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Quel rôle jouent les opérations militaires récemment menées par l’Union européenne dans le développement de son influence externe ?

Par le chef de bataillon Brun de Saint Hippolyte

(Armée de Terre, France, 13 e promotion du CID)   

 

L'Union européenne n’est pas encore une puissance militaire mondiale crédible, en grande partie parce qu’elle n’est pas encore politiquement unifiée et ne fait pas, en conséquence, l’effort de défense suffisant. Malgré le rôle moteur de la France et du Royaume-Uni, l’Europe de la défense ne fait pas encore l’unanimité.

Néanmoins, fait nouveau, avec la définition d’une Stratégie européenne de sécurité, l’Europe révèle ses ambitions et son désir d’autonomie. Elle propose un système de sécurité global, où les opérations militaires viennent compléter un dispositif d’actions politiques et économiques. Etendu à l’ensemble du monde, il est fondé sur la légitimité et la responsabilisation des organisations régionales. Il s’oppose au système américain des « coalitions de circonstance ».

Dans ce contexte, l’ONU semble accorder un rôle de plus en plus important aux opérations militaires de l’UE.  Par ces interventions, l’UE assure, en effet, sa propre sécurité tout en se soumettant à la primauté de décision de l’ONU. Le modèle doit donc servir à influencer les organisations régionales, en particulier l’Union Africaine. Aussi, l’ONU voit-elle d’un bon œil la mise en place de partenariats entre l’UE et les autres organisations.

Quel est donc en définitive le rôle joué par les opérations militaires de l’UE dans le développement de son influence externe ? Il est grandissant si on le replace dans la perspective d’une Défense européenne autonome. Il est complémentaire si on le considère à côté des autres actions extérieures de l’UE. Il est enfin essentiel pour la sécurité de l’Europe et de plus en plus important pour celle du monde. Les opérations militaires de l’UE jettent finalement les bases d’une politique étrangère de l’Union.

Ce mémoire de géopolitique réalisé au Collège Interarmées de Défense dans le cadre du séminaire « Géopolitique de l'Europe » dirigé par  Thierry Chopin, Directeur des études de la Fondation Robert Schuman.

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INTRODUCTION

« L’Europe ? Quel numéro de téléphone ? ». On se souvient du fameux mot d’Henry Kissinger. En 1981, à travers cette boutade, Kissinger stigmatisait le manque de représentation politique et, derrière, l’absence d’unité politique de l’Europe. 

Aujourd’hui, l’Europe politique n’est toujours pas une réalité. En revanche, un certain nombre d’instruments se sont mis en place, en particulier depuis le traité de Maastricht (1992). La Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD) est l’un de ces outils politiques les plus avancés.

Dès 1996, au sein de cette PESD, Pascal Boniface appréhendait le caractère révolutionnaire des futures interventions extérieures de l’Union européenne [i]. Jusqu’en 1989, en effet, les Européens ne concevaient qu’une défense européenne « à domicile », les opérations extérieures relevant de chaque politique  nationale. Pourtant, leur incapacité à parler d’une seule voix et à intervenir militairement au nom de l’UE s’est révélée flagrante lors des conflits bosniaque (1992) et kosovar (1999).

La prise de conscience de cette incapacité est une étape décisive pour la construction de l’Europe de la défense. Elle est suivie par le traité de Saint Malo entre la France et le Royaume-Uni (décembre 1998), l’Objectif Global d’Helsinki (1999) et la rédaction de la « doctrine Solana » (2003). Les opérations, c’est-à-dire l’application sur le terrain de ces avancées politiques et capacitaires, constituent l’étape suivante de la construction d’une Défense européenne.

Les premières opérations militaires commandées par l’UE ne datent que du début de l’année 2003 et on en dénombre trois à ce jour. Il s’agit des opérations Concordia (en Macédoine, de mars à décembre 2003), première opération militaire de l’Union, d’Artemis (en Ituri de juillet à septembre 2003), première opération de « gestion de crise » véritablement autonome de l’UE, et d’Athéa (Bosnie décembre 2004-2005), la plus importante par le volume d’effectifs et de matériels déployés.  

On distinguera ici les opérations militaires des opérations de police, comme Proxima en Macédoine ou la MPUE en Bosnie-Herzégovine. Pourtant, il est difficile de ne pas évoquer la création récente d’une force de gendarmerie européenne (FGE), particulièrement adaptée au caractère très réversible des situations de crise. Ces situations instables requièrent des forces capables de passer sans préavis d’une opération de police à une opération militaire, et inversement. On distinguera, ensuite, les opérations militaires commandées par l’UE des missions où la force de l’Union se trouve en soutien, comme au Soudan (AMIS II) ou dans les territoires palestiniens (EU BAM à Rafah). On distinguera,  enfin, ces opérations intégralement menées par l’UE des opérations commandées par l’OTAN, et auxquelles des grandes unités européennes, comme l’Eurocorps, ont pu participer. Pourtant, comment penser que les opérations de l’Eurocorps ne participent pas au rayonnement de l’UE, tant le nom de cette unité est associé à l’Europe ?  

La question du rayonnement externe de l’UE nous porte à réfléchir au rôle joué par ces premières opérations militaires de l’UE dans le développement de l’influence externe de l’Union.

En utilisant le terme d’ « influence », on sous-entend déjà que l’Europe a des ambitions et rayonne. Par « développement  de son influence externe », on avance même que l’UE pourrait développer une véritable stratégie, c’est-à-dire d’un « ensemble cohérent d'efforts et de démarches pour atteindre des objectifs précis », selon l’expression de Philippe Moreau Defarges[ii]. Ces objectifs, qui sont aussi des ambitions internationales, peuvent être soit de développer son pouvoir d’attraction auprès des pays de certaines régions du globe, soit encore de renforcer sa crédibilité et son pouvoir de décision auprès des grands acteurs mondiaux que sont les Etats-Unis, l’OTAN ou l’ONU, soit même d’imposer son autorité sur certains pays du globe bien ciblés, comme ce fut par exemple le cas des Britanniques au Moyen Orient entre les deux Guerres.  

Cet effort de définition fait, se pose alors la question du rôle joué par ces opérations militaires dans le développement de cette influence externe de l’Union.  Les interrogations qui viennent alors sont nombreuses. Quelles sont d’abord les ambitions politiques, économiques et sécuritaires de l’Union ? Peut-on pour autant parler de « stratégie d’influence », d’une stratégie autonome et concertée ? Quels seraient alors la place des opérations extérieures dans cette stratégie ? Et pour quels résultats en termes de rayonnement ou d’autorité ? Ne sommes-nous pas en présence d’une stratégie, même encore en devenir, d’influence mondiale ? Enfin, ces opérations ne contribuent-elles pas, directement ou indirectement, à l’édification d’une autorité politique européenne crédible ?

Un premier bilan pourrait nous laisser perplexes. En effet, première application prudente de la PESD, les premières opérations sont encore modestes. Il n’y en a que trois : les comparaisons sont donc limitées. Elles sont récentes : nous avons encore peu de recul pour juger de leur impact sur la construction de la défense européenne. Notre travail est ainsi d’emblée limité. Cela dit, nous verrons que la contribution de ces opérations à la défense européenne est déjà importante. Et nous savons que l’Europe, depuis le traité de Rome, s’est construite par une « politique des petits pas ». L’approche de ce mémoire sera donc essentiellement prospective et résolument positive.

En conséquence, s’il est vrai que les opérations militaires de l’UE, en butant sur de nombreux obstacles politiques et militaires, ne contribuent que pour une part minime à la stratégie de rayonnement externe de l’Union (I), elles contribuent néanmoins à renforcer l’image d’un acteur régional responsable (II). Force de propositions indéniable pour l’organisation du monde de demain, elles jettent enfin les bases d’une puissance mondiale crédible (III).

 

I. Certes, PARCE QU’ELLES Sont ENCORE MODEStes, les opérations militaires ONT UN ROLE LIMITE DANS LE RENFORCEMENT DE L’INFLUENCE EXTERNE de l’UNION EUROPEENNE

A. Elles ne contribuent que pour une part infime au rayonnement global de l’UE.

1. Structurellement, elles ne forment qu’une infime partie de l’activité de l’Union européenne. 

Complément d’autres moyens, les opérations militaires de l’UE ne représentent encore qu’une petite partie de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense (PESD), elle-même composante de la Politique Européenne de Sécurité et de Coopération (PESC). Or la PESC n’est elle-même que l’un des trois piliers de l’activité européenne, l’Europe demeurant un acteur avant tout économique.

La PESD couvre tout d’abord de nombreux domaines. Les opérations ne sont pas uniquement militaires. L’UE a déjà dirigé plusieurs opérations de police, comme hier en Macédoine (opération Proxima) ou en République démocratique du Congo (opération «EUPOL-Kinshasa»)  et en 2006 en  Bosnie-et-Herzégovine (MPUE). L’année 2004 a également vu la naissance en Géorgie de la première mission «État de droit», dénommée «Eujust Themis».

La PESD s’appuie,  ensuite,  sur de nombreux outils structurels en plein développement. Après l’adoption en décembre 2003 de la Stratégie européenne de sécurité, le Conseil européen de juin 2004 a entériné un plan d’action de lutte contre le terrorisme. Il a aussi donné son accord à la stratégie de l’Union européenne de lutte contre la prolifération des armes de destruction massive (AMD)[iii]. Le Conseil du 12 juillet 2004 a institué l’Agence Européenne de Défense (AED à Bruxelles). Parallèlement à ces initiatives se développent les institutions de la PESD, le Comité Politique et Stratégique (COPS) et le Comité Militaire de l’UE (CMUE). L’Etat-major de l’Union (EMUE), enfin, continue de monter en puissance et devrait avoir atteint ses effectifs (200) l’été 2006.

