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Planisphère. Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? Avec C. Durandin

Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? La Moldavie est longtemps restée un trou noir de la géopolitique de l’Europe géographique. Bessarabie, Moldavie, Transnistrie, beaucoup de noms de territoires pour des découpages et des périodes différentes, cela ne nous aide pas à comprendre. Pays peu peuplé situé entre la Roumanie et l’Ukraine, la Moldavie est un pays très pauvre marqué par une forte émigration, avec une diaspora qui pèse lourd dans les élections. Ses relations avec l’Union européenne sont longtemps restées incertaines. Il est vrai que la corruption endémique peut laisser songeur. Pourtant, la relance de la guerre russe en Ukraine, le 24 février 2022 a été involontairement un accélérateur du rapprochement UE / Moldavie puisque la Moldavie a brutalement sauté des étapes pour devenir officiellement candidate à l’UE dès juin 2022. Depuis la guerre russe se poursuit en Ukraine, et la Russie entretient toujours des troupes en Transnistrie, une région sécessionniste depuis le début des années 1990 à l’Est de la Moldavie. Et l’OTAN a renforcé récemment son positionnement à l’Ouest de la Moldavie, en Roumanie. Voilà pourquoi cela a du sens de se poser la question : Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? Pour nous apporter des réponses, Planisphère reçoit Catherine Durandin. Son propos est d’une grande clarté.

Cette émission, Planisphère, « Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? » Avec C. Durandin, sur RND

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Synthèse de cette émission, Planisphère, « Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? » Avec C. Durandin. Rédigée par Emilie Bourgoin pour Diploweb.com , relue et validée par C. Durandin.

LA MOLDAVIE, une petite république d’Europe de l’Est, a traversé une campagne électorale, référendum sur l’intégration européenne le 20 octobre 2024 et élection présidentielle en deux tours, les 20 octobre et 3 novembre 2024 marquée par de nombreux défis et tensions internes et externes [1]. Maia Sandu, candidate pro-européenne, a remporté un second tour décisif avec plus de 55 % des voix. Bien que son triomphe ait été perçu comme un soulagement pour les partisans de l’intégration européenne, la faible majorité obtenue au référendum du 20 octobre sur l’adhésion à l’UE (50,3 %) soulève des questions sur l’adhésion de la population moldave à ce projet. Dans ce contexte, la Moldavie se trouve tendue entre les aspirations européennes et la réalité d’une pression géopolitique russe, tout en luttant contre les problèmes internes, notamment la corruption très difficile à éradiquer et une démographie en déclin.

Une victoire sur fond de guerre hybride russe

L’élection présidentielle moldave s’est déroulée dans un climat de guerre hybride. La Moldavie est sous pression : la guerre en Ukraine voisine pèse lourdement. En février 2022, plusieurs centaines de milliers d’Ukrainiens se sont réfugiés en Moldavie, ils sont plus de 100 000 aujourd’hui. Et la plus profonde incertitude plane quant au devenir de l’Ukraine, quant au futur équilibre des forces entre la Russie et les Occidentaux en cet espace. La désinformation, le financement des électeurs, des actions comme le transport gratuit pour les bureaux de vote par des agents pro russes, ont perturbé cette campagne. Le gouvernement moldave, sous la direction de Maia Sandu, présidente depuis 2020, a réagi en renforçant les mesures de contrôle : l’arrestation de quelques personnalités inculpées, l’interdiction de vote d’un bloc de partis politiques pro-russes à l’approche des élections, ont nourri des interrogations sur la nature démocratique de ces décisions. L’opposition à Maia Sandu et à son gouvernement a dénoncé un régime « présidentialiste ».

