Est-il possible de réinventer le tourisme ? Entretien avec Rémy Knafou

Par Alexandre JACOMIN, Rémy KNAFOU, le 10 juin 2021  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Géographe, Professeur émérite de l’université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, créateur du Festival International de Géographie de St-Dié-des-Vosges, Rémy Knafou a fondé et dirigé la première équipe française de recherche dédiée au tourisme. Il est l’auteur de nombreux travaux sur le tourisme qui font aujourd’hui référence. Il publie « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde », Edition du Faubourg, 2021. Propos recueillis par Alexandre Jacomin, étudiant en hypokhâgne à la Prépa de l’ENC Blomet (Paris).

Quelles sont les idées fausses sur le tourisme ? Qu’attendre du tourisme durable et de l’écotourisme ? Qu’entendre par tourisme réflexif ? Quel avenir pour le tourisme dans un monde post-Covid ?

Avec beaucoup de générosité et d’originalité, R. Knafou répond aux questions d’A. Jacomin pour Diploweb.com à la faveur de la publication de son nouveau livre « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde » (Edition du Faubourg, 2021).

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Alexandre Jacomin (A. J.) : Votre nouvel ouvrage s’intitule « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde » (Edition du Faubourg, 2021). Dans cet ouvrage, vous proposez de passer d’un tourisme durable aux prises avec ses propres contradictions à un tourisme réflexif conscient des enjeux. Vous donnez également des pistes concrètes pour enclencher une quatrième révolution touristique. Pour commencer, quelles sont les idées fausses sur le tourisme ?

Rémy Knafou (R. K.)  : C’est une bonne question parce que le tourisme a alimenté aussi bien des idées fausses que des idées reçues. J’en vois beaucoup, je les prends sans ordre hiérarchique.

Premier point, c’est l’idée qu’on trouve encore, mais de moins en moins dans la littérature dite scientifique, que le tourisme aurait toujours existé, en particulier sur le fait qu’il y avait touristes dans l’Antiquité, etc. Ce qui est une impropriété et un anachronisme. Je ne nie pas le fait qu’il y avait des gens qui se déplaçaient pour leur plaisir, il y en a toujours eu…. Depuis qu’il y a eu une division du travail dans l’histoire de l’humanité, ceux qui avaient un peu de temps libre, parfois même beaucoup, - une toute petite minorité -, pouvaient prendre du plaisir et du temps à se déplacer ; il y en avait dans l’empire romain ; il y avait par ailleurs des marchands, ainsi que des diplomates, qui circulaient. Même si c’était dans le cadre de leur activité professionnelle, ça ne les empêchait pas de regarder ce qui se passait autour d’eux, de s’y intéresser, de s’émerveiller et ainsi de suite, et parfois d’en rapporter des récits, dont certains ont marqué l’histoire de l’humanité. Donc, des déplacements comme ça il y en a toujours eu, mais il est raisonnable de commencer à proprement parler de tourisme lorsque le mot est apparu pour désigner des pratiques suffisamment émergentes pour être nommées. C’est le mot « tourist » (en anglais) qui été forgé le premier, vers 1772, pour désigner une personne qui accomplit un « tour » (mot emprunté au français) pour des raisons non marchandes ou non diplomatiques, des raisons d’accomplissement personnel. Le mot « tourism » (l’activité qui résulte des pratiques des touristes) n’est apparu qu’au XIXe siècle, en 1811. Au XIXe siècle, on est donc fondé à parler de tourisme, une pratique qui a été progressivement inventée en Europe occidentale, entre la Renaissance et le siècle des Lumières, avec le « Grand Tour », ce voyage d’initiation des jeune aristocrates britanniques sur le continent et vers les lieux de de la civilisation grecque, romaine, etc…. C’est surtout dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, au moment où la Révolution industrielle commençait à se diffuser, que la division du travail a permis à une frange de la société non oisive de développer des pratiques nouvelles en partie inspirées de celles de l’aristocratie. Le « Grand Tour » n’est pas la seule origine du tourisme : il y a eu d’autres filiations : les pratiques thermales qui remontent à l’Antiquité aussi bien dans le monde romain que dans le monde arabo-musulman ; les pratiques de pèlerinages qui ont initié aussi des mouvements touristiques plus tard ; la villégiature aristocratique, aussi.

