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« T comme Tchétchénie», par Hélène Blanc (CNRS)

et "La rebelle aux pieds nus...", par Renata Lesnik

 

Voici deux ouvrages différents mais rédigés par des auteurs qui publient parfois ensemble. Le premier est une analyse, le second une autobiographie. Découvrez les atouts de chacun.

Dans "T. comme Tchétchénie", H. Blanc donne des clés pour répondre aux questions suivantes. Quelles sont les véritables causes de la guerre de Tchétchénie ? S’agit-il bien de terrorisme ? Qu’en est –il du jeu trouble des services secrets russes et du poids des mafias ? Qui a intérêt à la faire durer ? La paix est-elle vraiment possible ?

L’auteur s’interroge : « S’agit-il d’un conflit au vrai sens du terme, d’une guerre d’indépendance, d’une guérilla, de la résistance armée de partisans, d’une lutte anti-terroriste ou d’un mode de gouvernement ? » A travers ses réponses, H. Blanc brosse un tableau de la Russie en 2005.

Mots clés - key words : héléne blanc, t comme tchétchénie, cnrs, gingko, russie, vladimir poutine, kgb, fsb, aslan maskhadov, mafias, services de renseignement, guerre, paix, terrorisme, résistance, mode de gouvernement, histoire, relations internationales, géopolitique, pétrole, nihilisme, presse écrite, liberté d’expression, justice, séparation des pouvoirs, opposition politique, oligarques, militaires, parlement, douma, néo-soviétisme, youkos.

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coll. « Mémoire d’Homme », Ginkgo éditeur, 2005, 14-18 rue Kléber, 93100 Montreuil, France. 2-84679-028-0

Après l’assassinat d’Aslan Maskhadov et avant que les effets indirects de ce conflit caucasien ne viennent frapper les pays occidentaux, il importe de lire cet ouvrage clair et accessible.

Depuis le début des années 1990, H. Blanc rend publiques nombre d’informations sur les mafias et les services de renseignements russes. A travers une mise en perspective de la guerre en Tchétchénie, Hélène Blanc nous propose ici un tableau de la Russie poutinienne en 2005.

Docteur ès Etudes slaves, politologue au CNRS, H. Blanc a déjà cosigné avec Renata Lesnik plusieurs ouvrages de référence : « L’empire corrompu », « Qui abattra Elstine ? », « L’Empire de toutes les mafias » et « Le mal Russe ». Elle a fait paraître en 2004 « KGB connexion, le système Poutine ».

Questions

Dans ce nouvel ouvrage, H. Blanc donne des clés pour répondre aux questions suivantes. Quelles sont les véritables causes de la guerre de Tchétchénie ? S’agit-il bien de terrorisme ? Qu’en est –il du jeu trouble des services secrets russes et du poids des mafias ? Qui a intérêt à la faire durer ? La paix est-elle vraiment possible ?

L’auteur s’interroge : « S’agit-il d’un conflit au vrai sens du terme, d’une guerre d’indépendance, d’une guérilla, de la résistance armée de partisans, d’une lutte anti-terroriste ou d’un mode de gouvernement ? » (p. 14) 

Après avoir brossé l’arrière plan historique, H. Blanc écrit : « La première campagne de Tchétchénie (1994-1996), loin de s’apparenter à une classique guerre d’indépendance, masque avant tout  un conflit économique aux enjeux gigantesque. Car ces règlements de compte politico-économiques entre différentes mafias russes et Tchétchènes – situés au sommet des deux Etats, donc hors d’atteinte de la justice -, résultent d’intérêts complémentaires devenus soudains opposés. Par conséquent, ce premier conflit constitue, entre autres choses, une volonté des mafias locales tchétchènes de préserver leur trésor territorial – passage du pétrole, réserves pétrolières, raffineries – tout en cessant de partager la rente du pétrole avec Moscou. » (pp. 32- 33)

Réponses

La deuxième guerre de Tchétchénie débute en 1999 lorsque le président Boris Eltsine décide de mettre en orbite son successeur, un inconnu répondant au nom de Vladimir Poutine. La relance du conflit tombe fort à propos pour lui donner l’occasion de promettre en un argot guébo-mafieux de « poursuivre les terroristes où qu’ils se trouvent et de les butter jusque dans les chiottes ». Propos  qui satisfait une majorité de l’électorat russe. « Derrière Poutine se profilent deux entités ; le groupe de Saint-Petersbourg, composé de fidèles de longue date, la plupart étant, comme lui-même, affiliés aux services secrets, et un clan moscovite du FSB fédéral, pour l’heure dominant ». (p. 39)

Outre sa dimension électorale, la deuxième guerre de Tchétchénie est une guerre coloniale et  une guerre de revanche qui vise à préserver les intérêts économico-mafieux dans la région. C’est aussi une guerre de diversion qui se présente comme anti-terroriste et anti-islamiste. Problème, les procédés utilisés ne font qu’enkyster le conflit. Mais peut-être s’agit-il du véritable objectif. La population est conduite à un nihilisme dévastateur.  L’auteur brosse à ce propos un tableau éloquent de la façon dont certaines femmes tchétchènes qui ont tout perdu sont transformées en kamikazes. (Cf. pp. 87 à 90)

Le modèle tchékiste de gouvernement

La lecture du chapitre V semble particulièrement utile pour comprendre la nature du régime russe,  sous le titre : « Poutinocratie : une société en guerre. » H. Blanc écrit : « Depuis la nomination de Vladimir Poutine comme Premier ministre (août 1999), puis son élection à la présidence, c’est, en quelque sorte, le FSB (ex-KGB) qui gouverne la Russie par personne interposée. » (p. 103)

Les yeux de V. Poutine, 2005. Crédits: C. Millet

L’auteur note que depuis 2000 le FSB a vu son budget multiplié par 3 et l’Intérieur par 2,5. Le complexe militaro-industriel repart grâce à des commandes de l’Etat.

