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Synthèse de l’actualité internationale de mars 2020

Par Axelle DEGANS*, le 1er avril 2020.

Voici une précieuse synthèse de l’actualité internationale de mars 2020 qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique, suivent la spécialité #HGGSP voire préparent un concours. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte twitter de veille géopolitique @diploweb (14 600 followers)

Le sort des urnes

Après plusieurs mois de tergiversations, la Tunisie se dote en mars 2020 d’un gouvernement. C’est Elyes Fakhfkh, homme politique de centre- gauche qui le dirige. Il arrive au pouvoir dans des conditions particulièrement difficiles pour le pays.

La démocrature russe de plus en plus inventive ?

En Russie Vladimir Poutine a probablement trouvé en mars 2020 une martingale pour rester au pouvoir au-delà de ce que son mandat présidentiel lui permet.

Nommé premier ministre par Boris Eltsine en 1999, il prend la tête de l’exécutif l’année suivante. Il dirige donc la Russie depuis vingt années, à l’exception d’un mandat exercé par son ami Dimitri Medvedev dont il est le premier ministre à l’occasion d’un jeu de chaises musicales. Or ce qui devait être son dernier mandat ne le sera probablement pas. Le 10 mars 2020, une députée de la Douma (l’Assemblée russe) a proposé un amendement à la constitution. Première particularité à remarquer : il s’agit d’une héroïne de l’histoire soviétique car Madame Valentina Terechkova est la première femme à réaliser, en 1963, plusieurs tours autour de la Terre grâce au vaisseau Vostock VI participant ainsi à la légende de la supériorité soviétique sur le rival américain lors de la course à l’espace. Aujourd’hui la députée Terechkova, dont l’aura est réelle, demande à ce que Vladimir Poutine puisse de nouveau se présenter devant les électeurs en 2024 pour briguer un autre mandat présidentiel de 6 ans, et donc avoir la possibilité de présenter sa candidature encore en 2030... Cet amendement est en bonne voie d’être accepté par la voie législative, il resterait alors à le faire approuver par les citoyens russes mais la crise du coronavirus a reporté le calendrier initialement prévu. Les jeunes n’ont, pour ainsi dire, connu qu’un seul président… cela sera peut-être vrai pour une deuxième génération. Vladimir Poutine pourrait rester au pouvoir jusqu’au milieu de la décennie de 2030.

Pas de répit sur le front

Au Sahel, les islamistes de Boko Haram ont tué une centaine de soldats tchadiens dans la région du lac Tchad le 23 mars 2020. Rarement une attaque a été aussi meurtrière pour une armée tchadienne qui a la réputation régionale d’être assez solide. La région du lac Tchad, partagée entre plusieurs pays, est un épicentre de l’activité de Boko Haram, qui s’est affilié à Daech. C’est dans cette région que les autorités nigériennes ont annoncé avoir tué le chef de cette organisation, Ibrahim Fakoura. L’attaque au Tchad est probablement une réponse.

L’Union africaine a déclaré en mars 2020 vouloir mobiliser environ trois mille hommes pour lutter contre l’extension du djihadisme dans la zone sahélienne.

Les combats continuent en mars 2020 à la frontière syro-turque, dans la région d’Idlib entre les troupes turques, les djihadistes et les forces gouvernementales appuyées par les Russes. La mort d’une trentaine de soldats turcs fait craindre un durcissement des tensions entre Ankara et Moscou qui n’apprécie pas l’envoi par la Turquie de combattants sur le sol libyen. La Turquie est membre de l’OTAN… qui repose sur le principe de solidarité. Les Européens craignent une internationalisation de ce conflit. Les présidents russes et turcs se sont rencontrés à Moscou pour parvenir à une trêve. Erdogan revendique une « zone de sécurité » d’une trentaine de kilomètres en territoire syrien quand Moscou souhaite sécuriser des axes de communication. Les Occidentaux sont encore une fois singulièrement absents de la scène du Proche-Orient.

La Turquie fait en mars 2020 du chantage à la crise migratoire en encourageant les migrants à franchir la frontière grecque qu’Athènes n’entend pas laisser être transgressée. Les autorités turques le savent pertinemment et jouent sur le destin de ces migrants. Erdogan contrevient ainsi aux accords de 2016 dans lequel il s’engage à garder les migrants contre une aide européenne qui s’élève à six milliards d’euros. La Grèce n’est pas en mesure de faire front face à une nouvelle vague migratoire, semblable à celle de 2015. Bruxelles affiche sa solidarité avec Athènes.

Les armes ne se sont pas tues en Centrafrique ou en Libye, les meurtres continuent en Afghanistan.

En Irak, la mort de plusieurs soldats américains sur une base miliaire a entrainé des représailles aériennes de la part de Washington.

