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Pourquoi la corruption a-t-elle mis en difficulté

l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne ? 

par P. Verluise, spécialiste de géopolitique 

 

Avec un Indice de perceptions de la corruption de 3 sur 10 en 2005, la Roumanie est la lanterne rouge des pays membres et candidats à l'UE. Ce qui pourrait motiver un report de l'adhésion de la Roumanie de 2007 à 2008. Cependant, la corruption ne concerne pas seulement les candidats – ce serait trop simple – mais l’ensemble constitué par l’Europe communautaire. Et tous ses citoyens, puisque c’est la nature démocratique de ses institutions qui se joue sous leurs yeux.  

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« En Roumanie, un juge coûte moins cher qu’un avocat »

Un diplomate européen [i]

Que faut-il entendre par corruption ? « La corruption, c’est le fait d’utiliser une autorité publique ou privée pour en obtenir un avantage personnel » [ii], explique Daniel Lebègue, Président de Transparence-International (France), section française de l'ONG Transparency International.    

Pourquoi s’interroger au sujet de la corruption en Roumanie ? Parce que les institutions communautaires s’en  inquiètent, dans la perspective de la candidature de ce pays à l’Union européenne (UE). En témoigne le « Rapport sur les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie de l’adhésion », présenté au Parlement européen le 24 février 2004 par la Commission des affaires étrangères[iii]. Dès le début, le Parlement « déplore qu’en dépit de progrès dans un certain nombre de domaines, la Roumanie éprouve à l’heure actuelle de graves difficultés à respecter les critères politiques de Copenhague ; fait observer que les négociations d’adhésion ne pourront pas être conclues à la fin de 2004 et la Roumanie ne pourra pas adhérer à l’Union européenne en 2007 si elle ne prend pas toutes les mesures qui s’imposent dans les domaines suivants : lutte contre la corruption, en particulier contre la corruption au niveau politique et en vue d’introduire une législation dans ce domaine ».

Suivent quatre autres domaines qui ne sont pas directement en rapport avec notre propos. Ainsi, la corruption se trouve placée en tête de liste des domaines susceptibles de faire barrage à l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007. Rappelons que la Roumanie a déjà été « retoquée » pour l’élargissement de 2004.

Le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2004 a assorti son feu vert pour le 1er janvier 2007 d’une menace inédite : « Les Vingt-Cinq pourront décider, à la majorité qualifiée, de reporter d’un an l’adhésion de la Roumanie s’ils constatent, avant le 1er janvier 2007, qu’elle ne respecte pas certaines obligations en matière de concurrence, ainsi que de justice et d’affaires intérieures. Cette « clause de sauvegarde renforcée » s’appliquera seulement à onze secteurs du droit communautaire. Quatre concernent les aides d’Etat, et sept la lutte contre la corruption, la lutte contre le crime organisé, la sécurisation des frontières et l’adoption des critères de Schengen. »[iv]

Il est donc justifié de se demander pourquoi la corruption a-t-elle mis en difficulté l’adhésion  de la Roumanie à l’Union européenne ?

 

Une situation jugée préoccupante

En 2002, une instance indépendante de l’UE, le Conseil de l’Europe, publie un document du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). Il s’agit du  « Rapport d’Evaluation sur la Roumanie », daté du 8 mars 2002. Dès les premières pages, il est écrit : « il apparaît qu’en Roumanie la corruption affecte dans la pratique les activités de presque toutes les institutions publiques et constitue un phénomène préoccupant. Les actes les plus graves de corruption sont directement liés à la criminalité organisée, avec le risque d’infiltration des organismes gouvernementaux et du système judiciaire qui en résulte. En particulier, plusieurs enquêtes indiquent l’existence de corruption au sein de la police et des tribunaux roumains, dont le fonctionnement suscite les indices de satisfaction les plus bas de tous les services publics évalués. Selon l’ du niveau de corruption 2001 publié par Transparency International, la Roumanie se situe à la 69e place (ex æquo avec le Venezuela).» [v]