Ces initiatives structurelles de la PESC doivent elles-mêmes être relativisées si l’on considère aujourd’hui l’importance de la coopération dans la PESC. Ainsi, la politique européenne de voisinage (PEV) permet d’améliorer l’efficacité de l’aide extérieure de la Communauté (aide de préadhésion, aide au développement) et constitue un outil de prévention important, aux abords de l’Union. Cette politique a même été géographiquement étendue par l’établissement de partenariats avec de nombreux pays plus lointains, notamment pour promouvoir un processus électoral transparent et démocratique (Afghanistan, Belarus, Kosovo, Indonésie, Iraq, Libye, Ukraine, Zimbabwe).

La PESC ne constitue, enfin, que l’un des trois piliers de l’Union européenne. Les deux autres piliers, les affaires intérieures et judiciaires d’un côté et l’acquis communautaire de l’autre, favorisent indéniablement le rayonnement de l’Union. C’est surtout par ce dernier pilier, qui regroupe toutes les activités économiques et commerciales, que l’UE rayonne le plus aujourd’hui. Le « modèle européen » est envié parce qu’il a su préserver la paix depuis plus de cinquante ans, mais aussi et surtout parce qu’il a permis à ses nouveaux membres de rattraper leur retard et qu’il a fait de l’UE un acteur incontournable de l’économie mondiale : l’UE est en effet la première puissance commerciale au monde (25% du commercial mondial) et le premier fournisseur d’aide (55% du total de l’aide au développement)[iv].

Aux yeux du monde, l’UE est encore et avant tout une réussite économique.

 

2. De façon conjoncturelle, ces opérations militaires sont relativement peu médiatisées et s’inscrivent dans un climat européen globalement morose. 

De part le monde, les journaux ont souligné dès leur commencement la nouveauté des opérations militaires de l’année 2003.

Néanmoins, contextuellement, ces opérations ont démarré au moment où tous les yeux étaient rivés sur la guerre en Irak. On en a donc relativement peu parlé, surtout dans les médias anglo-saxons. Une recherche effectuée par exemple à partir du moteur de recherche de la Délégation à l’Information et à la Communication de Défense (DICOD) ne nous a permis de trouver que deux articles de presse américains sur le lancement de l’opération Artémis[v].

Ces opérations étant des actions modestes, on a du mal encore à en percevoir la portée politique. Dans ces conditions, seuls les journaux des nations contributrices à ces opérations et les médias des zones d’intervention, dans les Balkans ou en Afrique, ont consacré en nombre des articles aux opérations Concordia, Artémis ou Althéa. La plupart des journaux extra-européens, américains en particulier, les ont ignorées.

Par ailleurs, rapidement à partir de 2004, le débat sur le Traité constitutionnel a relégué ces opérations au second plan. En 2006, les observateurs sont encore stupéfaits de l’échec du référendum français de juin 2005. Dans ce contexte morose, l’Europe de la Défense continue pourtant à avancer, avec de multiples projets opérationnels. Mais ces efforts très encourageants demeurent relativement inaperçus, surtout de la population européenne, dans la vague de pessimisme ambiant. 

 

B.Ces opérations portent également des limites internes

1. Elles sont récentes : nous manquons encore de recul pour juger de leur crédibilité

Le manque de recul des observateurs explique l’absence d’analyses sérieuses sur le sujet. Les opérations militaires de l’UE ont débuté il y a trois ans seulement et la plus importante, Althéa, est toujours en cours. On n’en compte véritablement que trois pour le moment, cinq ou six si l’on rajoute les missions de soutien ou d’observation (Soudan, Indonésie, etc.). Une seule, Artémis, a intégralement été conduite par l'Union, les autres étant en partie commandées ou soutenues par l'OTAN. L'échantillon d'analyse est donc insuffisant pour exercer des comparaisons pertinentes et, plus encore, pour mesurer la portée politique de ces opérations. En conséquence, aucun journaliste ni historien n’a pour le moment jugé utile d’écrire un livre sur le sujet. Seuls quelques chercheurs des instituts de recherche stratégique et quelques militaires, à travers la procédure du « retour d'expérience » (RETEX), se sont risqués à en tirer des leçons, souvent très limitées.

La contribution de ces opérations à la réflexion générale est donc très modeste, ce qui renforce plutôt l’idée qu’elles ne participent pas encore à l’élaboration d’une stratégie européenne concertée. Un diplomate français conclut : « les Américains pensent que les unités européennes doivent encore faire leurs preuves et intervenir dans un plus grand nombre d’opérations »[vi].

 

2. Il s’agit également pour l'instant d’opérations aux ambitions limitées

Ce sont des interventions modestes, soit dans leurs objectifs, soit dans le mode d’action utilisé, soit enfin par les moyens déployés. Les Etats-Unis et l’OTAN ont donc tendance à minimiser leur portée tandis que l’ONU s’inquiète déjà de la baisse des contributions européennes[vii].

La « doctrine Solana » désigne les Balkans, l’Afrique et le Proche-Orient comme étant des zones d’intérêt prioritaires pour la sécurité de l’Union. Si l’UE a entamé sa deuxième opération (AMIS II) en Afrique, elle n’est pas encore intervenue militairement au Proche-Orient. Par ailleurs, les interventions de l’UE ne font que prolonger pour la plupart des opérations de maintien de la paix, donc de basse intensité, déjà entamées par l’OTAN (Concordia, Althéa). Il s’agit aussi souvent d’opérations à caractère humanitaire (Concordia, Artémis, Althéa mais aussi Amis II). Seule Artémis présente des objectifs ambitieux, à l’atteinte réellement incertaine. Certains analystes en ont même conclu que l’Union européenne ne conduisait jusqu’à présent que « les opérations dont personne ne voulait ». L’Institut européen de Sécurité met même en garde également l’UE contre cette stratégie minimaliste : « En satisfaisant aux formes les moins exigeantes des opérations de maintien de la paix, comme la future mission en Bosnie, l’UE ne doit pas ralentir la transformation nécessaire des forces européennes » [viii].

Les moyens humains et financiers consacrés par les Etats membres à ces opérations sont également très limités. Prenons les effectifs. A l’heure actuelle, l’UE ne déploie sous sa bannière que 7 à 8 000 soldats, soient seulement 10% des 70 000 soldats européens déployés dans le monde[ix]. Ces 8 000 soldats sont également à rapporter au 1,8 million de militaires que comptent les Etats membres de l'Union mais aussi aux quelques 500 000 soldats américains déployés à travers le monde. Les ambitions sécuritaires de la plupart des Etats membres sont donc très limitées.

Considérons, enfin,  les budgets consacrés par les Etats membres à ces opérations. Les Etats membres consacrent 60 millions d’euros par an aux opérations, sans compter les 35 millions dédiés au fonctionnement du comité militaire, de l’état-major européen et de l’agence européenne de défense[x]. Dans le même temps, la France consacre 110 millions d’euros par an à l'OTAN, l’Italie 126, le Royaume-Uni 200 et l’Allemagne 342[xi]. Les différences sont éloquentes. Paul Quilès, rapporteur de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, note également les difficultés rencontrées par la France, nation cadre, pour financer et trouver les effectifs nécessaires à l’opération Artémis : « De manière à obtenir au plus vite un consensus à Quinze, les coûts communs de l’opération ont été déterminés de manière très restrictive conduisant la nation cadre à supporter la plus grosse part du budget de l’opération. Ensuite, le niveau de contribution de la majeure partie des Etats membres et des tiers à cette opération, certes lointaine et risquée, est estimée trop faible mais peut trouver une explication dans l’éloignement de ce théâtre des zones d’intérêts habituelles de nos partenaires européens. Ces deux constats ont conduit la nation cadre à supporter la plus grosse partie de la charge financière et constituent pour l’avenir un sujet de préoccupation.» [xii]

Dans leurs ambitions et les moyens qui y sont consacrés, les opérations récemment menées par l'Union ne peuvent donc avoir qu'une influence limitée. En revanche, on peut se demander quel serait le rayonnement de l’UE si, à l’avenir, ces 70 000 hommes étaient déployés sous la bannière de l’UE.

 

C. Ces missions confirment de surcroît les lacunes de la défense européenne

1. Des lacunes capacitaires encore importantes

• Un effort de défense globalement très insuffisant et qui cache de très profondes disparités.

L'exemple du financement consacré aux opérations de l'UE appelle une autre remarque, plus générale : quels sont les moyens véritablement consacrés à la Défense européenne par les Vingt-cinq ? Les Etats membres ne consacrent déjà qu'1,4% de leur PIB à leur défense, en moyenne. Accumulés, les budgets de la défense européens ne représentent que 40% de l’effort de défense américain[xiii]. Pour Pascal Boniface[xiv], l’Europe se trouve dans une situation paradoxale depuis la chute du Mur : elle voudrait accroître son influence du fait de la disparition du blocage Est-Ouest ; mais en même temps, elle est « victime » des dividendes de la paix, c’est-à-dire d’une réduction drastique des budgets militaires. La Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) note également, dans son rapport 2004, « les énormes disparités qui existent dans les capacités d’engagement militaire des différents pays européens »[xv]. Ces profondes disparités se traduisent par des lacunes capacitaires multiples.

 

• Des volumes de forces très disparates et des retards dans les programmes d’équipement.

La diminution considérable de l’effort budgétaire de défense de beaucoup d’Etats de l’Union durant la décennie écoulée s’est traduite par la perte de pans entiers de capacités militaires. 18 des 25 pays de l’Union ont aujourd’hui un effectif global (Air, Terre et Mer) inférieur ou égal à 50 000 hommes. Les marines ne sont plus capables, pour la plupart, d’assurer des missions en haute mer et les aviations sont cantonnées, pour nombre d’entre eux, à des activités de police du ciel national. L’entretien du matériel est médiocre avec un taux de disponibilité très faible. Son renouvellement est trop souvent différé et, en tous les cas, le remplacement ne se fait pas sur une base équivalente. Au bilan, selon la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), les 4/5ème des pays de l’Union européenne ne sont plus en mesure de participer à des opérations militaires d’envergure hors d’Europe.