Deuxième idée fausse, qui a la vie dure dans la littérature sur le tourisme et dont s’est nourri ce que j’appelle le système touristique, c’est l’idée que le tourisme ne se définit pas facilement, qu’il est le domaine de la confusion et qu’il faut l’accepter. C’est une idée contre laquelle je me suis élevé, notre équipe de recherche aussi, en construisant une définition conceptuelle du tourisme, à l’opposé d’une définition attrape-tout. La définition attrape-tout, c’est d’abord la définition de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), c’est-à-dire qu’est considérée comme touriste une personne qui passe plus de 24 heures en dehors de chez elle pour des motifs variés, qui sont l’agrément, les affaires, la religion, la santé, etc... Or, tout ça, ça n’est pas du tourisme au sens strict du terme, au sens premier, c’est-à-dire voyager pour son plaisir ; on peut compléter en disant : pas seulement voyager pour son plaisir, voyager aussi sur son temps libre et avec son propre financement ; c’est le touriste qui paie son déplacement ; si c’est l’entreprise qui paie, c’est autre chose ; on appelle ça du tourisme d’affaires, du séminaire, du congrès, etc. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas une dimension touristique dans ces déplacements-là, évidemment, d’autant plus qu’en général quand on organise des congrès, des grands séminaires, on choisit des lieux attractifs puisqu’on joue doublement sur l’attraction du thème professionnel et sur l’attractivité du lieu, donc il y a une dimension touristique, à l’évidence, mais ce qui fait la différence avec le tourisme stricto sensu c’est que dans ce tourisme-là, ça n’est pas la personne qui participe qui paie son voyage et ça n’est pas elle qui a choisi le lieu. Or dans le tourisme dit d’agrément, non seulement on paie mais aussi on choisit le ou les lieux, ce qui change complètement le rapport à la pratique.

Cela dit, pour bien des professionnels du tourisme, il y a une segmentation dans la gestion des marchés, notamment au sein des grands offices de tourisme, qui ont souvent un département spécialisé dans le tourisme d’affaires ainsi que les voyages « incentive », et un département pour les touristes à proprement parler.

J’ajouterai que la pandémie a conduit à clairement différencier le « vrai » tourisme des pratiques voyageuses professionnelles qui sont connexes du tourisme. En effet, le tourisme dit d’affaires a encore plus pâti des restrictions de déplacement liées au Covid-19 que le tourisme d’agrément. Et dans la reprise post Covid, c’est le tourisme d’affaires qui aura le plus de mal à repartir comme avant.

Pour les humains, rien ne remplace la réalité des déplacements.

Autre idée fausse qui me vient à l‘esprit, la concurrence du « tourisme virtuel » qu’on nous prédisait depuis les années 1990. Le développement d’Internet a suscité une illusion, version contemporaine du « voyage autour de ma chambre », selon laquelle la navigation en ligne pourrait – partiellement au moins – remplacer le déplacement réel. La pandémie a ruiné cette vision, en apportant la démonstration concrète que pour les humains, rien ne remplace la réalité des déplacements.

Dernière idée fausse, très répandue dans les médias et chez les politiques qui nous gouvernent, la surestimation du tourisme international en général et du tourisme des riches en particuliers dans le mouvement touristique. C’est très important économiquement, c’est très important pour un tas de régions qui en vivent, mais statistiquement ce n’est qu’une part très minoritaire des pratiques touristiques. Le gros des pratiques touristiques se déroule à l’intérieur des frontières nationales, sur des distances assez courtes et sans nécessairement passer par un système marchand. Même en France, c’est le cas : la majorité des vacances des Français, se déroulent sur quelques centaines de kilomètres, sans passer la frontière, sans aller dans un hôtel, sans aller dans un meublé. C’est ce qu’on appelle le tourisme non marchand, un tourisme qui fait appel à la résidence chez des parents ou chez des amis. Donc ce qui est marchand dans cette affaire, c’est le transport ; on achète de l’essence ou une place de train et puis, de temps en temps, on se paie un restaurant : c’est ça la pratique majoritaire en France ; c’est aussi la pratique majoritaire dans le monde. Donc le tourisme des gens qui voyagent beaucoup, qui voyagent loin, qui prennent l’avion souvent, etc., n’est qu’une pratique d’une petite minorité, survalorisée par les médias.

Est-il possible de réinventer le tourisme ? Entretien avec Rémy Knafou
Rémy Knafou
R. Knafou publie « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde », Edition du Faubourg. Crédit photo : Edition du Faubourg
Knafou/éditions du faubourg

A. J. : On aborde souvent l’idée de l’écotourisme comme d’une alternative viable pour l’environnement, est-ce que vous pensez que finalement l’écotourisme est quelque chose de bénéfique et un avenir possible pour le tourisme ?

R. K : L’écotourisme a apporté quelque chose de neuf à un moment donné, il a permis la commercialisation de nouveaux produits et de nouvelles destinations ; mais il reste à démontrer que cela a constitué un réel progrès.