Argent roumain, 2006. Crédits: P. Verluise

La lecture de l’ensemble du rapport permet de relever quelques perles, en voici une qui concerne directement la barrière douanière de l’UE : « L’EEG a remarqué l’absence d’une formation spécialisée en matière de prévention et de lutte contre la corruption pour les fonctionnaires des Douanes. Ce corps est, à la fois, appelé à jouer un rôle important dans ce domaine et considéré comme l’un des plus vulnérables. »[vi]

Dans ses conclusions, le GRECO admet que – formellement – la Roumanie ne manque pas de cadres et d’outils pour lutter contre la corruption. Cependant, le GRECO ajoute : « Toutefois, malgré cette volonté manifeste des autorités roumaines de vouloir essayer d’éradiquer la corruption dans le pays, le phénomène de corruption en Roumanie est présent dans la réalité quotidienne du pays et confirmée par une série de sources officielles et de données et enquêtes assez détaillées. Ces informations révèlent en particulier une certaine perte de confiance d’une partie des citoyens roumains dans certaines institutions publiques ainsi qu’en leurs responsables politiques, autorités et fonctionnaires. Cette méfiance, même si elle n’était pas entièrement justifiée, représente certainement un obstacle au succès des mesures mises en œuvre pour prévenir et combattre la corruption. L’existence de certaines pratiques de corruption dans le pays est d’autant plus préoccupante qu’elle touche aussi des institutions les plus impliquées dans la lutte contre la corruption, à savoir la police et la justice. »

Un constat particulièrement sombre qui amène le GRECO à faire treize recommandations à la Roumanie.

 

Des avancées formelles

Le 2 juillet 2004, le GRECO publie un deuxième document intitulé « Rapport de Conformité sur la Roumanie. »[vii] Celui-ci a pour objet d’évaluer les mesures prises par les autorités roumaines et, dans la mesure du possible, leur efficacité en vue d’être conformes aux recommandations contenues dans le Rapport d’Evaluation.

Il est écrit : « Le GRECO conclut que la Roumanie a mis en œuvre toutes les recommandations figurant dans le Rapport d’Evaluation, sauf une qui a été mise en œuvre partiellement. Les recommandations i., ii., iii., iv., v., vi., vii., viii., ix., x., xi., et xiii., ont été mises en œuvre de façon satisfaisante. La recommandation xii. a été partiellement mise en œuvre. »[viii]

Le GRECO invite le chef de la délégation roumaine à soumettre avant le 31 décembre 2005 un rapport additionnel concernant la mise en œuvre de la  recommandation  xii. Il s’agit « d’amender la législation nationale afin de restreindre les catégories de personnes jouissant de l’immunité pénale ». En effet, ce rapport de conformité « constate (…) que l’inviolabilité assurée notamment aux anciens ministres et notaires n’a fait l’objet d’aucune modification. »[ix]

Ce deuxième rapport lance encore une idée : « les autorités roumaines pourraient souhaiter transmettre au GRECO les informations supplémentaires relatives à la mise en œuvre des recommandations i. et ii. » qui seraient inscrites dans le même rapport additionnel.

La recommandation i. invite à « acquérir une connaissance plus précise de l’étendue de la corruption dans le pays, en réalisant les études pertinentes pour comprendre la manière selon laquelle ce phénomène affecte des institutions essentielles de l’Etat comme la police et la justice, et ses causes possibles dans la perspective de l’adoption de solutions spécifiques visant à l’éradiquer ou tout au moins la ramener à un niveau tolérable. »

La recommandation ii. conseille de mettre en œuvre un programme précis et détaillé notamment destiné à « sensibiliser la population aux dangers que représente la corruption pour la stabilité des institutions démocratique et le progrès social du pays (…) ; faire connaître la charte des fonctionnaires à tous les agents publics dans le but de les sensibiliser à ses normes en matière de corruption ».

Il n’empêche que la lecture in extenso du rapport de conformité publié en 2004 laisse l’impression qu’en deux années la Roumanie s’est dotée d’un cadre formel globalement compatible avec les standards du GRECO.