Pierre Verluise et Catherine Durandin
Professeur émérite à l’INALCO, Catherine Durandin publie : « Moldavie : le défi, un pari » éditions Pétra.
RND

L’histoire de la Moldavie et ses liens avec la Russie

L’histoire de la Moldavie est liée à celle de la Russie et de l’URSS. La Moldavie fut systématiquement russifiée à la fin du XIXe siècle. En 1918, la Moldavie est intégrée dans la Grande Roumanie. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Moldavie devient une république socialiste soviétique, un statut qui perdure jusqu’à l’indépendance proclamée en août 1991. Depuis, la Moldavie lutte pour construire sa voie identitaire et souveraine tout en affrontant ses héritages complexes liés à son passé soviétique et aux fortes influences russes contemporaines

La Transnistrie, la Gagaouzie et l’église orthodoxe russe : des appuis pour la Russie

La présence de la Russie en Moldavie repose sur plusieurs points d’ancrage stratégiques. La Transnistrie, une région séparatiste pro-russe à l’Est de la Moldavie, demeure une zone grise, son statut non reconnu et sa dépendance vis-à-vis de la Russie restant une source de tensions. Bien qu’une minorité des habitants de Transnistrie ne soit pas défavorable à une orientation économique européenne, cette région reste un bastion pour Moscou.

La Gagaouzie, région au statut d’autonomie depuis 1994 au centre-sud du pays, est composée principalement de populations turques d’origine, de religion orthodoxe. Cette communauté, hostile à la langue roumaine comme langue officielle selon la constitution de la Moldavie, reste largement fidèle à la Russie et constitue un soutien stratégique pour Moscou.
Parallèlement, l’église orthodoxe joue un rôle central en Moldavie. Aujourd’hui, l’église orthodoxe moldave est partagée en deux branches : l’une est restée fidèle au Patriarcat de Moscou, et l’autre est affiliée au Patriarcat de Bucarest et à Constantinople. Cette division est le reflet de la tension géopolitique entre la Russie et l’Occident.

La crise démographique : un défi de taille

La crise démographique de la Moldavie représente un défi majeur pour le pays. En 1989, la population était de 4 millions d’habitants. Elle a diminué de manière significative pour atteindre 2,6 millions aujourd’hui. Cette baisse est principalement due à l’exode massif des Moldaves, poussé par des raisons économiques, mais la guerre en Ukraine a amplifié cette dynamique. La guerre a ravivé les inquiétudes au sein de la population.

Malgré ces défis, le gouvernement de Maia Sandu continue d’intensifier ses relations avec l’Occident tout en restant fidèle au statut de pays neutre figurant dans la Constitution. Exemple notable de cet engagement : l’accord de sécurité signé en mars 2024 entre la Moldavie et la France. Cet accord installe une coopération en matière de défense, en particulier en ce qui concerne la protection aérienne du pays, l’aide à la formation militaire, témoigne d’un pas important vers une plus grande intégration de la Moldavie dans les structures de sécurité européennes, renforcée en 2024.


Bonus vidéo. Planisphère, « Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? » Avec C. Durandin


La lutte contre la corruption : un défi majeur

La corruption demeure l’un des plus grands obstacles à la stabilité et au développement de la Moldavie. Depuis la période post-soviétique, le pays a souffert d’une privatisation chaotique et de l’ascension d’oligarques influents qui contrôlent une large part de l’économie. En 2015, un scandale financier d’envergure a secoué le pays, lorsqu’un milliard de dollars a disparu du système bancaire, volé par des oligarques à présent exilés en Russie. La corruption a pris racine au plus haut niveau, rendant difficile toute réforme réelle. La justice et la santé sont touchées. Maia Sandu est perçue comme une figure incorruptible, déterminée à lutter contre ce fléau, bien qu’elle se heurte à des résistances puissantes. La réforme de la justice est en cours.

L’UE face aux enjeux moldaves : soutien ou promesses non tenues ?

L’Union européenne soutient la Moldavie depuis l’accord d’association signé en 2014, avec des initiatives de coopération renforcées depuis 2022, des visites officielles nombreuses de représentants de l’UE. Les investissements dans des domaines comme l’eau, l’irrigation, la santé publique, les infrastructures, témoignent de l’engagement de l’UE envers la Moldavie.