La plupart conservent quelques unités d'élite en mesure d’intervenir rapidement. Les Pays-Bas ont toujours leur brigade de fusiliers marins et l'Autriche ses Gebirgsjäger et ses forces spéciales Jagdkomando. En définitive, l’UE n’est actuellement capable de projeter par elle-même que de petites unités d’interventions. De nombreux programmes d’armement communs, en raison des problèmes de financement, ont du retard. Sans moyens de projection et avec de nombreux retards dans le plan d’équipement des différents pays européens, la force de réaction rapide de l’UE, qui doit à terme compter 60 000 hommes, n’est pas encore opérationnelle.

 

• Des capacités de commandement, de planification et de projection réduites à celles de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

A l’exception du Royaume-Uni avec le PJHQ (Permanent Joint Headquarters) situé à Northwood, de la France avec le CPCO (Centre de Planification et de Conduite des Opérations) et, à court terme, de l’Allemagne, avec l’EinsatzFührungsKommando (EinsFüKdoBW) situé à Potsdam, les Etats membres sont en 2006 dans l’incapacité de préparer et d’exécuter des opérations militaires aux niveaux opérationnel et stratégique. L'opération Artémis a par exemple montré que, hormis la Grande-Bretagne et la France, aucun pays européen ne dispose de moyens de renseignement, de communication, de projection et de soutien suffisants pour envoyer et maintenir une force sur un théâtre lointain, condition sine qua non pour assumer, en tant que nation-cadre, le commandement d’une opération militaire lancée par l’Union européenne. Sur le plan maritime également, les moyens de projection de la Grande-Bretagne et la France représentent à elles seules près de 50 % des capacités de l’UE.

 

• Une interopérabilité encore limitée.

Les équipements européens sont encore peu interopérables, ce qui peut limiter l’envergure des futures opérations, notamment dans les situations d’urgence. L’opération Artémis n’a été possible que parce que c’est la France qui l’a entièrement équipée et que ces matériels ont été utilisés à 80% par des Français.

 

2. Conséquence de ces insuffisances : une dépendance indéniable vis-à-vis de l’OTAN

Insuffisance de la chaîne de commandement de commandement, des capacités de planification et de prospective, tout comme des moyens de projection stratégique, ces lacunes entraînent en tous cas pour l’UE une réelle dépendance vis-à-vis de l’OTAN. Ce constat a conduit l’UE a conclure avec l’OTAN, en 2002, les accords dits de « Berlin + » qui permettent à l’UE  de disposer des moyens de gestion de crise, de transport stratégique et de communication de l’OTAN dans le cadre d’opérations confiées à l’UE par l’Alliance.

Dans les faits,  si l’on exclut le cas particulier d’Artémis, toutes les opérations conduites par l’UE ont pour l’instant été conduites dans le cadre du partenariat stratégique de « Berlin+ », c’est-à-dire avec l’appui des moyens de l’OTAN. Pour l’opération Concordia par exemple, première opération militaire, l’UE a utilisé le matériel et le réseau de communication de l’OTAN. Et, selon un diplomate français en charge de la PESC, « l’OTAN a très mal digéré l’opération Artémis »[xvi] qui s’affranchissait du soutien de l’OTAN. Pour l’OTAN, l’autonomie est gênante parce qu’elle implique une duplication des moyens. A contrario, certains estiment que les autres opérations militaires ont entériné l’idée selon laquelle la défense européenne, tout juste capable d’assumer les missions de basse intensité de l’OTAN, était « subordonnée » à celle de l’OTAN et des Etats-Unis[xvii]. C’est aussi un sentiment  de condescendance qui prévaut chez ces derniers qui, selon un autre diplomate, « laissent faire mais prennent ces opérations à moitié au sérieux »[xviii].

 

3. Des lacunes qui traduisent en définitive un manque de volonté politique. 

• Des lacunes capacitaires aux limites politiques de l’UE

La création du COPS, du CMUE ou de l'EMUE ne doivent pas laisser croire que la prise de décision politico-militaire a été simplifiée au sein de l'UE. L'UE ne possède toujours pas de centre de conduite des opérations, doté de réels pouvoirs de décision ou d'anticipation (renseignement, planification). Les lacunes militaires ne sont jamais que le reflet des lacunes politiques de l'UE. Même renforcé par la création du poste de Haut Représentant pour la sécurité et par l'adoption d'une Stratégie européenne de Sécurité, la politique étrangère européenne n'en demeure pas moins à ses premiers pas : les Etats membres peuvent bien adopter des positions communes, les décisions de politique étrangère demeurent le privilège des Etats nations. Ce qui contraint fortement l’engagement opérationnel de l’UE.  « Le simple fait d’obtenir un feu vert politique interne prend des mois », confie un représentant de l’Union, sans compter sur la non-automaticité des contributions. « Tout cela doit changer ou nous serons incapables de répondre avec souplesse à des crises soudaines et à des urgences humanitaires. Il n'est pas impossible, dans ce contexte et malgré l'arrivée de M. Solana, que lors du prochain conflit les Européens apparaissent aussi divisés que lors de la guerre en Irak »[xix]. Le général Lecerf, sous-chef Emploi de l’Etat-major des Armées au moment des premières opérations militaires européennes, souligne que la réussite des opérations Artémis et Concordia a aussi tenu « à l’absence de blocage politique et au cadre juridique clair »[xx]. Dans tous les cas, la politique étrangère demeure partie intégrante du deuxième pilier où les décisions se prennent à l'unanimité. Dans ce contexte, il manque véritablement le « gouvernement européen » auquel Jean Monnet aspirait, capable de d’exprimer une vision claire et d’adopter une ligne de conduite propre.

 

• Le volontarisme de quelques uns des Etats membres ne doit pas masquer l’absence de vision politique de la plupart ?

Ce constat fustige, à travers les difficultés décisionnelles et capacitaires, le caractère limité des ambitions de beaucoup des Etats européens. En raison des problèmes budgétaires, « l’objectif de 2010 doit être considéré comme une échéance tout à fait modifiable »[xxi], soulignait encore le 21 novembre 2005 un représentant de Défense Nationale à l’issue de la réunion des ministres de la Défense de l’UE à Bruxelles.

Comment expliquer ce manque de volonté politique ? L’UE est divisée. Etant données la multitude et la diversité de ses membres, elle a encore du mal à se penser comme une entité géopolitique propre et la plupart de ses Etats membres n’a pas d’ambition géopolitique. L’UE est née de la guerre et la Communauté européenne, dans ses principes, s’est voulue profondément pacifique. Nombre de pays qui la composent aujourd’hui ont ensuite accepté de confier leur défense à l’OTAN, avant même que la Communauté européenne ne voit le jour. Devant l’absence d’une politique de défense européenne, les pays de l’ex-Pacte de Varsovie ont fait de même à partir de 1990.  Depuis ses débuts, pour toutes ces raisons, l’UE est victime d’une véritable « myopie » géopolitique, selon l’expression de Philippe Moreau Defarges[xxii]. En outre, certains redoutent qu’en raison des inégalités internes sur le plan militaire, la politique étrangère de l’Union ne soit que le reflet des ambitions politiques de la France ou du Royaume-Uni. Ils n’ont pas forcément envie d’assumer les accords de défense signés au lendemain de la décolonisation par ces anciens pays colonisateurs et les opérations de l’UE, à côté des opérations de l’OTAN, peuvent leur apparaître comme les réminiscences de ces accords de défense. Dans ce contexte, on comprend mieux les difficultés que la France rencontre pour « mutualiser », avec les autres armées européennes, son engagement en Côte d’Ivoire[xxiii]

Actions encore modestes, les opérations militaires de l’Union européenne ne jouent encore qu’un rôle limité dans le développement de l’influence externe de l’UE. Ces opérations portent en elles le climat politique européen plutôt défavorable aux dépenses de défense, l’absence d’une ambition géopolitique claire de l’UE et l’abandon de la plupart des défenses nationales à l’OTAN.

Pourtant, l’accélération du processus capacitaire de la défense européenne, la « transformation » de l’OTAN en une organisation aux ambitions mondiales et son retrait relatif d’Europe pourrait permettre à l’UE de revoir ses ambitions à la hausse.

 

 

II. Néanmoins, les opérations militaires contribuent A donner DE l’UE l’image d’un acteur régional responsable.

Nombreux sont ceux qui pensent que, l’UE a pour ambition légitime d’assumer, à moyen terme, la défense de l’Europe. Les opérations qu’elle conduit doivent donc contribuer à convaincre, petit à petit, les acteurs traditionnels de la sécurité en Europe : l’OTAN bien sûr, mais aussi les Etats-Unis d’Amérique et l’ONU. En effet, ces interventions ont d’abord permis de tester l’efficacité de la PESD et sa subsidiarité vis-à-vis de l’OTAN. Elles ont ensuite permis à l’Europe de prendre conscience de ses lacunes et de, progressivement, les combler. Elles pourraient donc finalement convaincre tous ces acteurs que l’UE est capable d’assumer sa propre défense.

 

A.Les opérations militaires renforcent la visibilité de la PESD en Europe.

1. Il s’agit de la première application de la PESD sur le terrain.

La  PESD a longtemps été considérée comme un « tigre de papier » [xxiv]. Alors que depuis la chute du Mur de Berlin, l’OTAN et l’ONU s’étaient toujours partagé les opérations en Europe, depuis 2003 l’UE prend progressivement le commandement des théâtres. Avec le démarrage de l’opération Concordia, en mars 2003, « c’est plus qu’un symbole…on peut dire qu’aujourd’hui la défense européenne est née », s’extasie un diplomate européen[xxv]. Et le journal anglais The Independent de rappeler le symbole très fort de l’opération Althéa : « une telle opération n’était pas envisageable il y a seulement quelques années » [xxvi]. La présence militaire en Macédoine a maintenant été remplacée par une présence policière, signe de l’amélioration de la situation. Depuis décembre 2004, l’UE a également relevé l’OTAN en Bosnie et devrait y rester. Le Kosovo, qui a déjà été confié à l’Eurocorps en 2000, devrait selon tout logique passer un jour sous la responsabilité de l’UE. Par ces opérations, l’Europe de la Défense renforce en tous cas sa crédibilité en Europe.