L’écotourisme est une des modalités de ce qu’on appelle le tourisme durable et vis-à-vis duquel je suis critique, en particulier dans le livre que je viens d’écrire.

Je suis critique vis-à-vis du tourisme durable, non pas sur l’objectif de durabilité, mais parce que l’essentiel du tourisme dit durable l’est peu, voire pas du tout et qu’en plus, il est porteur d’effets négatifs.

Le tourisme durable est la manière qu’a inventé le tourisme pour se rendre présentable aux yeux de ceux qui l’ont contesté, et en particulier de ceux qui le contestaient au nom de la défense de l’environnement, de la responsabilité écologique ; le tourisme a très bien compris la chose et comme il a un pouvoir récupérateur sans limites, il s’en est emparé aussi et l’écotourisme est l’un des avatars de cette emprise, de cette capacité du tourisme à faire flèche de tout bois.

Et si l’écotourisme peut avoir des bons côtés que je ne remets pas en cause, il a aussi un effet pervers redoutable quand il conduit à amener les touristes dans des lieux qui jusqu’à présent n’était pas touristiques. Car la caractéristique de la période qu’on vit c’est que toute la Terre est en train de devenir touristique et je ne suis pas sûr que ça soit bon pour le devenir de la planète en question. Donc, amener des touristes de plus en plus loin dans des endroits de plus en plus, non seulement éloignés, mais naguère inaccessibles, auprès de populations qui ne savent pas ce qu’est le tourisme, je trouve que les effets négatifs deviennent alors supérieurs aux effets bénéfiques.

Concilier le tourisme avec la transition écologique demeure, pour l’essentiel, un objectif encore à atteindre.

Des touristes qui ne doivent pas être les « idiots du voyage »

A. J. : Dans votre nouveau livre, « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde » (Edition du Faubourg, 2021), vous abordez la question du tourisme réflexif comme une possible voie pour une quatrième révolution touristique. Qu’entendez-vous par tourisme réflexif ?

R. K.  : Pour commencer à vous répondre et faire le lien avec la question précédente, je pense ce n’est pas nécessairement au fin fond de la forêt amazonienne qu’on peut trouver du tourisme durable. Dans ce type de lieu, l’arrivée du tourisme, même présenté comme respectueux de la société d’accueil comme de son environnement, est le début d’un processus de déséquilibres sociaux et environnementaux considérables. C’est ainsi que, sous couvert de de bonnes pratiques, le touriste le mieux intentionné peut contribuer à transformer radicalement une société, et pas forcément dans le sens le plus souhaitable pour la société en question, si on n’y prend pas garde. Il est donc très important d’aborder la question sous l’angle de la réflexivité, qu’il s’agisse de la société d’accueil, des intermédiaires qui vont mettre le lieu en tourisme ainsi que des touristes qui ne doivent pas être les « idiots du voyage ».

J’entends par tourisme réflexif un tourisme qui conduit à s’interroger sur ses pratiques vacancières, les produits touristiques, les lieux fréquentés, à en chercher le sens, à en faire la critique et, surtout, in fine, à en tirer des conséquences en adoptant de nouveaux comportements.

En premier lieu, la quatrième révolution touristique est fondamentalement une révolution dans laquelle on considère que la solution ne sera pas vers toujours plus de croissance touristique. Donc, c’est considérer que ce qui est une croissance sans fin est une fuite en avant et une perspective déraisonnable : le toujours plus systématique est à remettre en cause.

C’est plus facile à dire qu’à faire parce qu’en même temps je ne remets pas en cause le bien-fondé du mouvement touristique, mais il me semble très irresponsable de penser qu’on va pouvoir développer un tourisme durable tout en ayant de plus en plus de lieux touristiques, qu’une part croissante de la planète sera consacrée au tourisme et que des lieux qui n’ont pas besoin de tourisme, le deviendront de plus en plus au fil du temps. Donc la quatrième révolution touristique repose sur un tourisme qui se veut à la fois plus responsable, plus raisonné, plus réflexif et qui refuse la loi du toujours plus, ou, en tous cas, une approche principalement quantitative. En France par exemple, lorsque le ministre des Affaires étrangères qui avait la charge du tourisme, Laurent Fabius (2012-2014), avait fixé comme objectif pour la France, 100 millions de touristes, un objectif uniquement quantitatif, ça n’avait aucun sens, surtout dans un pays où l’on sait depuis longtemps que le problème est avant tout de parvenir à une meilleure qualité et à une intensité supérieure du revenu. Et puis après 100 millions, ce sera 120, 150, etc...

