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www.diploweb.com Géopolitique de l'Europe

 Quelles sont les dynamiques socio-économiques à l'oeuvre en Europe ? 

par Pierre Verluise, spécialiste de géopolitique 

 

Il existe en Europe durant les années 1996-2006 deux dynamiques socio-économiques différentes. Les uns s’enrichissent quand d’autres s’appauvrissent. Ce sont pourtant souvent ces derniers qui devront très probablement supporter durant deux à quatre décennies le financement des fonds communautaires pour la modernisation des Nouveaux Etats membres.

Par ailleurs, nous observons en Europe centrale un phénomène de « décompression » post-intégration. Cela ne peut surprendre que ceux qui ont voulu ignorer le coût social de la transition. Si les tensions ont été contenues pour ne pas compromettre l’adhésion, une fois celle-ci obtenue, certaines franges de l’opinion choisissent le populisme pour demander une pause.

Biographie de l'auteur en ligne

Notes de cette partie:

1: Consultation mi-2006. Pour 1996, la donnée étant alors manquante pour Malte, nous avons retenu la plus ancienne fournie, à savoir 1998. De la même manière pour la Roumanie, il s’agit de la donnée 2000. Pour la Suisse, la dernière valeur connue (2003) a été arbitrairement retenue pour 2006.

2. Eurostat, Statistiques en bref, Populations et conditions sociales, 1/2006, p.2.

 

Comment mettre en perspective les dynamiques socio-économiques à l’œuvre en Europe ? Si les institutions et les médias communiquent volontiers les données mensuelles et annuelles, celles-ci sont rarement mises en perspective. Résultat, les vagues de « l’actualité » cachent parfois des lames de fond.  

Essayons d’étudier ensemble l’évolution des pouvoirs d’achat des pays européens et de la Turquie sur le long terme – 1996-2006 – puis sur le moyen terme de 2003 à 2006.  

Quelles sources ?

A partir des statistiques d’Eurostat disponibles, cette étude apporte des éléments de réponse pour les pays de l’espace UE29 (UE25 +  Bulgarie, Roumanie, Croatie, Turquie), l’Islande, la Norvège et la Suisse.  Comment ces représentations sont-elles construites ? 

Grâce à la base de données d’Eurostat, nous disposons (1) du PIB par habitant en SPA (UE25 = 100) pour l’UE25, les pays alors candidats (Bulgarie, Roumanie, Croatie, Turquie) et l’AELE, à l’exception du Liechtenstein.

Parce qu’un PIB par habitant peut faire illusion s’il n’est pas rapporté à une population, nous le mettrons en relation avec la population au 1er janvier 2006 de chaque Etat présenté, à partir des estimations d’Eurostat (2).

Observons pour commencer la carte légendée ci-dessous : Europe + Turquie : Evolution des PIB par habitant en SPA, entre 1996 et 2006, base 100 = UE25.  

  Date de la mise en ligne: mars 2007

 

 

 

   

         

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Ce mode de représentation permet de voir simultanément pour chaque Etat le poids relatif de sa population et le poids relatif de son économie. Distinguons successivement les "anciens" Etats membres, puis les Etats entrés en 2004 et 2007.

Les Etats membres avant le 1er mai 2004

Chacun constate ici la progression du Royaume-Uni, de l’Espagne, de la Grèce et de l’Irlande. Le Luxembourg affiche une insolente progression. Celle-ci résulte de la combinaison d’une population peu nombreuse, d’activités financières en croissance et de flux de main d’œuvre (navetteurs).

Il est frappant de constater que trois des six Etats fondateurs – l’Allemagne, l’Italie et la France – qui forment ensemble une grosse part des contributions au budget communautaire - apparaissent en régression relative. Faut-il s’étonner de certaines réticences à un nouvel élargissement ? 

Pour autant, il faut noter que la moyenne européenne servant chaque année de base à l’évaluation, il est tout à fait logique que lorsque cette moyenne augmente, les pays qui étaient déjà riches, s’ils restent stables, apparaissent en régression. C’est pour visualiser l’importance de cette évolution relative qu’a été conçue cette carte.

Le Portugal est aussi dans une situation difficile. L’annuaire statistique 2006 d’Eurostat consacré aux régions montre que les régions portugaises Centro et Norte se sont considérablement appauvries entre 1999 et 2003. La région  Norte est ainsi devenue la moins prospère des pays de l’ex-UE15. En 2003, son PIB par hab. en SPA est de 57,4% de la moyenne de l’espace UE25. Ce qui la place au même niveau que la capitale roumaine, Bucarest.

Les Etats entrés dans l’UE en 2004 et 2007

Neuf des dix pays entrés en 2004 et les deux pays candidats pour 2007 – avec des PIB par habitant initialement très faibles – progressent notablement. Il s’agit d’une dynamique de rattrapage, favorisée par le nouveau cadre et le travail des habitants de ces pays. Ces bonnes performances sont aussi le résultat des aides communautaires et des investissements étrangers attirés par une main d’œuvre peu onéreuse et un marché en expansion. Ces considérations sur une décennie invitent maintenant à étudier l’évolution sur un délai plus court et plus récent, entre 2003 et 2006.  

Observons à ce propos la carte légendée ci-dessous: Europe + Turquie: Evolution des PIB par habitant en SPA, entre 2003 et 2006, base 100 = UE25.