 

2. Elles sont un succès

De l’avis unanime, ces opérations sont ensuite un succès. Même limitée, l’opération Concordia a permis d’assurer la transition vers une force de police, Proxima. L’opération Artémis a quant à elle permis de réinstaurer la paix à Bunia en trois mois et de relancer un processus politique dont les enjeux sont importants pour l’Afrique.

 

3. Ces actions permettent de valider des principaux instruments de la PESD.

• Elles  répondent toutes aux menaces identifiées par la Stratégie européenne de sécurité.

Première formulation d’une vision commune des Européens sur les questions de sécurité, la « Stratégie européenne de sécurité » a été rédigée par Javier Solana au printemps 2003 et adoptée en décembre 2003. Elle identifie cinq types menaces contre lesquelles l’UE doit se prémunir : terrorisme, conflits régionaux, prolifération des armes de destruction massive, Etats déliquescents et criminalité organisée. Dans les Balkans, l’UE lutte directement et à ses portes contre ces cinq fléaux qui menacent tour à tour sa stabilité. Mais il est important de noter que, d’après la « doctrine Solana », la résolution des conflits en Afrique permet de réduire considérablement la menace en Europe. Toutes les grandes opérations jusqu’ici menées par l’Union, y compris Artémis ou Amis,  participent donc peu ou prou à la sécurité de l’Europe. L’OTAN et les Américains ne considèrent-ils pas d’ailleurs l’Afrique comme le « Sud de l’Europe » ?

 

• Elles  valident les outils de gestion de crise retenus lors des sommets de Saint Malo (1998) et Helsinki (1999).

« L’Objectif Global d’Helsinki » (1999) prévoyait l’élaboration de procédures de gestion de crise, de concepts logistique et de commandement des opérations, la définition du rôle de nation cadre et d’un certain nombre d’arrangements sur le financement des opérations qu’il fallait valider. Les opérations militaires ont donc permis de tester « l’aptitude de l’Union à appliquer une partie des instruments de politique militaire qu’elle envisageait en 1999 à travers l’Objectif Global d’Helsinki » , note l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union Européenne[xxvii]. C’est aussi le constat que dresse le capitaine de vaisseau Jean-François Morel, chef de cabinet du général commandant l’EMUE : « La PESD a pris corps en se donnant, en cinq ans seulement, des capacités européennes d’évaluation de la situation internationale, des capacités de prise de décision et des capacités d’action, mises en œuvre sur le terrain au moyen d’opérations décidées collectivement par les Vingt-cinq» [xxviii]. « Au-delà de la validation de ces outils, elles ont confirmé la pertinence de l’architecture de la PESD dans le cadre de la gestion militaire des crises : rôle central du Comité politique et de sécurité (COPS) dans les phases de montée en puissance, de préparation et de contrôle politique, réactivité et compétence du Comité militaire de l’UE pouvant s’appuyer sur les travaux de l’état-major de l’UE, sérieux des productions du Centre de Situation, fonctionnement du Comité des Contributeurs» [xxix]. En se dotant d’instruments de gestion de crise pertinents, l’UE renforce sa crédibilité interne mais aussi externe.

 

4. Ces opérations poussent aussi l’UE à se doter de capacités de défense appropriées 

En mettant en relief les lacunes de la défense européenne, les opérations de 2003 ont permis de réactualiser le plan d’action sur les capacités de l’UE  pour les rendre plus performantes. C’est l’« Objectif 2010 ». Le projet « objectif 2010 » propose à l’Europe de se doter d’une capacité de réaction pour agir vite et loin (projet GT 1 500) et vise à coordonner les efforts européens en matière d’équipement, à améliorer les capacités de projection et de soutien, ainsi qu’à rendre interopérables les matériels, équipements et procédures.

L’UE s’est ainsi dotée après l’opération Artémis d’une Agence Européenne de Défense (AED). Cette agence est chargée de renforcer les capacités européennes de défense. Elle soutient les Etats membres dans leur effort pour les améliorer, en particulier dans le domaine de la gestion des crises et dans celui de la collaboration en matière d’équipement, de recherche et de développement (processus ECAP).

Pour atteindre l’objectif 2010, outre les processus comme ECAP, une voie s'offre dans le moyen terme, celle de la spécialisation des fonctions militaires. Proposée initialement par les Américains à leurs alliés européens de l'OTAN, elle consisterait à placer chaque État de l’Union qui serait disposé à le faire, ce qui incidemment suppose que la PESD fasse désormais l’objet d’une coopération renforcée, sur des créneaux dont il possède tout ou partie de la technologie et du savoir-faire militaire. Le premier avantage d'une telle posture serait, d'un point de vue militaire, d'éviter l'éparpillement et la dilution des moyens. En tout état de cause, il est bien ici question de penser autrement la défense nationale de chaque État de l’Union. Ne s'inscrivant pas pour l’instant dans un projet d'intégration politique, cette solution n’a pour le moment pas été formellement retenue. Pourtant, dans les faits, une amorce de transformation est déjà en cours avec la mise en commun d’un certain nombre de moyens comme l’ont fait, par exemple, la Belgique et les Pays-Bas avec leurs marines. Ce type d’accord est aussi en marche avec la mutualisation d’un certain nombre de capacités stratégiques. Grâce à une chambre de compensation, les armées européennes échangent déjà des heures de vol d’avions de transport tactique Hercules C-130 et le feront plus tard également avec l’A-400M. Cette mutualisation pourrait également être élargie, dans le futur, aux pays européens en possession des chasseurs bombardiers F-16 ou aux futurs matériels européens : Eurofighter, Tigre, NH90, etc.

En ce qui concerne les moyens de coercition et de réaction rapide, l’UE ne dispose pas encore de la force de réaction rapide permanente de 60 000 hommes prévue par l’Objectif d’Helsinki. Cependant l’Eurocorps peut jouer ce rôle, d’après ses missions. « Qualifié » par l’OTAN, il a déjà été mandaté par l’organisation avec un grand succès en Bosnie (1998-1999), au Kosovo (2000) et dernièrement en Afghanistan (janvier 2004-janvier 2005). Il ne reste plus qu’à le déployer sous Drapeau européen.

Au niveau tactique enfin, « la création des GT 1500 répond directement au vide capacitaire identifié lors des opérations » menées par l’Union européenne en 2003[xxx]. Celles-ci ont, en effet, montré que la rapidité d’action était indispensable pour intervenir avant que la situation locale ait dégénéré en génocide interethnique, en déstabilisation régionale ou en chaos, rendant l’intervention soit inutile soit extrêmement lourde et compliquée. Initié par le sommet franco-britannique du 24 novembre 2003, le concept de groupements tactiques à 1 500 hommes (GT 1500) a été présenté au Comité politique et de sécurité (COPS) de l’UE le 10 février 2004[xxxi]. Prenant à tour de rôle l’alerte, les GT 1 500 peuvent être déployés sous quinze jours par des moyens de projection appropriés jusqu’à une distance de 6 000 km, avec une autonomie initiale de 30 jours et pouvant aller jusqu’à 120 jours avec ravitaillement. Ils sont capables d’agir dans le cadre d’une opération autonome de l’UE, sur demande des Nations unies ou de toute autre organisation et dans le cadre des missions dites de « Petersberg ». Il s’agit d’un concept de « réaction immédiate ciblée »[xxxii]. Selon Michèle Alliot-Marie, « on réagit face à une crise pour éviter qu’elle n’existe ou la crise a déjà commencé et on intervient pour empêcher qu’elle ne se développe »[xxxiii]. Le concept a rencontré un vif succès et rallié sept des nouveaux Etats-membres. Le premier, franco-britannique, est opérationnel depuis janvier 2005. Treize le seront à partir de 2007. L’OTAN est favorable à cette initiative qui n’existe pas déjà en son sein.

La création d’une force de gendarmerie européenne (FGE) ne fait pas partie de l’ « objectif 2010 ». L’idée a été lancée par Michèle Alliot-Marie en septembre 2003. Il s’agit d’une capacité totalement originale dans le monde des acteurs de la sécurité internationale mais qui correspond à un besoin identifié lors des opérations de 2003. Elle est « taillée » pour assurer des périodes de transition fragile entre la guerre et la paix, avec des pouvoirs de police étendus. Ni l’OTAN ni les Américains même ne possèdent une telle force militaire, ce qui est un atout pour l’Europe de la Défense. Le colonel Ruby de l’US Army avoue qu’une telle force serait bien utile aux Etats-Unis en Irak[xxxiv]. Son état-major a été inauguré le 23 janvier dernier et elle pourrait être déployée dans les Balkans dès 2006.

En définitive, si de nombreux éléments de la défense restent encore perfectibles (paragraphe I.C.1), de grands espoirs sont permis pour 2010. Les premières opérations européennes ont même débouché sur la création de nouveaux outils de gestion de crise inédits, les GT 1500 et de la Force de Gendarmerie Européenne, que même l’OTAN nous envie. Peut-on pour autant en tirer que l’Europe de la Défense sera bientôt capable de remplacer l’OTAN en Europe ?

 

B.Dans leur diversité, les opérations confirment aussi l’idée d’un partenariat stratégique avec l’OTAN fort mais pas exclusif.

« L’alliance de l’Europe et de l’Amérique du Nord est le principal pilier de notre sécurité pour le nouveau siècle (…) Nous avons besoin d’un partenaire solide pour faire avancer la liberté dans ce monde »[xxxv], a rappelé G. W. Bush lors du sommet de l’OTAN à Bruxelles, fin février 2005.

Toutes les opérations de l’UE en Europe ont pour l’instant été conduites dans le cadre du partenariat stratégique entre l’Union et l’OTAN, désigné par le nom de « Berlin Plus ».

L’opération Concordia a permis de mettre en œuvre, pour la première fois, le partenariat. Pendant l’opération, le COPS a conservé le contrôle politique de l’opération. L’OTAN a pris le commandement de l'opération (COPER) en s’appuyant sur les moyens de SHAPE et d’AFSOUTH, tandis que l’UE a pris le commandement de la force.