Ce n’est pas comme ça que l’on doit gérer cette activité ; il y a d’autres manières de développer du tourisme que de consacrer au tourisme des lieux qui ne le sont pas encore. On peut exploiter de manière plus intensive des lieux touristiques qui le sont déjà. On a souvent des réserves d’exploitation touristique, il n’est pas nécessaire d’aller chercher à chaque fois des lieux plus éloignés, plus coûteux en énergie.

Le tourisme est une pratique qui a été inventée par les touristes eux-mêmes. Ils peuvent donc le réinventer.

Donc la quatrième révolution touristique c’est aussi ça. Et l’une des manières d’y parvenir, est de favoriser un tourisme réflexif, car il n’y a pas trente-six manières de faire évoluer efficacement le système touristique. D’un côté, les destinations ont à la fois des responsabilités, des intérêts et des marges de manœuvre plus ou moins importantes selon les lieux et le courage politique de ceux qui les gouvernent. D’un autre côté, au bout de la chaîne, sont les touristes qui, du fait de prises de consciences et d’une infinité d’ajustements dans les pratiques jouent un rôle décisif. La balle est beaucoup dans le camp des touristes : à eux de réfléchir à leur pratique, de la remettre en cause ; en disant cela, je ne fais que m’inscrire dans l’histoire longue du tourisme puisque le tourisme est une pratique qui a été inventée par les touristes eux-mêmes. Ce n’est pas le système économique qui a produit le tourisme, ce sont des touristes qui ont développé des pratiques qui correspondaient à des besoins à un certain moment. Après, le système économique, le système marchand, le système capitaliste, peu importe comment on l’appelle, a récupéré ça, l’a utilisé, l’a rationalisé, a permis l’accès à un plus grand nombre, etc., mais la grande idée quand on parle de l’évolution du tourisme, c’est de montrer que c’est une suite d’inventions de pratiques par la société. Après, que le système économique utilise, valorise, exploite, c’est dans l’ordre des choses, mais il me semble très important que les touristes conservent une capacité d’action face au système de plus en plus bouclé qui leur fait face. Il faut recréer les conditions d’une inventivité sociale qui s’affranchisse en partie au moins du système touristique mondialisé actuel et l’outil de la réflexivité doit être sollicité. Les lieux touristiques aussi ont une responsabilité et des marges d’action, par exemple en créant des déclencheurs de réflexivité, c’est-à-dire des manières d’accrocher l’attention du touriste parfois de manière très allusive, discrète ; pas du matraquage, pas de grandes affiches, pas de spots télévisés, etc., ce sont des pratiques qui peuvent être furtives, discrètes, mais qui peuvent sensibiliser à un moment donné le touriste, favoriser la prise de conscience, laquelle est un processus qui peut être de longue haleine. Si vous avez eu l’occasion de voyager en Allemagne, en Suisse ou dans l’Europe centrale, ça commence à venir en France aussi, ces dernières années, dans les villes de cette région de l’Europe on y trouve de petits pavés de laiton placés dans le sol des rue, parmi les pavés de granite : ils indiquent le nom d’une personne, une personne qui a été arrêtée pendant la guerre et ensuite amenée dans un camp d’extermination où elle est morte ; et, donc, on mentionne le nom de la personne, sa date de naissance et sa date de mort. On marche sur ces pavés, beaucoup de gens n’y font pas attention ; certains regardent où ils mettent les pieds, jettent un coup d’œil, point de départ d’une interrogation. En allemand ça s’appelle les Stolpersteine. Ces petits pavés, la première fois ont été posés à Berlin et on en pose maintenant un peu partout dans les villes européennes, ce mouvement commence à venir en France aussi. Ce sont des micro-lieux de mémoire en quelque sorte, mais dont la fonction première est de ne pas oublier ce qui s’est passé à cet endroit-là puisque le pavé en question est placé devant le domicile de la personne, mais c’est aussi induire chez le visiteur qui peut être un touriste ou n’importe qui d’autre, une interrogation, une curiosité. Or on sait que ce mécanisme-là peut avoir des effets profonds parce que ce n’est pas la même chose que de lire un slogan publicitaire, une campagne de communication. C’est intériorisé par la personne. Quand on commence à se poser la question, cela induit un processus psychologique qui est durable. Donc, il y aura des effets puisque cette nouvelle révolution touristique dépendra de l’évolution des comportements. On ne pourra agir sur les comportements que si les touristes le veulent bien et s’ils les intègrent à leurs pratiques.