 

Une certaine inertie des pratiques

Le croisement avec d’autres sources d’informations amène pourtant à envisager une certaine inertie des pratiques. Etudions successivement les données d’une institution communautaire puis de l’ONG Transparency International.

Trois mois après la publication du rapport de conformité signé du GRECO, la Commission des Communautés européennes présente le 6 octobre 2004 son « Rapport régulier 2004 sur les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie de l’adhésion. [x] Dans la sous-partie intitulée « Mesures de lutte contre la corruption », il est écrit : « Les niveaux de corruption ne semblent pas avoir diminué et le nombre de poursuites couronnées de succès reste peu élevé, en particulier pour ce qui est de la corruption de haut niveau. Le défaut d’intégrité qui existe même au sein des instances chargées d’appliquer la loi et de lutter contre la corruption entrave les efforts déployés pour combattre la corruption. (…) La priorité pour le gouvernement roumain doit être de garantir la mise en application stricte de la législation existante. Les mesures contenues dans la stratégie nationale de lutte contre la corruption et dans le plan d’action connexe n’ont eu jusqu’à présent qu’un effet limité. »[xi]

Les poursuites engagées par l’Office national de lutte contre la corruption laissent la Commission sceptique : « Depuis que l’Office a entamé ses activités, ses enquêtes ont abouti à 86 peines d’emprisonnement mais seules quelques-unes de ces condamnations peuvent être considérées comme sanctionnant de graves délits de corruption. L’Office devrait veiller à remplir de façon prioritaire son mandat central qui consiste à enquêter sur des affaires de corruption à haut niveau au lieu de traiter un grand nombre d’infractions mineures. »[xii]

De son côté, l’ONG TI  n’est guère optimiste. Pour évaluer la corruption à l’échelle mondiale, T I a créé un indicateur : l’indice de perceptions de la corruption (IPC). Celui-ci rassemble des perceptions d’experts à l’égard de la corruption. L’IPC se présente sous la forme d’une note sur 10. Comme à l’école primaire, il vaut mieux – pour la démocratie - être proche de 10 que de 0.

Alors que la Roumanie était notée 2,8 sur 10 sur l’IPC 2003, elle obtient 2,9 sur 10 sur l’IPC 2004 [xiii]. Il faudrait être de mauvaise foi pour nier l’amélioration de 0,1 point mais l’on pourrait faire observer que d’autres pays ont progressé plus rapidement pendant le même laps de temps. L’Estonie, par exemple, est passée de 5,5 à 6 sur 10, soit une progression plus significative.

Surtout, il importe de situer la Roumanie par rapport aux pays qu’elle entend rejoindre, c’est à dire les Etats de l’UE25 et vis à vis des trois autres Etats candidats à des termes différents (Bulgarie, Croatie, Turquie). Or, la Roumanie est, de loin, le pays le moins bien noté. Alors que la Finlande caracole en tête avec 9,7 sur 10, la Roumanie est la lanterne rouge de tous les pays membres et candidats, derrière la Pologne (3,5 sur 10) et la Turquie (3,2 sur 10). 

Ainsi, en dépit des avancées formelles reconnues par le GRECO, la Commission européenne et Tranparency  International s’accordent à considérer que la corruption reste une réalité prégnante en Roumanie.

Le débat sur les origines

Même s'il est possible de trouver dans les pratiques sociales antérieures au XXe siècle quelques fondements de la corruption contemporaine, la période communiste semble avoir joué un rôle considérable. Alain Besançon n'écrivait-il pas, en 1976 : "La corruption est une maladie du communisme. En conséquence, dans l'opposition entre eux et nous, entre le Parti et la société civile, la corruption est pour cette dernière un signe de santé. Elle est une manifestation de la vie, d'une vie pathologique, mais qui vaut mieux que la mort. Elle se traduit par une renaissance de la vie personnelle, car la figure même du trafiquant est une victoire de l'individu, de la personne." (A. Besançon, préface au livre de Ilja Zemtsov, "La corruption en Union soviétique", Paris: Hachette 1976)

Ce qui n'empêche nullement les cadres du régime communiste de tirer aujourd'hui habillement les marrons du feu.