Concordia a permis de tester en vraie grandeur l’interface UE – OTAN dans le domaine de la gestion militaire des crises. « Globalement satisfaisantes, ces relations se sont révélées particulièrement bonnes et efficaces sur le terrain (notamment entre le Commandant de la Force de l’UE et le représentant de l’OTAN en Macédoine et dans le cadre des relations inter-théâtres balkaniques)»[xxxvi]. L’opération Althéa en Bosnie, également conduite par l’UE dans le cadre du partenariat de « Berlin Plus », confirme les très bonnes relations entre l’UE et l’OTAN. Le Major Général Leakey, premier commandant de l’opération, rapporte même que l’état-major de l’UE partage un immeuble avec celui de l’OTAN et qu’il travaille « de façon très proche avec l’OTAN sur la réforme de la défense bosniaque, le contre-terrorisme et les PIFWCs”[xxxvii].

Au-delà de l’efficacité de ce partenariat se pose la question de l’autonomie de la défense européenne. Les « Otaniens » regrettent, avec la poursuite de l’ « objectif 2010 », la duplication d’une partie des moyens, notamment de commandement et de planification. Le général Lecerf note au contraire que Concordia et Artémis ont révélé une complémentarité des modes d’engagement : « les accords de Berlin Plus sont bien adaptés à une opération européenne qui peut faire l’objet d’une planification longue et complète, … avec des moyens plus nombreux et sur un théâtre plus complexe, …la totale autonomie et le concept de nation-pilote paraissent à la lecture des faits, tout à fait adaptés dans le cadre d’une situation d’urgence, pour un engagement bien défini et limité » [xxxviii]. D’où la nécessité, conclut-il, de mettre en place un état-major de planification européen et un échelon d’intervention très rapide.

La récente « transformation » de l’OTAN montre que l’organisation tend à évoluer vers une organisation sécuritaire mondiale et qu’elle souhaite se désengager progressivement d’Europe pour se redéployer sur d’autres théâtres. L’OTAN ne serait donc pas opposée à ce que l’Union prenne en charge une partie voire la totalité du « fardeau » européen. Reste à savoir si cette défense se ferait dans ou hors du cadre de l’OTAN. L’UE, pilier européen de l’OTAN ? Si les membres de l’UE se mettent aux normes de l’organisation (corps HRF, procédures), le développement des capacités européennes et les premières opérations de l’UE montrent que l’UE recherche aussi « l’autonomie ». L’expérience des opérations militaires de l’UE révèle en définitive l’intérêt d’un partenariat transatlantique fort mais pas exclusif. Les Américains reconnaissent que les GT 1500 sont plus « souples »[xxxix] d’emploi que la force de réaction rapide de l’Union européenne et contribuent ainsi à faire d’elle un partenaire pour la sécurité plus efficace, même si par ailleurs l’OTAN regrette qu’il s’agisse d’un « pendant de la force d’intervention rapide de l’OTAN » qui pousse l’Europe vers l’autonomie[xl].

 

C. Les opérations viennent enfin compléter un dispositif de défense européenne « global » 

Certains parlent d’un modèle européen de gestion de crise. Dans cette « approche globale » de la sécurité[xli], l’action militaire fait partie d’un large éventail d’actions, la sécurité commence à la périphérie et fait l’objet d’une application continue et particulièrement poussée sur le territoire européen.

« L’Europe a développé une approche globale de la sécurité, depuis les missions de police jusqu’à la gestion de crise »[xlii] si bien qu’on n’hésite plus à dire aujourd’hui que les opérations militaires font partie de la « boîte à outils » de l’UE. A la différence de l’OTAN, l’intervention militaire de l’UE est toujours renforcée par un large panel d’actions politiques, juridiques, économiques ou même de formation. Le général Neveux, commandant de l’opération Artémis, insiste sur le rôle décisif de l’action diplomatique dans le succès de son opération : « l’UE, qui peut s’appuyer sur un réseau diplomatique sans égal et se prévaloir d’être le plus important contributeur de la région, y est incontestablement un acteur politique et économique majeur ».

La stabilité du continent commence ensuite par la résolution des conflits à sa périphérie, comme le rappelle Javier Solana : « Il est frappant de voir comme les menaces identifiées dans la Stratégie de sécurité –terrorisme, Etats déficients, crime organisé, prolifération et conflits régionaux- se manifestent toutes en Afrique. Plus encore, nous pouvons voir comment toutes ces menaces sont interconnectées » [xliii].

Si l’action militaire de l’UE hors d’Europe n’est pas vouée à durer, son action sur le territoire européen s’inscrit dans le temps. Le Haut Représentant affirme, par exemple, la nécessité d’un engagement global et continu de l’UE dans les Balkans : « L’importance d’un engagement continu de l’UE ne peut être sous-estimée. Plus que toutes autres régions dans le monde, il s’agit d’une responsabilité européenne »[xliv]. Dans les faits, l’UE accompagne depuis longtemps et plus que toute autre organisation la réforme des systèmes politique, judiciaire et sécuritaire. Ce qui renforce sa crédibilité et sa légitimité. Si le premier engagement militaire de l’UE dans les Balkans date de 2003, les Etats européens sont présents militairement depuis 1992. Javier Solana ajoute que c’est cette présence militaire qui a permis l’érection progressive d’une approche civile : « à force d’opérations et de missions, les Européens ont acquis des réflexes et une expérience solide. Sans l’expérience des missions en ex-Yougoslavie, en Géorgie, au Proche-Orient, la dimension civile de la Politique Européenne de Sécurité et de Défense n’aurait pas les développements que l’on connaît»[xlv]. Aujourd’hui, la complémentarité de ses différents instruments permet à l’UE d’adapter, dans le temps, son action aux besoins du pays où elle agit. En Macédoine, l’opération Concordia a par exemple cédé la place à une mission européenne de police, devenue plus adaptée. Ainsi, « la prise en compte des opérations en ex-Yougoslavie ou même en Afghanistan et Ituri, et leur prolongement par des opérations de police, montreraient que l’UE (…) est bien en train de mettre en place un concept de défense globale (militaire et civile) et témoignerait de la volonté politique des Etats européens d’assumer la responsabilité de la stabilité du continent »[xlvi]. Appliqué spécialement au cas des Balkans, le concept de la gestion globale des crises de l’UE troupe même une application politique : il accélère le processus d’intégration politique de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine. 

Opérations militaires de plus en plus visibles, réorganisation des l’industrie de défense pour réduire les vides capacitaires, partenariat fort mais non exclusif avec l’OTAN, et enfin mise en place d’un concept de défense global visant à faciliter l’intégration des Etats européens à l’UE… De nombreux indices laissent à penser que l’UE se donne réellement les moyens d’assumer, à terme, la sécurité en Europe, avec ou sans l’OTAN. Ce projet, admiré par de nombreuses organisations régionales et soutenu par l’ONU, est regardé avec intérêt mais méfiance par l’OTAN et plutôt déconsidéré par les Etats-Unis.

Au-delà de la défense stricto-sensu de l’Europe, les premières opérations militaires de l’Europe contribuent déjà à alimenter la polémique les capacités de l’Union à exister comme un acteur mondial. 

 

III. Enfin, CES PREMIERES OPERATIONS participent à la construction d’une puissance mondiale crédible

« Aujourd’hui, la stratégie européenne de sécurité offre la possibilité de transformer l’Union européenne en un acteur stratégique majeur sur la scène internationale. L’atteinte de cet objectif nous demandera à la fois du leadership, une vision stratégique et beaucoup de travail » affirmait Javier Solana en juin 2003 [xlvii]. Dans les faits, avec 25 Etats, une population dépassant 450 millions de personnes et une production représentant un quart du produit national brut mondial, l’Union européenne constitue inévitablement un acteur mondial. Ses premières opérations militaires confirment-elles pour autant, comme l’assure le Haut Représentant, que l’UE est maintenant prête à assumer une partie de la sécurité internationale et à contribuer à la construction d’un monde meilleur ?  Et comment passe-t-elle d’une stratégie de sécurité à une stratégie de puissance ?

 

A. Des « puissances vieillissantes » à l’acteur émergent de la sécurité internationale

1. L’UE ne limite plus sa vision stratégique aux frontières géographiques de l’Europe, comme dans les années 1990

A ceux qui accusent l’Europe de « myopie géopolitique », de manquer d’ambition[xlviii] ou d’être divisée, comme au début des années 1990 face à la guerre en Bosnie, l’UE répond aujourd’hui. La stratégie européenne de sécurité a pour objectif de définir un cadre clair pour l’ensemble de l’action extérieure de l’UE. Le développement des menaces évoquées dans la « doctrine Solana », maintenant reconnues de façon commune par l’UE, a contribué à modifier la nature et la perception de la sécurité internationale par les Etats membres.

J. Solana rappelle que l’UE concentre son intérêt stratégique sur trois régions prioritaires : les Balkans, le Moyen-Orient et l’Afrique[xlix]. Pourquoi le Moyen-Orient et l’Afrique ? Le Haut Représentant explique que la quasi-totalité des problèmes de sécurité identifiés par la doctrine Solana ont leurs racines dans ces deux zones.

Le Proche et le Moyen-Orient sont historiquement des zones d’influence politique pour les Européens. Aujourd’hui, l’UE demeure le premier contributeur financier de la plupart des Etats, notamment du Liban et de l’Autorité Palestinienne. Après avoir commencé à former la police palestinienne, elle a entamé au mois de novembre 2005 une première mission de nature militaire, une mission de surveillance au point de passage de Rafah. L’Europe a également été représentée par le corps européen en Afghanistan jusqu’au début de l’année 2005, même si ce dernier était alors sous commandement OTAN. Il n’en demeure pas moins que l’Afghanistan, premier fournisseur d’opium dans le monde, lieu de formation de nombreux terroristes d’Al Qaïda, est bien un sujet de préoccupation pour l’UE.