Appliquant le modèle tchékiste de gouvernement qui consiste à éliminer les contre-pouvoirs, le système Poutine se caractérise ainsi (pp. 110-111) :

  • une presse écrite ralliée au pouvoir ou quasi muselée et des médias sous contrôle du FSB (l’ex-KGB) ;

  • une justice aux ordres, puisqu’à partir de cette année les juges seraient même nommés par le Président ;

  • une opposition politique laminée, quasi neutralisée ;

  • des oligarques pétrifiés par l’incarcération d’un des leurs, M. Khodorkovski ;

  • une société civile à peine balbutiante, donc incapable de servir de contre-pouvoir ;

  • une élite politique infiltrée à plus de 77% par des membres actifs des services secrets et de la haute hiérarchie militaire ;

  • un Parlement réduit au rôle d’une simple chambre d’enregistrement.

L’auteur observe ainsi une resoviétisation de la Russie, notamment avec le retour du culte de la personnalité, l’encouragement des dénonciations anonymes, la remilitarisation de la société, la reprise de l’hymne soviétique, la réapparition du drapeau rouge dans l’armée, le retour en force des services secrets…  

La nouvelle nomenklatura

La nouvelle nomenklatura sur laquelle s’appuie la poutinocratie est militaro-tchékiste. Elle s’approprie progressivement une partie des actifs russes, notamment dans le secteur énergétique. La renationalisation de facto de Youkos fin 2004 est là pour le démontrer, au nez et à la barbe de la major américaine Exxon Mobil.  

Hélène Blanc termine son propos en donnant quelques conseils que les Européens seraient bien avisés de prendre en considération. « Les Russes, héritiers du soviétisme, n’ont pas surmonté la double perte de leur statut de superpuissance et de l’empire soviétique. Négocier n’étant ni dans leur culture, ni dans leurs habitudes, ils privilégient donc le passage en force au dialogue ou à la concertation. La Russie, loin de l’Etat de droit ou d’une démocratie balbutiante, reste, plus que jamais un Etat de force. » (pp. 131-132) 

Il peut être étonnant de voir la cour que lui font certains quand on lit ce bilan des années Poutine. « La dictature de la loi ? Echec. La démocratie ? Echec. L’Etat de droit ? Echec. La verticale du pouvoir ? Echec. La diversification de l’économie ? Echec. La criminalité, la corruption ? Echec. Augmenter le niveau de vie ? Echec. La Tchétchénie ? Echec sur toute la ligne. » (p. 152)

Pierre Verluise

Copyright 20 mai 2005-Verluise/www.diploweb.com

 

Date de la mise en ligne: fin mai 2005

 

       
     

"La rebelle aux pieds nus...",

par Renata Lesnik

 

   

Tout récemment encore, elle fut menacée à cause de ce nouveau livre qui éclaire, notamment, les méthodes du KGB. Menacée... à Paris.

Mots clés - Key words: renata lesnik, la rebelle aux pieds nus, urss, autobiographie, histoire de l'union soviétique de 1950 à 1980, régime soviétique, totalitarisme au quotidien, communisme, kgb, fsb, libertés.

 

 

éd. Hors Commerce, 2005, 346 p.

Comment un citoyen ordinaire parvenait-il à vivre derrière le Rideau de fer ? Ancienne journaliste à Radio-Moscou, cette dissidente condamnée à mort en 1983 par le régime soviétique réussit à le faire sentir à travers un autobiographie pleine d'humour et de sensibilité.

Réfugiée politique...

Politologue et criminologue, R. Lesnik est réfugiée politique en France depuis 1981. Elle publie dès 1982 un livre intitulé "Ici Moscou", chez Hachette. Par la suite, elle co-signe avec Hélène Blanc nombre d'ouvrages, dont "Le Mal russe".

Cette fois, avec "La rebelle aux pieds nus", elle ne signe plus un document politique mais une authentique autobiographie picaresque... à la russe,  car sa vie à l'intérieur du ghetto communiste, dans une société ubuesque, n'a rien d'un long fleuve tranquille. De sa naissance à son départ d'Union soviétique, l'auteur confie avec un mélange de pudeur et de verve ses interrogations et sa révolte permanente contre le mensonge, l'absence de liberté et le cynisme.

Au-delà de son itinéraire personnel, mouvementé, ponctué par des évènements qui appartiennent déjà à l'histoire soviétique (la guerre d'Afghanistan, la Pologne, la Tchécoslovaquie), toujours sur le fil du rasoir, elle reconstitue la société soviétique des années 1950 à 1980. Une période à la fois proche et lointaine, qui donne à son récit valeur de témoignage pour l'Histoire.

... encore menacée aujourd'hui, à Paris

A l'instar de ses consoeurs, les journalistes moscovites Anna Politkovskaïa ou Eléna Trégoubova, Renata Lesnik reçoit périodiquement des menaces anonymes très explicites. Tout récemment encore, elle fut menacée à cause de ce nouveau livre qui éclaire, notamment, les méthodes du KGB. Menacée... à Paris. L'ex-KGB soviéto-russe et ses sympathisants ont vraiment la mémoire longue.

Arnaud Tomy

   
         

 

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