Expert indépendant, Valerian Stan considère effectivement que la corruption est en Roumanie « un mal systémique »[xiv] qu’il faut aujourd'hui mettre en perspective. « Car les explications que l’on pourrait donner à l’actuelle situation seraient, sans doute, incomplètes si l’on laissait de côté un autre héritage de l’ancien régime. Pour des raisons qui exigent une analyse à part, la police politique communiste, la Securitate, a réussi, même après 1990, à maintenir des positions très fortes. Bien que l’identité de ces anciens officiers et collaborateurs ait été, ces quinze dernières années, l’un des secrets les mieux gardés, certains d’entre eux – assez nombreux, d’ailleurs – ont pu être identifiés. Si partant de ces données, l’on mettait bout à bout ces noms, on obtiendrait, comme dans un puzzle, une image montrant les hommes de la Securitate placés dans les postes les plus importants de la vie politique, des institutions publiques, du système financier et bancaire, de la presse, etc. A l’occasion de chaque grand scandale lié à la corruption, on découvre qu’un, voire plusieurs officiers de la Securitate y sont activement mêlés. »

Finalement, les officiers de la Securitate constituent, en connivence avec une partie de la classe politique, un véritable système du crime organisé.

Au-delà de leur enrichissement, il serait intéressant de savoir s’ils ont un – ou des – projet (s) géopolitique (s). Si l’adhésion à l’Union européenne n’en faisait pas partie, compte tenu des positions occupées, tout laisse penser qu’ils auraient pu l’empêcher. 

 

De nouveaux engagements 

Après avoir développé en 2001 et 2004 un premier programme de lutte contre la corruption, la Roumanie a rendu public en mai 2004 un deuxième programme pour la période 2005-2007,  appelé National Anti-corruption Strategy II (NACSII)[xv] . Celui-ci compte dix objectifs, dont l’amélioration de la transparence et de l’intégrité de l’administration publique, la prévention de la corruption dans le monde de l’entreprise, des campagnes d’information et des mesures éducatives, le renforcement de la résistance à la corruption du système judiciaire, la réduction du nombre de structures consacrées à la lutte contre la corruption pour améliorer leur efficacité, l’intégration des mesures anti-corruption prônées par l’Union européenne, les Nations unies, le Conseil de l’Europe, l’OCDE… Ce plan fait penser à un arbre de Noël surchargé, de manière plus ou moins appropriée, sans véritable ligne directrice. Ce qui pourrait être préjudiciable dans un pays qui reste pénalisé par de faibles capacités administratives. 

Roumanie, Timisoara, 2006. Le Parquet national anti-corruption... a du pain sur la planche. Crédits: P. Verluise

Elu en décembre 2004, le nouveau Président roumain – Traïan Basescu – a fait de la lutte contre la corruption une priorité nationale. L’organisation américaine Freedom House (FH) considère dans un document de mars 2005 que le changement de gouvernement a apporté des évolutions positives[xvi]. La société civile devient plus exigeante en matière d’informations et recourt plus volontiers à l’arsenal anti-corruption. Par ailleurs, le gouvernement a accepté de lever l’immunité d’anciens ministres. La corruption de haut niveau a donc été plus particulièrement visée en 2005, ce qui marque une évolution significative. Cependant, FH assure qu’il subsiste encore un long chemin à parcourir pour rendre effectifs les instruments anti-corruption créés ces dernières années.