L’Afrique semble quant à elle devenir peu à peu la deuxième zone d’intervention militaire de l’UE, après les Balkans. Quelle est l’ambition de l’UE en Afrique ? S’agit-il d’un simple partenariat, forme de « parrainage » politique et économique pour permettre au continent d’assurer sa transition politique ou bien d’une récupération de l’influence traditionnelle de la France et du Royaume-Uni dans la région ? Un diplomate affirme que l’ONU « souhaite ne pas laisser les anciennes puissances coloniales en première ligne » en Afrique, appuyant l’initiative d’Artémis. Et « l’Afrique oublie (son passé) quand les troupes européennes sont ensemble »[l]. La France aimerait bien démontrer, et c’était l’objectif politique d’Artémis, que « la sécurité en Afrique est, sans ambigüité, inscrite désormais dans le champ des priorités que les Européens abordent collectivement »[li]. Elle tente, non sans mal, de convaincre les Etats-membres de l’UE de reprendre à leur compte le concept de RECAMP et l’intervention en Côte d’Ivoire. Les opérations Artémis ou Amis II (au Darfour) -auxquelles doit succéder une nouvelle opération pour soutenir les élections du mois de juin 2006 en République Démocratique du Congo- confirment en tous les cas la volonté de l’Union de soutenir les processus de démocratisation en Afrique.

La stratégie européenne de sécurité ne se limite donc plus à l’Europe. Peut-on pour autant en tirer que cette stratégie est mondiale ? Rien ne permet de le dire dans la doctrine. L’UE est le premier pourvoyeur mondial d’aide au développement et elle est déjà intervenue pour une mission d’observation militaire en Indonésie, mais il est encore trop tôt pour dire si elle a vocation à intervenir partout dans le monde.

 

2. L’UE cherche à se doter des capacités de projection et de coercition efficaces

L’objectif 2010 consiste, en plus de coordonner l’effort de défense des différents Etats membres, à rendre l'UE apte à agir vite, loin, pendant le temps nécessaire et avec des forces interopérables (projet GT 1500) [lii].

Beaucoup craignaient un engagement trop rapide en Ituri. Or, l’opération a été un succès sur les deux plans de la « déployabilité » et de la coercition : « Seulement un mois s’est écoulé entre la demande du Secrétaire général des Nations unies et le lancement officiel de l'opération Artémis (…) Cette opération a permis, tout en affirmant la capacité de l’UE à agir rapidement de façon autonome et en dehors du continent européen, de démontrer la possibilité d'une application souple et accélérée des procédures quand la situation le demande, ainsi que de valider le concept de réaction rapide tel que la France le recommandait»[liii]. D’un avis unanime, même limités dans leurs pouvoirs coercitifs, les GT 1 500 répondent aujourd’hui pleinement à ces exigences. L’OTAN comme l’ONU ne possèdent pas d’instrument aussi souple d’emploi. Ils n’hésiteront sans doute pas à les utiliser à leur profit. Dans la gamme des moyens coercitifs, l’UE possède enfin un autre atout, le Corps Européen, qui a déjà prouvé son efficacité dans les trois missions qu’il a effectuées pour l’OTAN. Enfin, si pour projeter un corps d’armée l’UE aurait encore besoin de faire appel aux capacités de l’OTAN, à l’horizon 2010 ce ne devrait plus être le cas. L’Europe est donc en marche pour conduire des opérations coercitives de grande envergure.

 

3. Enfin, l’UE propose un « système de sécurité global » qui repose sur la primauté de l’ONU et la responsabilisation des acteurs régionaux

Le « modèle de sécurité global » tel que nous avons exposé plus haut (paragraphe II.C) est exportable. C’est l’idée de l’UE qui privilégie le multilatéralisme, en se fondant sur la primauté de l’ONU et la recherche de partenariats régionaux.

Menée par la France et le Royaume-Uni, l’UE propose à la Communauté Internationale d’exporter son modèle sécuritaire, comme elle l’a fait avec son modèle économique. Elle se dit prête, après Artémis, à « répondre par la PESD à des demandes similaires à venir de la part des Nations unies, en Afrique ou ailleurs»[liv].

Les opérations militaires de l’UE s’appuient également sur une recherchée systématique de la légitimité. Cette légitimité est d’abord l’obtention d’un mandat de l’ONU. L’UE reconnaît implicitement que la responsabilité première pour le maintien de la paix et de la sécurité au niveau international incombe au Conseil de sécurité des Nations unies.  Elle cherche par ailleurs à contribuer au renforcement de la crédibilité de l’action de l’ONU. Par la déclaration commune ONU-UE du 24 septembre 2003, qui renforce les mécanismes de consultation et de coordination entre les deux organisations, l’ONU peut à présent recourir plus facilement aux capacités de l’UE. Le Rapport de l’UE de décembre 2004, « un monde plus sûr : une responsabilité partagée » confirme le partenariat de 2003 et prêche, au moment de l’annonce de la réforme de l’ONU, pour le renforcement de la capacité décisionnelle et de la légitimité du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’UE propose de fournir à l’ONU les « forces d’extraction » nécessaires à ses opérations de maintien de la paix en Afrique. Elle propose, enfin, que ses actions coercitives permettent, par la suite, le déploiement efficace des contingents de l’ONU. Par l’exemple d’Artémis, elle définit ainsi un « modèle des opérations relais ».

L’UE recherche enfin des partenariats stratégiques avec d’autres pays et organisations régionales, dans le cadre d’un « multilatéralisme efficace », comme le rappellent ses objectifs pour 2006 : « améliorer le dialogue et la coopération entre l’Union européenne et les organisations internationales comme l’ONU, l’OTAN, l’OSCE, l’Union Africaine et les organisations sous-régionales africaines, aussi bien qu’avec ses partenaires du programme de sécurité et de défense y compris les membres européens de l’Alliance non membres de l’UE en Europe, le Canada, la Russie, l’Ukraine et les pays méditerranéens engagés dans le processus de Barcelone”[lv]. En Afrique, le partenariat se traduit particulièrement par un soutien au développement des capacités de l’UA. Le général Thonier souligne d’ailleurs que les interventions sous le drapeau européen sont beaucoup mieux perçues par les Africains que ne l’étaient les interventions nationales[lvi]. Ce partenariat touche également des pays comme la Bosnie-Herzégovine, avec laquelle l’UE a signé un Accord de Stabilisation et d’Association (ASA) après que celle-ci ait entamé la réforme de son outil militaire. L’UE plaide pour un régionalisme efficace, fondé sur la responsabilité des organisations régionales et un parrainage de l’UE. Les organisations régionales qui sont en train de se former ne repoussent aucunement les propositions d’aide de l’UE. « Et elles sont des alliées naturelles en faveur de notre campagne pour un multilatéralisme efficace »[lvii]. L’UE a certainement beaucoup à retirer, en termes de stratégie d’influence, de ces systèmes de parrainage.

Ces actions, qui recherchent la légitimité avant même l’efficacité, confirment la primauté permanence de l’ONU et la coresponsabilité des organisations régionales, s’inscrivent en faux par rapport à la stratégie américaine qui privilégie les alliances de circonstance au détriment des alliances classiques et prône la guerre préventive. Au contraire, par ses actions au profit de l’ONU, elle participe directement au processus de réforme de l’ONU entamé à l’automne 2004[lviii].

Par tous ces aspects, le modèle que propose l’UE est original et représente une alternative au système sécuritaire proposé par les Etats-Unis ou l’OTAN.

 

B. Une PESD qui pourrait aider l’UE à se transformer en puissance politique crédible

1. Les opérations militaires concourent à la satisfaction d’objectifs politico-économiques européens

Les interventions militaires, qui ont des objectifs avant tout sécuritaires, peuvent-elles également permettre à l’UE de renforcer sa position politique et économique ?

Dans la “stratégie européenne de sécurité”, Javier Solana reconnaît que la dimension militaire est un préalable indispensable à l’action extérieure. Eventuellement « préventive » et pas uniquement « militaire », cette réponse aux menaces accorde une grande importance aux politiques de développement dont est également en charge la Commission européenne. Dans ce cadre, l’aide au développement de l’UE représente 7 milliards d’euros par an pour l’UE soit seulement 10% de l’aide totale des Etats membres, ce qui est encore peu. Mais ce qui est important, c’est que l’UE puisse se présenter comme un acteur efficient, prêt à utiliser la puissance militaire à côté d’une gamme d’autres instruments politique, diplomatique, économique. L’opération Artémis, en rétablissant la sécurité autour et à Bunia, a aussi redonné une « dynamique positive au processus de paix », selon les termes de Javier Solana. Depuis, l’UE est en retrait mais présente pour soutenir la MONUC, conformément à l’objectif fixé par les ministres des Affaires étrangères de l'Union lors du Conseil du 21 juillet 2003 : «L'Union européenne entend rester au premier plan des efforts pour la stabilité, la paix et la reconstruction en République démocratique du Congo en mettant en œuvre l'ensemble de ses moyens d'action"[lix]. Objectif inscrit dans la durée, l’UE est en train de planifier une nouvelle mission pour assurer le bon déroulement des élections de juin 2006.

Dans le cas des Balkans, les opérations de l’UE ont pour but d’accompagner les réformes du système politique en place[lx]. Dans le cas de la Bosnie en particulier, Javier Solana rappelle que l’action de l’Union s’inscrit également dans le long terme et doit normalement conduire le pays à adhérer à l’UE. Entamée il y a un an et demi, Althéa est une opération militaire. Pourtant, sa portée dépasse largement le domaine de la sécurité : « l’EUFOR a un impact essentiel par son soutien à la lutte contre le crime organisé et parce qu’elle procure à la Bosnie une atmosphère de sécurité et d’espoir. Cela a en fin de compte contribué à créer des conditions favorables pour que la Bosnie-Herzégovine puisse faire des progrès dans plusieurs domaines importants». L’agenda qui inclut les réformes de la défense et de la police doit encore être mené à son terme. Mais il est clair que le Major-General Chiarini, commandant l’EUFOR, contribue à soutenir les autorités bosniaques dans leurs efforts à rapprocher de plus en plus la Bosnie de l’Union européenne. “La proche coopération entre les acteurs européens en BiH continuera et permettra un soutien complet de l’UE à la Bosnie. En travaillant aux côtés de la MPUE et en collaboration avec le Représentant Spécial de l’UE et les autres acteurs de l’UE, y compris la Commission, tout comme les institutions locales et internationales, l’EUFOR continuera à contribuer à l’instauration d’une Bosnie Herzégovine stable, viable, pacifique et multiethnique, qui coopérera de façon pacifique avec ses voisins et cheminera de façon irréversible vers l’adhésion à l’UE »[lxi]. Dans une telle démarche, l’influence politique est claire. Sur le plan économique, la Bosnie et l’UE savent tous les avantages qu’elles ont à tirer réciproquement d’un tel processus.