   

 

       

         

Mots clés - Key words (deuxième partie): cartes, cartographie, groupes, chiffres, données statistiques, gagnants, perdants, classement, hiérarchie, pays fondateurs de la cee , mégalopole européenne, périphéries de la mégalopole européenne, europe balte et centrale, pays d’europe centrale et orientale, peco, évolution, progrès, dynamique, crise, variations, Luxembourg, norvège, irlande, suisse, danemark, autriche, pays-bas, islande, royaume-uni, belgique, suède, finlande, france, allemagne, italie, espagne, chypre, grèce, slovénie, malte, portugal, république tchèque, hongrie, slovaquie, estonie, pologne, lituanie, croatie, lettonie, roumanie, bulgarie, turquie.

Notes de la partie ci-contre:

3: En revanche, la Turquie qui dans la première carte avait légèrement régressé sur une décennie amorce un redressement sur la période 2003-2006.

4: Le Monde, 27 janvier 2007, p. 15.

 

 

Sur cette deuxième carte - pour laquelle il faut garder à l’esprit qu’elle ne concerne que trois années et repose sur des estimations d'Eurostat - l’agrandissement de  la tache bleu saute aux yeux. L’Allemagne, l’Italie et la France sont rejointes par deux autres Etats fondateurs : les Pays-Bas et la Belgique. S’y ajoute le Royaume-Uni qui n'est pas un membre fondateur et n'appartient à la zone euro. Le lien entre l’appartenance à la zone euro et les résultats de la croissance économique semble peu évident. Ce qui laisse penser qu’il existe une part de responsabilité nationale. Les atouts et les contraintes de l’euro ne sont pas gérées par tous les pays de la même manière.

Par ailleurs, à l’inverse du Danemark, le Portugal n’a toujours pas redressé la situation (3). 

A l’exception de Malte, tous les Etats entrés dans l’UE en 2004 ou en 2007 sont encore  inscrits dans une dynamique d’enrichissement entre 2003 et 2006.

Ainsi, il existe durant les années 1996-2006 deux dynamiques économiques différentes. Les uns s’enrichissent quand d’autres s’appauvrissent apparemment et de manière relative. Ce sont pourtant souvent ces derniers qui devront très probablement supporter durant deux à quatre décennies le financement des fonds communautaires pour la modernisation des Nouveaux Etats membres.

Dans une certaine mesure, les pays d’Europe centrale et orientale ne se sont jamais si bien portés. Pour autant, une frange importante de la population exprime son désir d’une pause dans les réformes et d’une autre répartition des fruits de la croissance. En 2005-2006 les dirigeants qui ont porté les réformes sont souvent rejetés par les électeurs au bénéfice de populistes assez divers qui remettent en question les modalités de la transition. C’est le cas en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie et en République tchèque. Héritage du communisme, la vie politique est dominée par la figure de l’ennemi qu’il faut éradiquer. Il manque encore dans ces pays une culture de la négociation et du compromis. Les populistes ne rejettent pas la démocratie, mais ce sont généralement des anti-libéraux. Ils critiquent aussi bien le libéralisme économique que la liberté des mœurs. Ces nouveaux dirigeants entonnent – comme Dominique de Villepin en France … - le discours du patriotisme économique, mais ils prennent soin de ne pas l’appliquer afin de ne pas contrarier la croissance économique.

Le retour de la question sociale

Derrière cette poussée des populismes en Europe centrale, c’est en fait le retour de la question sociale, parce que tout le monde ne profite pas de la même façon de la transition. Il exprime une volonté de rupture du consensus des dirigeants passés au sujet de l’adhésion à l’OTAN comme à l’UE. Les dirigeants ex-post-néo-communistes convertis à l’économie de marché qui ont géré la transition se retrouvent en ligne de mire d’un mouvement de décommunisation et de lutte contre la corruption. Le processus d’intégration européenne se trouve également rejeté. Les populistes préfèrent mettre en avant la souveraineté et l’identité nationale. De surcroît, l’anti-européisme se nourrit souvent d’un anti-germanisme, à la fois à cause de l’histoire et du poids prédominant de ce pays dans la zone aujourd’hui.

Ainsi, sur fond de croissance du PIB par habitant, nous observons en Europe centrale un phénomène de « décompression » post-intégration. Cela ne peut surprendre que ceux qui ont voulu ignorer le coût social de la transition. Si les tensions ont été contenues pour ne pas compromettre l’adhésion, une fois celle-ci obtenue, certaines franges de l’opinion choisissent le populisme pour demander une pause. Pour autant, une large majorité des hommes et des femmes d’Europe centrale sont de mieux en mieux disposés à l’égard de l’UE.

Il n’empêche que les gouvernements populistes - parfois issus de scrutins marqués par une faible participation - ne renforcent pas le lien politique dans l’Europe communautaire. Ce qui en question une partie de l’argumentaire pour justifier de nouveaux élargissements.

Les Etats qui ont rejoint l’UE en 2004 ne doivent pas baisser la garde. Thomas Blatt Larsen, économiste de la Banque mondiale pour la région Europe et Asie les prévient : « Les risques vont croître de manière dramatique après 2007, pour les pays où la surchauffe menace et où les réformes structurelles ne suivent pas. »(4) Pressions inflationnistes, déficits budgétaires, détérioration des comptes courants, hausse des importations, dégradation des termes de l’échange… Les succès d’hier ne sont donc pas garants de ceux de demain. Opinions publiques et gouvernements sauront-ils en tenir compte ?

Pierre Verluise

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