Le Président Traïan Basescu a lui-même déclaré le 27 septembre 2005 : « A partir de demain, refusez de payer des pots de vins aux fonctionnaires publics ! Le bakchich est devenu un sport national. La mentalité du citoyen européen n’est pas d’être un partenaire des institutions corrompues de l’Etat, mais un allié de la loi, et nous devons suivre son exemple. C’est pour cette raison que je vous invite à vous solidariser contre la corruption, car c’est notre dignité nationale qui est en jeu. Le pacte contre la corruption et notre propre dignité sont les éléments déterminants de notre adhésion à l’Union européenne »[xvii]

Par ailleurs, il importe de savoir que le 21 décembre 2005 le gouvernement roumain a créé l’Institut pour l’investigation des crimes du communisme. Il essaiera par ses moyens spécifiques de faire cohabiter dans la même maison la morale et la politique. Cet institut cherche à organiser des bases de données des anciens activistes du Parti communiste, de la Securitate, de la police, de la magistrature … qui ont contribué à la répression de la population. A travers la recherche des officiers de la Securitate et des membres du Parti communiste, cet Institut pourrait avoir une incidence positive sur la lutte contre la corruption systémique.

 

Conclusion

Les institutions communautaires peuvent-elles se satisfaire de la situation de la corruption en Roumanie ? L’enjeu est important. L’élargissement de 2004 ne s’est-il pas déjà traduit par l’intégration de pays à l’indice de perceptions de corruption peu flatteurs ? Voici l’IPC 2004 des dix nouveaux Etats membres (NEM) : Malte : 6,8 ; Estonie : 6 ; Slovénie : 6 ; Chypre : 5,4 ; Hongrie : 4,8 ; Lituanie : 4,6 ; République tchèque : 4,2 ; Lettonie : 4 ; Slovaquie : 4 ; Pologne : 3,5…

Avec un IPC 2004 de 2,9 la Roumanie est certes la lanterne rouge des pays membres et candidats, mais son IPC 2005 est de 3 et après tout …

Sauf qu’à force d’intégrer des pays aux fortes pratiques corruptives c’est l’ensemble communautaire qui se trouve fragilisé. L'élargissement du 1er mai 2004 a déjà provoqué une dégradation significative de la moyenne de l’IPC communautaire. Alors que la moyenne de l’ex-UE15 pour 2004 est de 7,68, la moyenne de l’UE25 est tombée à 6,58. Le passage de l'UE15 à l'UE25 a donc induit une perte de 1,1 point pour l'ensemble communautaire. Parce que la moyenne des 10 NEM est de 4,93.

Faut-il poursuivre la descente vers les grandes profondeurs ? Si oui, l’UE25 s’est-elle à ce jour dotée des moyens nécessaires pour remonter un jour à la surface en combattant la corruption dans les Etats membres ?

Le « Rapport mondial sur la corruption  2004 » de TI attire l’attention sur une difficulté volontiers passée sous silence : « l’UE elle-même ne dispose pas de cadre précis pour s’attaquer à la corruption. Les Etats membres ne fournissent pas de renseignements sur la corruption de manière systématique. Les récents rapports présentés par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) du Conseil de l’Europe, seul organisme à contrôler la majorité des pays européens par rapport aux principes généraux de politique anti-corruption, faisaient remarquer qu’il n’y avait aucune statistique globale sur la corruption en Grèce ou en Espagne. L’UE n’a pas été en mesure de persuader les Etats membres d’adopter les instruments existants. Par exemple, seuls trois Etats membres ont ratifié la Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe, lorsqu’elle est entrée en vigueur en juillet 2002. Par contre, tous les pays candidats de l’Europe centrale et orientale, à l’exception de deux, l’avaient ratifié à cette date. (…) Comme les critères de Copenhague cessent  de s’appliquer aux pays une fois qu’ils sont admis au sein de l’UE, la Commission ne sera plus en mesure  d’exiger des dix Etats candidats (devenus nouveaux Etats membres - PV) ce qu’elle n’a jamais pu exiger des membres actuels. » [xviii] La Commission pourra-t-elle appliquer deux poids deux mesures et exiger des nouveaux Etats membres des politiques de lutte contre la corruption qu’elle n’a jamais exigé des membres les plus anciens ? Cette remarque vaudrait  évidemment pour la Roumanie si elle venait à intégrer l’UE. Il y a tout lieu d’imaginer que Bucarest deviendrait alors moins conciliante vis à vis des « recommandations ».