En favorisant l’atteinte, par l’Union européenne, d’objectifs politiques clairs et ambitieux, les opérations contribuent à renforcer son autorité politique.

 

2. La multiplication des initiatives de défense contribue à l’unification du discours politique de l’Union

S’il demeure vrai que les grandes décisions de la PESD se prennent toujours à l’unanimité, l’Europe de la Défense a néanmoins beaucoup progressé dans la voix de l’unification du discours depuis les divergences sur l’Irak. Stratégie commune de sécurité, position commune, actions communes, discours sur les « valeurs de l’UE », les points de convergences se multiplient et le Haut représentant pour la PESC, Javier Solana, s’exprime de plus en plus facilement au nom de tous.

Dans ce concert, sur le plan militaire la production de matériels en commun, l’élaboration d’une chaîne de commandement commune et la rédaction de concepts opérationnels communs ne font que rapprocher les positions. Lors des opérations, une fois désignés, le haut représentant de l’UE et le commandant de l’opération ne parlent plus qu’au nom de l’UE, dont ils sont les représentants politique et militaire.

Parce qu’elles favorisent l’unification du discours et une confiance réciproque, les opérations participent donc à la construction de l’unité politique de l’Europe.

 

3. D’une « Europe plus sûre » à un « monde meilleur », un projet de politique étrangère pour l’Europe ?

Clausewitz nous rappelle que « la guerre est la continuation de la politique » par d’autres moyens mais également que la guerre est « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté » [lxii]. Avant même Clausewitz, Machiavel affirmait même dans le Prince que sans force militaire, ni la cohésion sociale ni la réforme de l’institution politique ne peuvent avoir lieu : « un prince sans armée est comme un prophète incapable d’imposer les ordini nuovi »[lxiii].

Ces réflexions politiques posent le problème de la relation entre l’utilisation de la force armée et la politique, la politique étrangère en particulier. Les opérations militaires sont d’abord par leur nature « politiquement contraignantes ». On a vu plus haut qu’au-delà de l’objectif sécuritaire et militaire, elles poursuivent un ou des objectifs politiques. Ces objectifs politiques sont souvent contraignants pour l’une ou l’autre des parties en présence. En remplissant ces objectifs, la force participe à la diffusion de l’autorité politique qui l’a mandatée. Si cette autorité est l’UE, elles lui permettent par le succès militaire de se placer en situation de force à la table des négociations. Ce qui fait écrire à Loïc Benoît qu’« avec le lancement des premières opérations militaires de l’UE en 2003, pour la première fois de son Histoire, l’UE tend à affirmer sa puissance politique par des moyens militaires »[lxiv].

Très schématiquement, cette politique pourrait s’inscrire dans le cadre général suivant : l’Europe a “à promouvoir une mondialisation plus humaine en défendant les valeurs auxquelles elle croit”, estime Stef Goris, président de l’Assemblée de l’UEO, tout en rappelant que « l’Union européenne s’efforcera de développer des relations et de construire des partenariats avec les pays et avec les organisations régionales ou mondiales qui partagent ses valeurs» [lxv]. N’est-ce donc pas le sens de la « nouvelle politique envers l’Afrique » que les ministres de la Défense de l’UE ont adopté le 21 novembre 2005 à Bruxelles, pour prendre en compte tous les défis politiques, économiques et sécuritaires du continent ? Accompagnement des opérations militaires ou prémices d’une politique étrangère européenne, la limite n’est pas évidente.


CONCLUSION

Les enseignements que nous pouvons retirer, à ce jour, des premières opérations militaires européennes sont limités, parce que ces interventions sont elles-mêmes encore modestes et que nous manquons de recul pour parler de la mise en place d’une réelle stratégie d’influence.

Deuxième enseignement de ce travail prospectif : il est également évident que le système de défense européen n’est aujourd’hui pas encore totalement opérationnel. L’Europe a encore besoin de l’OTAN pour être défendue efficacement.

Troisième enseignement partiel : l’Europe n’est pas encore une puissance militaire mondiale crédible, en grande partie parce qu’elle n’est pas encore politiquement unifiée et ne fait pas, en conséquence, l’effort de défense suffisant. Malgré le rôle moteur de la France et du Royaume-Uni, l’Europe de la défense ne fait pas encore l’unanimité.

Néanmoins, fait nouveau, avec la définition d’une Stratégie européenne de sécurité, l’Europe révèle ses ambitions et son désir d’autonomie. Elle propose un système de sécurité global, où les opérations militaires viennent compléter un dispositif d’actions politiques et économiques. Etendu à l’ensemble du monde, il est fondé sur la légitimité et la responsabilisation des organisations régionales. Il s’oppose au système américain des « coalitions de circonstance ».

Dans ce contexte, l’ONU semble accorder un rôle de plus en plus important aux opérations militaires de l’UE.  Par ces interventions, l’UE assure, en effet, sa propre sécurité tout en se soumettant à la primauté de décision de l’ONU. Le modèle doit donc servir à influencer les organisations régionales, en particulier l’Union Africaine. Aussi, l’ONU voit-elle d’un bon œil la mise en place de partenariats entre l’UE et les autres organisations.

Quel est donc en définitive le rôle joué par les opérations militaires de l’UE dans le développement de son influence externe ? Il est grandissant si on le replace dans la perspective d’une Défense européenne autonome. Il est complémentaire si on le considère à côté des autres actions extérieures de l’UE. Il est enfin essentiel pour la sécurité de l’Europe et de plus en plus important pour celle du monde. Les opérations militaires de l’UE jettent finalement les bases d’une politique étrangère de l’Union.

Qui sait si Javier Solana n’aura pas un jour l’occasion, avant la fin de son mandat, de téléphoner à son homologue américain pour se rappeler au bon souvenir d’Henry Kissinger.

Chef de Bataillon Brun de Saint Hippolyte, armée de Terre, France. CID 13 e promotion.    

Manuscrit clos en mars 2006

Notes


[i] Boniface, Pascal, « Interventions extérieures et défense européenne », cahiers du CHEAR, mars 1996, pp39-50. Pascal Boniface est directeur de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).

[ii] Moreau Defarges Philippe, « Le cadre, les axes et les conditions d'une stratégie d'influence à l'échelle mondiale de l'Union européenne », Institut français de relations internationales (IFRI),  décembre 2001.

[iii] Union Européenne, « Rapport général d’activités 2004 », chapitre XXVIII (Relations extérieures générales).

[iv] Loisel, Sébastien, « Les leçons d’Artémis : vers une approche européenne de la gestion militaire des crises ? » , Les Champs de Mars, La documentation française, deuxième semestre 2004.

[v] Un article du Washington Times le 14 juin 2003 et un autre du New York Times du 19 juin.

[vi] Entretien du 18 mars 2006.

[vii] Entretien du 18 mars 2006 avec un ancien ambassadeur : « L’ONU voit croître les contingents bangladeshis et indiens dans ses rangs, et aimerait un rééquilibrage ».

[viii] Institut des Etudes de Sécurité de l’Union Européenne, « European Defence. A proposal for a White Paper, Report of an Independent Task Force”, Mai 2004, Paris.

[ix] Estimation de Nicolas Gnesotto, directeur de l’Institut d’études de sécurité (IES-UE), avril 2005.

[x] Commission des Affaires Etrangères du Sénat, procès verbal de la séance du 26 octobre 2005.

[xi] Source : http://fr.wikipédia.org.

[xii] Commission des Affaires Etrangères (Rapporteur : M. Quilès), « Rapport de l’Assemblée Nationale sur le Budget 2004 », question n°43 sur les opérations de l’UE, p3.

[xiii] Moyenne 2003 calculée à partir des chiffres comparatifs donnés par le rapport de la commission des finances du Sénat sur le Projet de loi de fiances 2005, déposé le 25 novembre 2004.

[xiv] Boniface, Pascal, « Interventions extérieures et défense européenne », cahiers du CHEAR, mars 1996, pp39-50.

[xv] Boyer, Yves, « Les opérations militaires et de police de l’Union européenne », Annuaire Stratégique et Militaire 2004, FRS, 2004.

[xvi] Entretien du 17 mars 2006.

[xvii] Le Figaro, 13 décembre 2003.

[xviii] Entretien du 18 mars 2006.

[xix] Brooks Tigner, « L’Union européenne cherche à accélérer son processus décisionnel de déploiement, DefenseNews », 28 novembre-4 décembre 2005.

[xx] Lecerf, général, Antoine, « L’Union Européenne sur le terrain », les cahiers de Mars, 2ème trimestre 2004, pp97-101.

[xxi] Brooks Tigner, op. cit.

[xxii] Moreau Defarges, Philippe, « L’Union européenne, myope géopolitique », Défense Nationale, Janvier 2003, p134-142.

[xxiii] H.-R., « Les 70 000 soldats de l’Union dans le monde », Les Echos, 22-23 avril 2005.

[xxiv] Loisel Sébastien, « Les leçons d’Artémis : vers une approche européenne de la gestion militaire des crises ? » , Les Champs de Mars, La documentation française, deuxième semestre 2004.

[xxv] P.T., « Première européenne », Sud Ouest, le 2 avril 2003.

[xxvi] The Indépendant, le 2 décembre 2004, à propos de la relève de la SFOR par l’UE en Bosnie.

[xxvii] Grevi Giovanni, Lynch Dov, Missiroli Antonio, « ESDP Operations », Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union Européenne, 2005.

