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"L'administration française et l'Union européenne",

par Jean-Luc Sauron

 

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Jean-Luc Sauron propose ici un livre à la fois clair et subtil. L'auteur est docteur en droit, maître des requêtes au Conseil d'Etat, professeur associé à l'Université Robert Schuman de Strasbourg et membre du Comité scientifique de la collection "Réflexe Europe", à la documentation Française. Après y avoir publié "L'application du droit de l'Union Européenne en France", il répond ici à une invitation de la collection "Connaissance de l'administration française" de l'Institut International d'Administration Publique.

Un enjeu majeur

L'intention première de Jean-Luc Sauron est d'expliquer comment l'administration française s'est adaptée à l'Europe, non sans avoir préalablement résumé les institutions et les procédures communautaires dans un premier chapitre. Les années passées par l'auteur au sein du Secrétariat général du Comité interministériel (SGCI) pour les questions de coopération européenne et son appartenance actuelle au Conseil d'Etat le mettent en situation de détailler la machinerie gouvernementale construite pour tenter de peser sur les décisions communautaires puis les mettre en œuvre. L'enjeu paraît majeur, car "le processus décisionnel communautaire est complexe et fait intervenir une multiplicité d'acteurs qui jouent un rôle complémentaire. L'oublier, c'est se condamner à ne pas peser de manière efficace sur les décisions adoptées par les institutions communautaires" (p.74).

Une organisation clé pourtant méconnue : le SGCI

Comment le gouvernement français s'est-il organisé pour travailler dans le cadre communautaire ? Les services du Premier ministre jouent ici un rôle majeur, via le Secrétariat général du Comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne. Il s'agit, en fait, d'une extension d'une entité crée en 1948 pour optimiser l'utilisation des fonds distribués dans le cadre du Plan Marshall. Par la suite, cette création de Robert Schuman a intégré à ses missions la Communauté européenne du charbon et de l'acier, puis la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, et les activités du pilier "Justice - Affaires intérieures" en 1994. Jean-Luc Sauron publie judicieusement en p. 81 la liste des secrétaires généraux du SGCI depuis 1948. En juin 2000, le secrétaire général du SGCI est Jean Vidal.

Le journal "Les Echos" voit dans le SGCI une "officine administrative au rôle inconnu et à l'importance considérable" (18.8.1997). Pourquoi ? D'une part, parce que les médias mentionnent rarement son nom et son activité. D'autre part, parce que son rôle semble considérable dans l'élaboration au quotidien de l'influence française dans les instances communautaires, en relation étroite avec la Représentation permanente (RP) française à Bruxelles (54 membres en 1999).

Simplifié, voici le chemin d'une décision. La Représentation permanente française à Bruxelles transmet au SGCI la proposition du texte communautaire, puis le SGCI diffuse le texte communautaire à l'ensemble des ministères concernés. Soit parce que le texte communautaire interfère avec une loi nationale comprise dans son "portefeuille" législatif ; soit parce que le texte communautaire modifie une partie du corpus réglementaire géré par ce département ministériel ; soit parce qu'il concerne l'organisation ou le fonctionnement d'une profession dont le ministère a la gestion ou la tutelle.

Que faut-il lire entre les lignes ?

Une réunion interministérielle est ensuite organisée au SGCI, sur la base de la proposition de texte communautaire et en regard des études menées par les différents ministères. Après cette réunion, les administrations présentes disposent d'un mois pour communiquer une étude d'impact juridique, afin d'identifier au plutôt les risques de voir retenues, dans le texte négocié, des dispositions dont la transposition pourrait causer, en droit interne, des difficultés. Ceci afin d'informer le négociateur français à Bruxelles des dispositions sur lesquelles il doit tenter de défendre le droit français.