L’Union européenne aurait donc tout intérêt à soutenir les efforts de l’Institut pour l’investigation des crimes du communisme en Roumanie. Parce que si l’oligarchie communiste et les officiers de la Securitate continuent à sévir, la corruption de haut niveau sera bientôt le principal produit d’exportation de la Roumanie. Les bureaucrates roumains issus des structures communistes pourraient très bien enseigner à ceux de Bruxelles comment on vole au point d’épuiser un espace et une société.

Ainsi, la corruption ne concerne pas seulement les nouveaux Etats membres et les candidats – ce serait trop simple – mais l’ensemble constitué par l’Europe communautaire. Et tous ses citoyens, serait-on tenté d’ajouter, puisque c’est la nature démocratique de ses institutions qui se joue sous nos yeux.  

Pierre Verluise

PS. L’auteur remercie pour son aide à la recherche Caroline Leguy, responsable des ressources documentaires du Centre de documentation de l’Institut supérieur d'Interprétation et de Traduction (ISIT) de l’Institut catholique de Paris.  

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Notes


[i] Cité par BRAN (Mirel), « La corruption des élites domine les élections en Roumanie », Le Monde, 29 novembre 2004.

[ii] LEBEGUE (Daniel), « La corruption en Europe », mis en ligne sur le site www.diploweb.com en avril 2005, à l’adresse www.diploweb.com/forum/corruption.htm .

[iii] PARLEMENT EUROPEEN, Commission des affaires étrangères, des droits de l’homme, de la sécurité commune et de la politique de défense, Rapporteur : Baronness Nicholson of Winterbourne, « Rapport sur les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie de l’adhésion », 24 février 2004, final, A5-0103/2004, 32 pages, version française.

[iv] RIVAIS (Rafaëlle), « Bruxelles menace de retarder l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie »,  Le Monde, 12 janvier 2005, p. 7.

[v] CONSEIL DE L’EUROPE, Groupe d’Etats contre la corruption, Direction Générale I – Affaires juridiques. Service des problèmes criminels. « Premier Cycle d’Evaluation. Rapport sur la Roumanie », adopté par le GRECO lors de sa 8 ème Réunion plénière (Strasbourg, 4-8 mars 2002), p.5.

[vi] Page 22.

[vii] CONSEIL DE L’EUROPE, GRECO, Direction Générale – Affaires juridiques. Service des problèmes criminels. « Premier cycle d’évaluation. Rapport de conformité sur la Roumanie ». Adopté par le GRECO lors de sa 19 ème Réunion Plénière (Strasbourg, 28 juin – 2 juillet 2004), 16 pages. 

[viii] Page 16.

[ix] Page 15.

[x] COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, « Rapport régulier 2004 sur les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie de l’adhésion », Bruxelles, le 6.10.2004, COM (2004) 657 final. 

[xi] Pages 21-22.

[xii] Page 22.

[xiii] TRANPARENCY INTERNATIONAL, « Global corruption report 2005 », p. 303. Consulté en juin 2005 à l’adresse www.globalcorruptionreport.org/.html.

[xiv] STAN (Valerian), “La corruption en Roumanie: un mal systémique”, in Géopolitique, 2005, n°90, pp. 73-78.

[xv] ROMANIA MINISTRY OF JUSTICE, “Stability Pact Anti-corruption Initiative”, 7th Steering Group Meeting, Republic of Montenegro, 5-6 may 2004, 17 pages plus deux annexes.

[xvi] FREEDOM HOUSE, INC, « The anticorruption of the romanian government assessment report. Commissioned by the Romanian Ministry of Justice », Washnington DC, mars 2005.

[xvii] BRAN (Mirel), « L’Europe ou le bakchich, un dilemme pour les Roumains », Le Monde, 30 septembre 2005.

[xviii]  Pages 141-148.

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Date de la mise en ligne: mars  2006

 

 

 

   

 

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