C’est un long chemin, qui va prendre du temps. Avec un petit peu d’optimisme, on peut penser que c’est votre génération qui va transformer la prise de conscience en action et adopter des comportements différents. Du reste, c’est vous qui allez habiter plus longtemps que celle qui vous a précédé sur cette Terre et c’est vous qui allez être confrontés à une planète qui fonctionne différemment, avec des températures qui augmentent, avec des densités de population qui progressent, avec des épidémies à forte capacité de diffusion mondiale. La pandémie de COVID-19 est aussi une piqûre de rappel : les épidémies dans l’histoire de l’humanité ne sont pas chose nouvelle, on savait que cela pouvait arriver et on sait qu’il en arrivera d’autres, dans notre monde puissamment interconnecté, où tout va très vite, puisque c’est le même avion qui transporte les touristes, les virus, etc.

A. J. : On le sait, le COVID a énormément frappé les secteurs touristiques. Quel est pour vous l’avenir du tourisme dans un monde post Covid ?

R. K.  : On sait déjà que le tourisme est un des secteurs les plus sinistrés par la pandémie, le tourisme international en particulier, et donc il est probable que lorsque la pandémie va reculer, les gens, qui n’ont pas dépensé d’argent pour les voyages et qui sont frustrés de ne pas voyager vont vouloir se rattraper. D’ailleurs c’est ce qui est en train de se produire en Chine : les Chinois, débarrassés du COVID19 pour l’essentiel, n’ont toujours pas l’autorisation de sortir de leurs frontières, mais à l’intérieur du pays, le mouvement touristique est intense, beaucoup plus que précédemment. Donc il y a cet effet de rattrapage qui existera et qui donc va à l’encontre de ce qu’on peut souhaiter dans la quatrième révolution touristique, c’est évident. En même temps je pense qu’il y aura une mémoire de l’événement, ainsi qu’une nécessaire réflexion sur ce qui s’est passé et ce que nous avons subi et, pour me répéter, je miserais davantage sur la nouvelle génération, celle qu’incarne par exemple la suédoise Greta Thunberg, que sur la génération du baby-boom. Une partie de celle-ci, qui disposait à la fois d’un héritage de traditions touristiques et des moyens financiers et techniques pour parcourir le monde, avait pris l’habitude de le considérer comme un vaste catalogue touristique. Il fallait donc trouver sans cesse des destinations nouvelles, de plus en plus éloignées, pour donner du sel à des voyages qui ne devaient pas devenir répétitifs. Cette logique du toujours plus touche aujourd’hui ses limites, mais la pandémie est venue troubler le jeu : à l’évidence, à court terme, il va se produire un effet de rattrapage, peu propice à la remise en cause souhaitable de certaines pratiques. Il faudra davantage espérer dans les évolutions de long terme.

En attendant, les moyens de transport sortent très éprouvés de cette crise majeure.

Les navires de croisière vont arriver eux aussi à reprendre le cours de leurs activités mais ils ont beaucoup souffert de certains épisodes, en particulier lorsque le Diamond Princess (2 700 passagers), est devenu un cluster géant, en février 2020. Depuis, les grandes compagnies se sont délestées de leurs bateaux les plus anciens. Les grandes compagnies aériennes aussi se sont débarrassées d’une partie de leur flotte. Certaines ont fait faillite, d’autres ont disparu et les restructurations sont très fortes, grâce à des aides publiques massives. On ne sait pas ce que va devenir le transport aérien ; son avenir est lié à l’attitude des États et à la fiscalité, en particulier à une fiscalité écologique qui n’est pas encore très développée dans l’aérien, sous-taxé par rapport au transport terrestre. Compte tenu de la contrainte du changement climatique, il y aura des changements, mais on ne sait pas à quelle vitesse. La balle est plus que jamais dans le camp des décideurs politiques qui devront faire de difficiles arbitrages entre logiques économiques et logiques écologiques, sous le contrôle d’opinions publiques changeantes.

Copyright Juin 2021-Knafou-Jacomin/Diploweb.com


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. Rémy Knafou, « Réinventer le tourisme. Sauver nos vacances sans détruire le monde », Edition du Faubourg, 2021. Sur Amazon

4e de couverture

Nous sommes tous des touristes qui supportons mal les touristes.

Il est fréquent de déplorer les excès et les des dangers du surtourisme, mais plus rare de proposer des solutions réalistes. Des solutions capables de concilier la protection de la planète et le développement d’un secteur économique devenu essentiel. Des solutions capables surtout de satisfaire les habitants de régions touristiques que nous sommes tout au long de l’année et les touristes que nous sommes durant nos vacances.

C’est à l’exigence de réinventer le tourisme que répond ce livre, à travers une série de mesures audacieuses et opérationnelles, certaines inédites, d’autres issues des nombreuses expériences qui se développent à travers le monde.

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