La Représentation permanente s'attache à trouver un point d'équilibre entre les contraintes de négociations nationales et communautaires. "Le conseiller de la RP en charge du dossier doit, au travers des contacts avec les services de la Commission, déterminer les contours de la position de cette dernière et, au travers des contacts avec ses collègues d'autres RP, définir les marges de négociation offertes par les priorités des Etats partenaires. La précision de ses analyses et sa capacité d'influence sur ses collègues permettra de donner à la France des possibilités d'action supplémentaires dans la négociation. Mais cette connaissance et cette préparation du terrain communautaire seraient inutiles si, au travers des comptes rendus des groupes de travail des experts, elles n'aidaient à favoriser les évolutions souhaitables, à Paris, des positions françaises (ou leur stabilité possible) facilitant l'adoption d'un texte le plus proche possible des intérêts nationaux. C'est de cette interface Paris - Bruxelles, SGCI - RP, que dépendent l'efficacité et la viabilité du dispositif de négociation français. Il est impératif que la SGCI et la RP définissent de concert le point d'équilibre entre les exigences déterminées à Paris et les contraintes tenant à la négociation avec les partenaires de la France et la Commission. Toute tentative de faire "cavalier seul" ne peut conduire qu'à des dysfonctionnements préjudiciables à l'efficacité optimale des positions françaises au sein du concert communautaire" (p.91).

A lire entre les lignes, on peut supposer qu'il existe parfois quelques dysfonctionnements entre la théorie et la pratique, mais l'auteur n'en dit pas plus.

Développer une stratégie d'influence

A propos de l'intégration du Parlement européen dans la stratégie d'influence communautaire de la France, Jean-Luc Sauron écrit : "Le travail de persuasion et le choix des arguments devra, à l'avenir, se rapprocher de plus en plus d'un mode de relation du type des lobbyistes au Congrès américain et s'éloigner du simple rappel des intérêts de la France. De même que la définition de la position française au Conseil doit intégrer les contraintes de ses partenaires pour espérer recueillir une majorité qualifiée, de même l'influence française au Parlement européen dépendra de la capacité à convaincre les parlementaires européens et donc de la connaissance de leurs propres préoccupations.

Convaincre les seuls 87 parlementaires français (si tant est qu'ils votent ensemble quand il s'agit d'un intérêt national) ne suffit plus. Il faut penser le lobbying parlementaire en intégrant la nécessité de dépasser le cercle national" (p. 95). Bref, il serait bon, voire temps, d'être cohérent dans ce jeu à la fois collectif, instable et vivant que constitue la vie communautaire. A cet égard, l'exemple du Royaume-Uni reste à méditer.

Pour un meilleur usage du Conseil d'Etat et de la formation

Par ailleurs, Jean-Luc Sauron détaille le rôle du Conseil d'Etat dans la construction européenne. Il constate, à cette occasion que "le Conseil d'Etat intervient souvent trop en aval dans la procédure communautaire. Il conviendrait de revoir son rôle afin d'assurer une véritable aide à la négociation communautaire, notamment face aux difficultés juridiques résultant du risque d'inconstitutionnalité de certains actes de droit dérivé, argument récurrent opposé par les parlementaires" (pp.125 - 126).

Après un troisième chapitre consacré à "La transposition administrative et juridictionnelle des normes communautaires en France", reprenant une partie de son précédent ouvrage dans la collection "Réflexe Europe", "L'application du droit de l'Union européenne en France", Jean-Luc Sauron consacre quelques pages à la formation aux questions communautaires. Celle-ci est assurée par trois organismes : le Centre des études européennes de Strasbourg (CEES), l'Ecole nationale d'administration (ENA) et l'Institut international d'administration publique (IIAP). S'ajoute à ces structures des opérateurs externes, comme la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP).

Jean-Luc Sauron constate que la relative "autonomie d'action des écoles aboutit à des situations de complémentarité ou de concurrence. Les partenariats franco-français sont fréquents. […] Il conviendrait sans doute de rationaliser les terrains d'action des différentes écoles administratives et de veiller à une meilleure synergie entre elles dans le cadre d'une stratégie d'ensemble coordonnée par la direction générale de l'Administration et de la Fonction publique (DGAFP)" (p.176).

La quasi-totalité des ministères disposant eux-mêmes de plusieurs services chargés de suivre les affaires communautaires - la palme revenant au ministère de l'Economie et des finances, avec six directions impliquées (p. 141) - il serait intéressant de faire le bilan de cette proposition d'ici … dix ans.

Pierre Verluise

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. "L'Europe, l'Etat et la démocratie", par Paul Magnette, éd. Complexe, août 2000.

. "Les institutions de l'Union européenne", par Y. Doutriaux et C. Lequesne, éd. documentation Française, 2000.

 
     

 

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