[xxviii] Morel, colonel, Jean-François, « L’Etat-major de l’Union européenne se déploie », Défense nationale, juillet 2005.

[xxix] Commission des Affaires Etrangères (Rapporteur : M. Quilès), « Rapport de l’Assemblée Nationale sur le Budget 2004 », question n°43 sur les opérations de l’UE, p1.

[xxx] Boyer, Yves, « Les opérations militaires et de police de l’Union européenne », Annuaire Stratégique et Militaire 2004, FRS, 2004.

[xxxi] Zecchini, Laurent, « Paris, Londres et Berlin proposent de créer plusieurs forces de réaction très rapides », Le Monde, 12 février 2004.

[xxxii] Michèle Alliot-Marie dans Ouest France, 23 novembre 2004.

[xxxiii] Entrevue avec des journalistes de France-Culture, le 7/04/2004.

[xxxiv] Intervention devant le Collège Interarmées de Défense le 9 mars 2006.

[xxxv] Le Figaro, 24/02/2005.

[xxxvi] Commission des Affaires étrangères (Rapporteur : M. Quilès), « Rapport de l’Assemblée nationale sur le Budget 2004 », question n°43 sur les opérations de l’UE, p. 1 et 2.

[xxxvii] Leakey, major general, A.D., “EUFOR Forum Special Edition”, December, 2005, site de l’EUFOR.

[xxxviii] Lecerf, général, Antoine, « L’Union Européenne sur le terrain, les cahiers de Mars », 2ème trimestre 2004, pp97-101.

[xxxix] Washington Post, 22 novembre 2004.

[xl] Le Figaro, 23 novembre 2004.

[xli] Institut Européen des Etudes de Sécurité, “European Defence. A proposal for a White Paper, Report of an Independent Task Force”, mai 2004, Paris.

[xlii] Le Point, 4 septembre 2003.

[xliii] Solana, Javier, « discours à la conférence annuelle de l’Institut d’Etude de Sécurité de l’Union Européenne », Paris le 26 septembre 2005.

[xliv] Op. Cit..

[xlv] Op. Cit.

[xlvi] Bailbe, Philippe, « La gendarmerie en opérations extérieures. Pour une approche nouvelle des missions de paix », mémoire de DESS à l’université de Nice, novembre 2000.

[xlvii] Solana, Javier, « PESC : discours sur l’état de l’Union, Conférence annuelle de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne », Paris, 30 juin 2003.

[xlviii] Lefebvre, Maxime, « Un programme géopolitique pour l’Europe élargie », Politique Etrangère , 3-4/2003.

[xlix] Conférence annuelle de l’Institut d’Etude de Sécurité de l’Union Européenne, à Paris le 26 septembre 2005

[l] Entretien du 18 mars 2006.

[li] Michèle Alliot-Marie dans Le Figaro, 2 septembre 2003.

[lii] Boyer, Yves, « Les opérations militaires et de police de l’Union européenne », Annuaire Stratégique et Militaire 2004, FRS, 2004.

 [liii] Commission des Affaires Etrangères (Rapporteur : M. Quilès), « Rapport de l’Assemblée Nationale sur le Budget 2004 », question n°43 sur les opérations de l’UE, p1 et 2.

[liv] Déclaration conjointe, « Renforcer la coopération européenne en matière de sécurité et de défense », Sommet Franco-Britannique,  Londres, 24 novembre 2003.

[lv] Rapport du Conseil européen du 17 décembre 2004.

[lvi] Loisel, Sébastien, « Les leçons d’Artémis : vers une approche européenne de la gestion militaire des crises ? » , Les Champs de Mars, La documentation française, deuxième semestre 2004.

[lvii] Solana, Javier, « discours à la conférence annuelle de l’Institut d’Etude de Sécurité de l’Union Européenne », Paris le 26 septembre 2005, p6.

[lviii] Ortega Carcelén, Martín, “Un gendarme mundial para el siglo XXI”, El Pais, 22 septembre 2004. 

[lix] Déclaration de Javier Solana, Haut représentant de l'UE pour la PESC, le 1er septembre 2003, à l'occasion de la fin de l'opération "Artémis".

 

[lx] Solana, Javier, « discours à la conférence annuelle de l’Institut d’Etude de Sécurité de l’Union Européenne », Paris le 26 septembre 2005.

[lxi] Discours de Javier Solana au EUFOR Forum Special Edition, Décembre, 2005.

[lxii] Clausewitz, De la guerre, Economica, p51.

[lxiii] Ordini nuovi : de nouvelles configurations des appareils d’Etat.

[lxiv] Benoît, Loïc, « Le lancement des premières opérations militaires de l’Union européenne. Quelques remarques sur l’affermissement de la PESD », Revue du Marché Commun, avril 2004, pp235-240.

[lxv] Goris, Stef, intervention au colloque « Autonomie stratégique de l’Union européenne : ambitions et limites » du CID/Forum du futur/Association Mars, Ecole Militaire, le 10 mai 2005, cité in Défense Nationale, Juillet 2005.

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Date de la mise en ligne: décembre 2006

   

 

BIBLIOGRAPHIE

   
   

OUVRAGES GENERAUX

Clausewitz, De la guerre, Ed. Economica.

Boyer, Yves, Annuaire Stratégique et Militaire 2004, Fondation pour la Recherche Stratégique, 2004.

 

MEMOIRE

Bailbe, Philippe, La gendarmerie en opérations extérieures. Pour une approche nouvelle des missions de paix, mémoire de DESS à l’université de Nice, novembre 2000.

 

RAPPORTS

Union Européenne, Rapport général d’activités 2004, chapitre XXVIII (Relations extérieures générales).

Union Européenne, Rapport du Conseil européen du 17 décembre 2004.

Commission des Affaires Etrangères (Rapporteur : M. Quilès), Rapport de l’Assemblée Nationale sur le Budget 2004.

Commission des Affaires Etrangères du Sénat, procès verbal de la séance du 26 octobre 2005.

Institut Européen des Etudes de Sécurité, European Defence. A proposal for a White Paper, Report of an Independent Task Force, may 2004, Paris.

 

ARTICLES DE PRESSE

Benoît, Loïc, Le lancement des premières opérations militaires de l’Union européenne. Quelques remarques sur l’affermissement de la PESD, Revue du Marché Commun, avril 2004.

Boniface, Pascal, Interventions extérieures et défense européenne, cahiers du CHEAR, mars 1996.

Boyer, Yves, Les opérations militaires et de police de l’Union européenne, Annuaire Stratégique et Militaire 2004, FRS, 2004.

Brooks Tigner, L’Union européenne cherche à accélérer son processus décisionnel de déploiement, Defense News, 28 novembre-4 décembre 2005.

Grevi Giovanni, Lynch Dov, Missiroli Antonio, Les opérations dans le cadre de la PESD, Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union Européenne, 2005.

H.-R., Les 70 000 soldats de l’Union dans le monde, Les Echos, 22-23 avril 2005.

Lecerf, général, Antoine, L’Union Européenne sur le terrain, les cahiers de Mars, 2ème trimestre 2004.

Lefebvre, Maxime, Un programme géopolitique pour l’Europe élargie, Politique Etrangère, 3-4/2003.

Loisel, Sébastien, Les leçons d’Artémis : vers une approche européenne de la gestion militaire des crises ?, Les Champs de Mars, La documentation française, deuxième semestre 2004.

Moreau Defarges, Philippe, L’Union européenne, myope géopolitique, Défense Nationale, Janvier 2003.

Moreau Defarges Philippe, Le cadre, les axes et les conditions d'une stratégie d'influence à l'échelle mondiale de l'Union européenne, Institut français de relations internationales,  décembre 2001.

Ortega Carcelén, Martín, Un gendarme mundial para el siglo XXI, El Pais, 22 septembre 2004. 

P.T., Première européenne, Sud Ouest, le 2 avril 2003.

Zecchini, Laurent, Paris, Londres et Berlin proposent de créer plusieurs forces de réaction très rapides, Le Monde, 12 février 2004.

Entretien avec Michèle Alliot-Marie, Le Figaro, 2 septembre 2003.

Entretien avec Michèle Alliot-Marie, Ouest France, 23 novembre 2004.

Le Figaro, 23 novembre 2004.

Le Figaro, 13 décembre 2003.

Le Figaro, 24 février 2005.

Le Point,  4 septembre 2003.

The Indépendant, 2 décembre 2004

Washington Post, 22 novembre 2004.

Washington Times, 14 juin 2003

New York Times, 19 juin 2003.

 

ENTRETIENS

Entretien du 17 mars 2006 avec M.X., précédemment en charge de la PESC au Ministère des Affaires Etrangères.

Entretien du 18 mars 2006 avec M.L.,ancien ambassadeur, spécialiste de l’ONU.

 

CONFERENCES ET COLLOQUES

ALLIOT MARIE, Michèle, Entrevue avec des journalistes de France-Culture, le 7/04/2004.

Déclaration franco-britannique, Renforcer la coopération européenne en matière de sécurité et de défense, Sommet franco-britannique,  Londres, 24 novembre 2003.

Goris, Stef, intervention au colloque « Autonomie stratégique de l’Union européenne : ambitions et limites », CID/Forum du futur/Association Mars, Ecole Militaire, le 10 mai 2005.

Institut d’Etude de Sécurité de l’Union Européenne, Conférence annuelle, à Paris le 26 septembre 2005.

Leakey, Major general (UK), A.D., EUFOR Forum Special Edition, December, 2005..

Ruby, Colonel (US), Conférence devant le Collège Interarmées de Défense, 9 mars 2006.

Solana, Javier, « discours à la conférence annuelle de l’Institut d’Etude de Sécurité de l’Union Européenne », Paris le 26 septembre 2005.

Solana, Javier, Discours au EUFOR Forum Special Edition, décembre 2005.

Solana, Javier, conférence de presse, 1er septembre 2003

Solana, Javier, PESC : discours sur l’état de l’Union, Conférence annuelle de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne, Paris, 30 juin 2003. 

   
   

 

   

 

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