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"Nixon, le président maudit",

par Catherine Durandin, historienne

 

Avec cette biographie de R. Nixon, l'auteur démontre qu'un homme - même politique - demeure un être irréductible à un quelconque schéma, absolument unique et original. C. Durandin nous propose ici une belle leçon d’Amérique, d’histoire et d’humanité.

Compte rendu par T. Sarmant

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Paris, éd. Grancher, 2001

Voici une biographie américaine qui n’est pas une biographie « à l’américaine ». Au rebours de la mode d’outre-Atlantique, de plus en plus suivie en France, Catherine Durandin n’a pas cherché à bâtir une ziggourat ou un skyscraper biographique, en quarante étages, huit cent pages et dix milles notes. Elle ne prétend ni révéler des monceaux d’archives inexplorées, ni raconter « Richard Nixon et son temps », ni disséquer la politique des États-Unis sous Nixon.

Ce Nixon répond à un projet à la fois plus classique et plus original : c’est d’un homme qu’il s’agit d’abord et surtout ici. Projet classique, car Catherine Durandin s’inscrit dans la lignée de la biographie traditionnelle, chronologique et psychologique, en partant de l’abondante bibliographie américaine, des souvenirs des principaux témoins et d’abord de ceux du héros. Projet original, parce que l’auteur choisit de regarder d’un œil sympathique un personnage évidemment antipathique et avoué pour tel.  

La résistible ascension de Richard Nixon

Il est vrai que Richard Nixon n’a rien pour plaire. Son portrait, sur la couverture de l’ouvrage, nous le montre tel qu’il est resté dans les mémoires : crispé, contraint, grimaçant, mal à l’aise. Né en 1913, mort en 1994, Nixon demeure un homme des années trente au milieu des Sixties et des Seventies, indifférent ou hostile à l’évolution des mœurs et des idées. Le parallèle avec son rival heureux, John F. Kennedy, dont le souvenir a obsédé son successeur, est édifiant : quand le premier incarne l’aisance, la séduction, la jeunesse, le renouveau, le second, lui, ne réussit qu’à force d’acharnement.  Il se veut le représentant de la « majorité silencieuse », prône un anti-communisme virulent et les valeurs les plus traditionnelles.  

Catherine Durandin retrace l’ascension besogneuse d’un fils de quaker, entré en politique après la guerre et qui sort de l’anonymat en se joignant à la croisade maccarthyste. Il semble que c’est la médiocrité même du personnage, son manque d’attrait, qui poussent Eisenhower à le choisir comme vice-président sur le ticket de 1956. On s’étonnerait presque en lisant que l’élection de 1960, où Kennedy l’emporte sur Nixon, a été la présidentielle la plus disputée depuis 1888.  

A la Maison Blanche

Et pourtant Nixon le Loser remonte toujours la pente. Dès 1965, il est à nouveau dans la course, et songe déjà à la présidentielle de 1968. Élu en 1968, réélu en 1972, Nixon triomphe aisément de ses compétiteurs. Il se veut un président de grand style, qui éclipsera Kennedy. Le paradoxe est qu’élu de l’Amérique profonde, il s’intéresse en fait bien davantage à la politique étrangère qu’aux réformes intérieures. La sortie du bourbier vietnamien est le grand chantier de sa présidence. La détente avec l’URSS, le rapprochement avec la Chine sont ses deux grandes réussites. Étonnamment, l’anticommuniste s’est fait spécialiste passionné de relations internationales et du monde soviétique.

Coups tordus

Mais Nixon est une forteresse assiégée. Il se voit des ennemis partout, les communistes, infiltrés de toutes parts, l’Establishment, auquel il n’appartient pas et qui, croit-il, le rejette, les jeunes et les intellectuels, pacifistes et décadents, traîtres de l’intérieur, la presse, acquise aux démocrates, le Congrès, que sait-on encore. Sa paranoïa nourrit les coups tordus, les mensonges et bientôt l’autodestruction : ce sera le scandale du Watergate et la démission, en 1974.

Catherine Durandin suit son héros avec une apparente froideur, sans rien dissimuler de ses petitesses, mais sans jamais l’accabler. Ainsi, sans aucune lourdeur démonstrative, nous fait-elle découvrir comme de l’intérieur cette alliance de sincérité et de calcul, d’anticommunisme viscéral et de pragmatisme politique, de sentimentalisme et de cynisme, de piété et d’athéisme qui fait le caractère de Nixon. On pressent que l’anti-héros, loin d’être un atypique, est puissamment représentatif d’une mentalité américaine de prime abord étrangère aux conceptions européennes.

Nixon ou l’incapacité au bonheur

L’originalité de Nixon n’est pas dans ce mélange que nous taxerions peut-être trop facilement d’hypocrisie, mais dans l’inquiétude fondamentale qui le ronge, dans son incapacité au bonheur. Nixon le besogneux n’est lui-même que dans l’effort et dans l’attente ; il ignore le repos et la sérénité. Cet acharnement même est mis en scène par le personnage : Nixon incarne la part accessible du rêve américain, la revanche sociale, une ascension lente, due au travail et au mérite. Tandis que Kennedy en est la part inaccessible, fantasmée.

Loin d’être un provincial, un « Américain oublié », ce « self-made-man » est aussi un homme de culture. Lecteur de Tolstoï et auditeur de Rachmaninoff, il s’efforce de réfléchir sur le pouvoir et sur la philosophie de l’histoire. « Tricky Dick », Richard le retors, est l’homme du retour sur soi, de l’auto-analyse, qui écrit Six Crises après sa défaite de 1960 et ses Memoirs  après le Watergate. 

Une belle leçon d’Amérique, d’histoire et d’humanité

Avec ce Nixon empathique, Catherine Durandin démontre que, si un personnage historique est toujours révélateur de la société qui l’engendre, en même temps, comme homme, il demeure un être irréductible à un quelconque schéma, absolument unique et original : belle leçon d’Amérique, d’histoire et d’humanité.

Thierry Sarmant, Conservateur en chef du patrimoine

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  Date de la mise en ligne: septembre 2003
    Autres ouvrages de Catherine Durandin : essais historiques et fiction    
   

Essais historiques

. "Ceausescu, vérités et mensonges d’un roi communiste", éd. Albin Michel, 1990.

. "Histoire de la nation roumaine", éd. Complexe, 1994.

. "Histoire des Roumains", éd. Fayard, 1995 (traduction en roumain et hongrois).

. "Roumanie, le Piège ?", éd. J.Hesse, 2000.

. "Bucarest, Promenades et Mémoires", éd. J.Hesse 2000

. "La France contre l’Amérique", éd. PUF 1993.

. "Nixon, le Président maudit", éd. Grancher 2001.

. "La CIA en guerre", éd. Grancher 2002

Fiction

. "Une mort roumaine", éd. Guy Epaud 1988, traduction roumaine

. "La Trahison", éd. L’Aube 1996, traduction roumaine.

. "Le Bel Eté des Camarades", éd. Michalon 1999.

   
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