Une géopolitique du coronavirus

En mars 2020, à l’heure où la planète vit au ralenti, il est utile d’esquisser une géopolitique de cette pandémie du coronavirus. A la fin du mois de décembre 2019, un médecin chinois prévient les autorités chinoises du danger du coronavirus, preuve que celui-ci se développe au moins depuis le début du mois de décembre, si ce n’est du mois de novembre. Après un temps de déni, le PCC (parti communiste chinois) réagit de façon très visible, en partie pour compenser le retard accumulé. Différentes actions tardives sont vigoureuses et très médiatisées comme l’implication du dirigeant Xi Jinping qui redoute que le virus n’entame sa légitimité et donc la pérennité de son pouvoir. La crise coronavirus permet au parti communiste chinois de resserrer son emprise sur la société chinoise. La contestation pro-démocratie de Hong Kong a fait long feu. Pékin ne parvient pourtant pas à empêcher que l’épidémie ne sorte de son territoire et se transforme en ce que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) reconnait enfin le 12 mars 2020 comme une pandémie. Celle-ci frappe tous les continents mais l’Europe plus que tout autre. C’est un échec factuel pour une Chine populaire qui se posait en protecteur de l’humanité, mais il lui reste la possibilité de réécrire le narratif.

Désormais Pékin communique sur la validité de son action, et plus largement de son modèle. Alors que ceux qui ont envoyé du matériel médical pour aider la Chine à combattre ce qui n’était alors qu’une épidémie ne l’ont pas forcément fait sous l’œil des caméras, Pékin envoie des masques, des médecins et plus généralement du matériel médical en organisant la couverture médiatique. Pékin aide les Européens, les Africains…. Une « diplomatie du masque » est à l’œuvre. Il s’agit pour Pékin de démontrer la supériorité de son modèle politique – dictature et contrôle poussé de la population – sur un modèle occidental – démocratique et libéral - présenté comme plus faible et inefficace. D’autres pays ont fait preuve de générosité, tels la Russie qui livre du matériel médical à l’Italie très durement frappée par cette pandémie, Cuba propose l’expertise de ses médecins dont la réputation n’est plus à faire. Ces gestes, qui servent à l’évidence des desseins géopolitiques, soulignent en creux la faible solidarité intra-européenne, notamment vis-à-vis de l’Italie. L’accueil de malades français en Allemagne par exemple, de malades italiens dans d’autres pays européens arrive un peu tardivement. Cette pandémie soulève de nombreuses questions qui devront trouver des réponses dans la période post-pandémie.

Diffusion du coronavirus au 1/04/2020
Coronavirus COVID-19 Global Cases by the Center for Systems Science and Engineering (CSSE) at Johns Hopkins University (JHU)
JHU

De manière générale, de nombreux pays en Afrique ou en Amérique latine utilisent en mars 2020 la situation en Europe comme un contre-modèle à des fins de politique intérieure. L’état d’exception est décrété dans plusieurs pays latino-américains, ce qui étouffe la contestation de la rue qui s’était exprimée en Bolivie, au Chili…

Si les États-Unis ont été l’épicentre de la pire crise financière mondiale depuis 1929, la Chine est devenue l’épicentre de la pire pandémie du début du XXIème siècle. Et les États-Unis de 2020 pourraient devenir un centre majeur de la pandémie de coronavirus venu de Chine… sous l’effet de la gestion « disruptive » de D. Trump.

Une économie du coronavirus

Les conséquences économiques du coronavirus sont encore difficilement mesurables. L’économie mondiale subit en mars 2020 une série de chocs. Le très fort ralentissement de la Chine et le confinement et donc la contraction violente de la production et de la consommation des pays occidentaux ne peuvent qu’avoir des effets récessifs. Cela nous rappelle qu’elle reste l’« atelier du monde ». Les bourses se sont effondrées, le prix du baril de pétrole – après l’impossible accord entre la Russie et l’Arabie saoudite – est passé sous la barre des trente dollars, un prix d’un autre siècle…

La crise du coronavirus révèle en mars 2020 à quel point l’économie mondiale est sino-centrée et le degré de dépendance des économies européennes à l’empire du Milieu en est presque sidérant. Des décisions de délocalisation prises par des dirigeants dans les années 1980, 1990 et 2000 sonnent aujourd’hui bizarrement, mais les responsables sont aujourd’hui à la retraite et d’une discrétion remarquable. Les chaînes de valeur éclatées à l’échelle de la planète mondialisée montrent leur vulnérabilité quand un des maillons n’est plus capable d’assurer son rôle.

Les États sont obligés en mars 2020 de délier les cordons de la bourse pour faire face aux défis du coronavirus. Le pacte de stabilité européen est mis entre parenthèses, les États-Unis mettent sur la table des sommes colossales d’argent pour éviter que l’économie américaine ne collapse. Le nombre de chômeurs grimpe en flèche… La FED (la banque centrale américaine) agit rapidement en baissant ses taux directeurs. La BCE tarde à le faire et met mille milliards d’euros sur le tapis… pour éviter le risque d’implosion de la zone euro. Les prévisions des économistes sont à minima celle d’une récession économique mondiale, la zone euro pourrait enregistrer une contraction de son économie de plus de 20% au deuxième trimestre 2020, l’économie mondiale restant alors tirée par des économies comme celle de la Chine. L’Inde, désormais aussi confinée, prévoit un plan d’aide de 20 milliards d’euros à destination des plus pauvres sous forme numéraire et alimentaire, alors que le pays demeure déchiré par des tensions intercommunautaires religieuses.