La question de la sécurité, l’apport bénéfique d’une intégration à venir dans l’UE demeurent des points d’incertitude majeurs. Bien que des accords de sécurité aient été signés, notamment le partenariat de défense avec la France, une partie significative de la population moldave reste sceptique à l’égard de l’UE. Le faible soutien au référendum sur l’intégration dans l’UE et les critiques sur l’« occidentalisation » c’est- à-dire la perte des valeurs traditionnelles de la Moldavie montrent qu’une grande partie de la population considère l’UE comme un projet à très long terme, déconnecté de ses préoccupations réelles.

L’avenir incertain de la Moldavie

La Moldavie est un pays hésitant, confronté à des choix géopolitiques cruciaux qu’elle n’a pas les moyens de maîtriser seule. Si Maia Sandu incarne l’espoir d’une Moldavie pro-européenne, les défis internes comme la corruption, l’influence russe persistante et une démographie en déclin qui perturbe le marché du travail freinent les énergies. L’Union européenne, bien qu’elle soit un partenaire clé, ne semble pas avoir les leviers nécessaires pour assurer à court terme une transformation en profondeur. Au point actuel, l’incertitude du sort de l’Ukraine pèse lourdement sur le futur proche de la Moldavie. Enfin les crises traversées par l’UE et ses divisions affaiblissent sa crédibilité auprès de populations qui doutent.

Copyright pour la synthèse 2024-Novembre-Bourgoin/Diploweb.com


Plus

. Catherine Durandin, « Moldavie : le défi, un pari », éditions Pétra, 2024.

La petite République de Moldavie de 2 600 000 habitants, indépendante depuis le 27 août 1990, apparaît dans l’actualité internationale : c’est pour être évoquée comme cible potentielle d’une agression russe. La Moldavie dont la neutralité est inscrite dans sa constitution de 1994 est cernée par l’environnementde la guerre russo-ukrainienne. Au printemps 2022, plus de 100 000 ukrainiens ont trouvé refuge en Moldavie. La Moldavie est l’héritière de passés tourmentés, principauté indépendante, annexée par la Russie tsariste, intégrée dans la Grande Roumanie, occupée par les Soviétiques puis par les Roumains en 1940-1941 et intégrée en 1944 dans l’URSS.

Aujourd’hui, après des années de dé-soviétisation chaotique, la République de Moldavie dont la langue officielle est le roumain, se pose un défi. Développer une économie indépendante de l’énergie russe, traquer la corruption qui gangrène tous les secteurs de la société, poursuivre les oligarques qui ont fait vaciller le système bancaire en 2014-2015, inciter au retour plus d’un million de migrants qui ont quitté le pays depuis 1990… Le nouveau gouvernement pro-européen sous la présidence de Maia Sandu, élue en 2020, fait un pari : ne pas renoncer au chemin de réformes qui mènent à l’intégration dans l’UE. La candidature moldave a été retenue en juin 2022.

La Moldavie est confrontée à deux situations régionales difficiles : la collusion de la minorité gagaouze avec la Russie et, question redoutable, l’hostilité de la Transnistrie, sécessionniste depuis 1992, pro-russe. Tiraspol et Chisinau n’ont pas trouvé d’accord depuis cette rupture, marquée par une guerre civile au printemps-été 1992. Chisinau bénéficie de soutiens de poids, ceux de la Roumanie, des États-Unis et de l’OTAN préoccupés par les ambitions russes, de la France qui a signé avec Chisinau un accord de sécurité en 2023. Enfin, l’expérience collective de plus de trente années d’indépendance a forgé une conscience nationale qui conjugue identité orthodoxe, nouvelles ouvertures occidentales et, pour une large partie de la population, espérance européenne. L’avenir de la République de Moldavie demeure suspendu à ses propres capacités de réforme tout en dépendant fortement du rapport de force entre l’Occident et la Russie en son espace.


