIA, concernant la Pologne, les contacts avec le syndicat libre "Solidarnosz" et les transfuges qui passent à l’Ouest, des officiers polonais parfois, s’apparentent au roman policier. Pourtant, c’est bien la réalité des faits qui est ici dévoilée.

La CIA critiquée

Catherine Durandin restitue le débat qui a été soulevé dans les milieux intellectuels et politiques dans les années de l’immédiate fin de la Guerre froide : "La CIA n’est pas épargnée, écrit l’auteur. Ses baroudeurs qu’ils se taisent ou témoignent, sont condamnés pour contrevenir aux règles de la démocratie. Ses analystes sont jugés insuffisants. Trop de style bureaucrate ou trop de style 'cow-boy'. Une sorte d’aspiration à la performance pousse media et opinion à vouloir croire à l’efficacité radicale d’une estimation/ prédiction. Politiciens et journalistes se sont déchaînés, au printemps 2002, pour dénoncer l’insuffisance du renseignement pour n’avoir pas prévu les attaques suicides, meurtrières du 11 septembre ; avec l’effondrement du bloc soviétique en 1989 et de l’Union soviétique en 1989-1991, les attitudes critiques avaient également prévalu. La CIA est accusée, dès 1991, de n’avoir pas mesuré l’affaiblissement de l’URSS. Cette lacune serait de l’ordre de l’incompétence. La CIA est ensuite suspectée, pour n’avoir pas saisi ces faiblesses soviétiques, d’avoir poussé et justifié le surarmement américain des administrations Reagan et Bush, ce qui relève d’une dénonciation politique à l’adresse de l’Agence et laisse croire qu’elle est à l’origine de la décision politique". ( Chapitre 7, La connaissance de l’ennemi).

Archives et mémoires

L’auteur a travaillé sur les mémoires des acteurs, hommes politiques et ex CIA, Robert Baer et Duane Clarridge, sur les récits des ex directeurs de la CIA tel que l’amiral Turner et sur les archives CIA dont certaines sont aujourd’hui accessibles à Washington à la bibliothèque Gelman de l’Université George Washington. Les apports de ces documents sont essentiels dans le cas de l’étude des implications directes de Washington au Chili dès le début des années 1960 et de manière brutale à partir de l’élection de Allende en septembre 1970. La CIA travaille directement avec le Président et le conseiller privilégié, Henry Kissinger. Les mémoires de Kissinger sur ces années Chili ne sont pas conformes aux dossiers d’archives ouvertes pour 1970-1976. L’ouvrage de C. Durandin peut être versé au dossier Henry Kissinger : " Kissinger, écrit C. Durandin, "  aujourd’hui encore persiste à estimer que tous les papiers ne doivent pas être rendus publics car ils dévoilent des modes de travail qui ont encore cours. "  Mon instinct s’oppose à l’ouverture des télégrammes opérationnels concernant les activités de renseignement. C’est ce qui me gêne, cette vision qu’ils donnent de l’intérieur et la manière dont ils peuvent être interprétés parce qu’il est tout à fait possible que les décideurs des plus hautes fonctions n’aient jamais connu les détails qui apparaissent dans ces télégrammes ". ( Chapitre: Vérités chiliennes et doutes).

Quelle mission ?

Il se dégage de cette lecture une sorte d’accablement si l’on mesure le niveau de l’ingérence des Etats-Unis par des opérations dites couvertes à travers le monde. C. Durandin va plus loin que la simple description des interventions CIA. Elle met en lumière l’étrange caractère des rapports entre l’Exécutif, le Congrès et les medias. Les relations de force dominent depuis le début des années 1970, avec la crise engendrée par la défaite au Vietnam et les mensonges du président Nixon dans le scandale de Watergate. L’auteur donne à voir un processus de lutte démocratique au nom du droit à la vérité et de résistance de l’exécutif et d’un de ses instruments, la CIA au nom de la mission de salut démocratique contre l’ennemi communiste puis contre l’ennemi terroriste. Le chapitre 12 intitulé "  la CIA, le prix de la Jihad ", s’ouvre sur ces lignes : "  En 1997 et dans les années qui suivent, les experts en stratégie se lamentent : la politique de "containment"  contre l’Irak n’est pas satisfaisante, le "containment" contre l’Iran, non plus. Les experts CIA ont le blues et Washington se cherche une mission. "  ( Chapitre 12: La CIA, le prix de la Jihad).

"La CIA en guerre" est un ouvrage à la fois dense et haletant. Sans doute, l’expérience de romancière de C.Durandin, auteur notamment du "Bel été des camarades" publié chez Michalon en 1998 a-t-elle nourri cette manière "  filmique " de suivre l’Agence.

Béatrice Comte, journaliste au "Figaro Magazine"

PS: Catherine Durandin est l’auteur de plusieurs ouvrages portant sur l’histoire des Etats-Unis et les relations transatlantiques : "La France contre l’Amérique", PUF, 1993; "Nixon, le président maudit", Grancher, 2001. Elle est un connaisseur du monde soviétique et est européen, de la Roumanie, en particulier, avec "Histoire des Roumains", Fayard, 1995; "Roumanie, Un piège ?" Hesse, 2000; "Bucarest, Promenades et Mémoires", Hesse, 2000 et un roman "La trahison", aux éditions de l’Aube, 1996.

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  Date de la mise en ligne: mars 2003
   

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