Il y aura un avant et un après coronavirus car, à l’évidence, il faudra repenser le mode de fonctionnement de l’économie. Le précédent de 2007-2008, et la faiblesse des sanctions contre les responsables de la crise, invite cependant à une prudente expectative. Pourtant, les services publics ne sont pas des services comme les autres et doivent échapper aux règles de la financiarisation de l’économie (sans verser dans les excès) car nous observons aujourd’hui les fruits amers des logiques comptables appliquées au monde de la santé.

Cette pandémie est très cruelle pour les producteurs de matières premières et énergétiques frappés par le ralentissement de l’économie chinoise, dans un premier temps, et de l’économie mondiale dans un second. L’important reflux du prix du pétrole plonge les producteurs dans une tourmente économique mais aussi géopolitique. La situation s’est considérablement tendue au Venezuela (qui a demandé une aide au FMI), au Nigéria, en Algérie, en Arabie saoudite et aussi en Russie dont les économies rentières sont très dépendantes du pétrole. Le déficit budgétaire de ces producteurs les fragilise beaucoup. La situation n’est pas vraiment meilleure pour les producteurs de matières minérales – très nombreux en Afrique par exemple - car la demande s’est contractée de façon sensible. Les pays qui vivent de la rente touristique ne sont pas non plus en bonne posture car les frontières se sont fermées et les déplacements internationaux ont brusquement chuté. La diminution des déplacements internes aux pays va dans le même sens.

Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères (France) a annoncé en mars 2020 devant l’Assemblée nationale qu’une aide financière serait débloquée en faveur des pays les plus fragiles, et notamment en Afrique, pour faire face à cette pandémie.

Le temps des « défaut de paiement » ?

Le Liban, cette ancienne « Suisse du Moyen-Orient », annonce en mars 2020 qu’il est en cessation de paiement. Il ne peut donc pas rembourser ses créanciers, ceux qui lui ont accordé leur confiance. La dette du PIB représenterait, selon Standard and Poor’s, 170 % de son PIB. La monnaie nationale, la livre libanaise, est concurrencée par le dollar. Au-delà de difficultés économiques classique, le pays voit depuis des décennies une partie de sa richesse détournée par des élites cleptomanes et bien peu soucieuse de l’intérêt commun.

L’Argentine est de nouveau dans une situation économique très difficile. L’inflation s’est élevée à 53% sur les douze derniers mois, et l’ombre de la crise de 2001 plane sur les Argentins. Une partie de la population a déjà dû renoncer à la viande, au lait et souvent aux fruits et aux légumes. À la différence avec la crise de 2001, il existe désormais un petit filet de sécurité sociale qui permet de survivre en ces temps difficiles. La débrouillardise est le quotidien des Argentins.

Des nouvelles à mettre en perspective

La Chine a choisi d’implanter en France la première usine Huawei hors de ses frontières. Cela devrait générer plusieurs centaines d’emplois mais il s’agit aussi d’une stratégie pour inciter la France à choisir Huawei dans le cadre de l’équipement du territoire national avec la 5G, à l’encontre des pressions américaines.

Donald Trump a choisi de signer en mars 2020 des accords avec les taliban afghans, qui ne sont pas pour autant des accords de paix. L’Afghanistan post-intervention 2001 demeure un imbroglio et la négociation avec les taliban est-elle pour autant une solution ? La décision de Donald Trump est commandée par des impératifs intérieurs de rapatrier les « boys ». Environ 13 000 soldats américains restent déployés dans ce pays. Cet accord, signé à Doha au Qatar, permettra un retrait progressif des troupes américaines.

Bonnes nouvelles

Plusieurs cessez-le-feu ont été décrétés : Cameroun, Philippines, Syrie ou Yémen. Une nouvelle encourageante. Le pape et l’ONU appellent à un cessez-le-feu mondial.

Le sportif Martin Fourcade vient de mettre un terme à une carrière exceptionnelle. Ce quintuple champion du Biathlon et treize fois champion du monde a remporté une dernière compétition lui permettant de prendre sa retraite de façon éclatante.

En ces temps difficiles, l’humanité et le dévouement n’en rayonnent que plus. Celui des personnels au chevet des malades, de celles et ceux qui sont aux côtés des aînés, de toutes les personnes de la logistique qui assurent les approvisionnements indispensables à l’ensemble de la population et leur commercialisation, des professionnels qui maintiennent les services publics et les capacités productives, de celles et ceux qui prennent soin de leurs voisins. Voilà autant de raisons qui sont matière à espérer.

Copyright Avril 2020-Degans/Diploweb.com


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*

Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.


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Citation / Quotation

Auteur / Author : Axelle DEGANS

Date de publication / Date of publication : 1er avril 2020

Titre de l'article / Article title : Synthèse de l’actualité internationale de mars 2020

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