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"De l'URSS à la Russie. La civilisation soviétique:

genèse, histoire et métamorphoses de 1917 à nos jours",

par Jean-Robert Raviot et Taline Ter Minassian

 

Sous l'angle de la civilisation, cet ouvrage propose une synthèse de l'histoire politique et sociale de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) de 1917 à 1991 et de la décennie post-soviétique, depuis 1991. Un livre très utile.

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Paris, Ellipses, juillet 2006, 176 p.

Voici un ouvrage précieux parce qu'il offre aux générations montantes une mise en perspective remarquable de l'histoire de la Russie, appuyée sur une excellente connaissance des classiques et une réflexion pertinente sur l'actualité.  Aux adultes, il offre une mise à jour de leurs grilles de lecture de la Russie post-soviétique. A tous, il permet de faire le lien entre hier et aujourd'hui, voire demain.

Qui sont les auteurs capables de ce tour de force? Jean-Robert Raviot est Maître de conférence en civilisation russe à l'Université Paris X Nanterre et à Science-Po Paris. Taline Ter Minassian est Maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université Jean-Monnet, Saint-Etienne.

Sous l'angle de la civilisation, cet ouvrage propose une synthèse de l'histoire politique et sociale de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) de 1917 à 1991 et de la décennie post-soviétique, depuis 1991. En effet, l'URSS ne fut pas seulement un Etat totalitaire, une régime politique de parti unique et une économique planifiée, mais elle fut une forme de civilisation. Sa compréhension permet d'éclairer, après son implosion, les problèmes politiques, économiques et sociaux qui se posent à la Russie, aux autres Etats post-soviétiques, et dans une certaine mesure aux pays issus du bloc socialiste.

Héritier du léninisme, le stalinisme donne naissance à une nouvelle civilisation, au sens étymologique (du latin civitas): une nouvelle civilité, une nouvelle citoyenneté, une nouvelle Cité. L'urbanisation, dont l'ampleur et la rapidité sont frappantes, constitue la manifestation la plus concrète de ce véritable tournant. Soutenue par la collectivisation des terres, l'urbanisation contribue a couper l'homme soviétique de ses racines et de ses repères, dans l'intention de le rendre plus malléable.

"La nouvelle civilisation soviétique se construit "par le haut". Elle résulte de l'imposition par le pouvoir politique d'un nouveau cadre de vie collectif pour tous. Le "collectif soviétique" comprend l'ensemble des institutions, des modèles idéologiques, culturels et comportementaux par lesquels le pouvoir encadre la société et la vie des individus, de la naissance à la mort: les pionniers, le parti et les organisations de jeunesse communiste (Komsomol) mais aussi l'usine, le kolkhoze, le quartier, la ville, le service militaire et la formation militaire obligatoire dans les écoles et les universités, la langue russe pour tous, les médias et la propagande politique, etc." (p. 4)

Pour construire "l'homme nouveau", le pouvoir éradique les anciennes élites et plus généralement l'ordre qui structurait précédemment une société à la fois rurale et religieuse.

La dialectique entre "collectif" et "particulier" constitue la grille de lecture proposée par les auteurs. Il ne s'agit pas d'une opposition entre "sphère publique" et "sphère privée", mais d'un phénomène qui constitue un tout. Plus le "collectif" s'enracine, plus le "particulier" croît et se développe, sans pour autant contester ouvertement la légitimité du "collectif" dont il émane. Cette dialectique produit des contradictions importantes qui affaiblissent progressivement les fondements mêmes du "modèle soviétique". Dès la fin des années 1970, on observe les premiers signes d'une métamorphose qui aboutit à la greffe étrange du "modèle occidental" sur la civilisation soviétique à partir du début des années 1990, durant les années Eltsine.

L'ouvrage suit le plan suivant: la genèse de la civilisation soviétique (1917-1929); l'avènement de la civilisation soviétique: l'ère des masses (1929-1941); la mobilisation générale: la "Grande guerre patriotique" (1941-1945); le redressement du "collectif" (1945-1953); le "dégel" (1953-1964); une "stagnation" en trompe l'oeil (1964-1983); la révolte des élites (1983-1991); après 1991: les métamorphoses de la civilisation soviétique.

Par ailleurs, les auteurs proposent en annexe des biographies de I. V. Andropov, N. I. Boukharine, L. I. Brejnev, B. N. Eltsine; M. S. Gorbatchev, G. K. Joukov, N. S. Khrouchtchev, A. N. Kossyguine, V. I. Lénine, G. M. Malenkov, A. D. Sakharov, A. I. Soljenitsyne, I.V. Staline, L. D. Trotski. Enfin, J. R. Raviot et T. Ter Minassian présentent des notions clés difficiles à appréhender pour les générations montantes: l'Etat-parti et l'économie planifiée.

Pour aller plus loin, le lecteur dispose d'une bibliographie conséquente où l'on relève notamment les noms de J. Rossi, B. Souvarine, M. Heller, B. Kerblay, C. Mouradian, F. Thom, S. Courtois, N. Werth, V. Grossman, A. Zinoviev... 

Dans leur conclusion, les auteurs nous avertissent: "L'URSS a donné naissance sur son territoire et dans son proche périmètre d'expansion à une véritable civilisation. L'effondrement de l'Etat soviétique, le discrédit jeté sur l'idéologie marxiste-léniniste et la faillite du modèle du "socialisme réel" ne signifient pas que cette civilisation appartient à un passé entièrement révolu. Son legs se mesure par l'importance de son héritage matériel, avant tout industriel, qui laisse partout des traces "archéologiques", ainsi que par l'empreinte profonde laissée dans les mentalités. Au-delà de l'irruption de la société de consommation dans l'univers post-socialiste, le "post-soviétisme" signifie, pour la majorité, la fin des acquis sociaux de l'ère communiste - avec toutes les nuances qu'il faut apporter pour bien mesurer la portée de ce terme, notamment dans le domaine de la santé publique - la précarisation - en premier lieu des retraités - et une défiance instinctive à l'égard du modèle démocratique." (p. 144) Dans ce contexte, le nouveau consensus social s'appuie - une nouvelle fois - sur les souvenirs de la "Grande guerre patriotique" expurgés des responsabilités staliniennes, et sur un désir de revanche après la "catastrophe" de l'implosion de l'URSS. Il y a là des ressorts politiques assez faciles à utiliser.

Pour les comprendre et les mettre en perspective, la lecture de cet ouvrage sera fort utile.

Pierre Verluise

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Date de la mise en ligne: novembre 2006

 

 

 

   

 

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