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Tous les podcasts géopolitiques de l’émission Planisphère depuis septembre 2024, en un clic. Et avec en bonus une synthèse rédigée, c’est possible ? Oui, ici.


Présentation du concept de l’émission Planisphère par Pierre Verluise

Planisphère est une émission de géopolitique proposée par Radio Notre Dame et RCF. Planisphère est animée par Hugo Billard jusqu’au 31 août 2024 ; par Pierre Verluise (Diploweb.com) depuis le 3 septembre 2024. Chaque semaine des historiens, des géographes, des géopoliticiens, des diplomates, des stratèges et des acteurs des relations internationales prennent le temps de mettre en perspective les soubresauts du monde. Planisphère cherche à comprendre l’actualité mondiale dans l’espace et dans le temps, en privilégiant la clarification des jeux des acteurs comme des résultats sur les territoires. Pierre Verluise cherche à mettre à jour l’interaction des échelles et les dynamiques de la puissance, définie comme une capacité de faire, de faire faire, de refuser de faire ou d’empêcher de faire.
Cette émission est disponible en podcast sur les sites et les applications de ces deux radios, comme sur le Diploweb.com qui offre en bonus une synthèse rédigée, validée dans la mesure du possible par l’intervenant.

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Professeur émérite à l’INALCO, Catherine Durandin est ancienne élève de l’École normale supérieure. Auteur de plus de vingt ouvrages d’histoire et géopolitique, axés sur la Guerre froide, l’OTAN, la Russie et la Roumanie. De nombreuses années de consultance pour le ministère de la Défense. Elle publie : « Moldavie : le défi, un pari » éditions Pétra.
Interview organisée et conduite par Pierre Verluise, docteur en Géopolitique, fondateur du Diploweb, il anime Planisphère sur Radio Notre Dame et RCF depuis septembre 2024. Cette émission a été diffusée en direct diffusée en direct le 19 novembre 2024.
Synthèse par Emilie Bourgoin, étudiante en quatrième année au BBA de l’EDHEC et alternante au sein de la cellule sûreté d’un grand groupe. Elle est en charge depuis septembre 2024 du suivi hebdomadaire de l’actualité des livres, revues et conférences géopolitiques comme de la rédaction des synthèses des épisodes de l’émission Planisphère pour Diploweb.

[1Cette émission a été enregistrée le 4 novembre 2024.


Copyright DIPLOWEB sauf mention contraire


Citation / Quotation

Auteur / Author : Catherine DURANDIN, Emilie BOURGOIN, Pierre VERLUISE

Date de publication / Date of publication : 22 novembre 2024

Titre de l'article / Article title : Planisphère. Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? Avec C. Durandin

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Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? La Moldavie est longtemps restée un trou noir de la géopolitique de l’Europe géographique. Bessarabie, Moldavie, Transnistrie, beaucoup de noms de territoires pour des découpages et des périodes différentes, cela ne nous aide pas à comprendre. Pays peu peuplé situé entre la Roumanie et l’Ukraine, la Moldavie est un pays très pauvre marqué par une forte émigration, avec une diaspora qui pèse lourd dans les élections. Ses relations avec l’Union européenne sont longtemps restées incertaines. Il est vrai que la corruption endémique peut laisser songeur. Pourtant, la relance de la guerre russe en Ukraine, le 24 février 2022 a été involontairement un accélérateur du rapprochement UE / Moldavie puisque la Moldavie a brutalement sauté des étapes pour devenir officiellement candidate à l’UE dès juin 2022. Depuis la guerre russe se poursuit en Ukraine, et la Russie entretient toujours des troupes en Transnistrie, une région sécessionniste depuis le début des années 1990 à l’Est de la Moldavie. Et l’OTAN a renforcé récemment son positionnement à l’Ouest de la Moldavie, en Roumanie. Voilà pourquoi cela a du sens de se poser la question : Candidate à l’UE, comment caractériser la Moldavie post-élections ? Pour nous apporter des réponses, Planisphère reçoit Catherine Durandin. Son propos est d’une grande clarté.

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