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Eveiller les cultures,

par Robert Richard, Ministre Plénipotentiaire

 

Au mois de juillet 2001, le sommet du G8 à Gênes a été marqué par la contestation de la mondialisation. Celle-ci rime souvent avec "américanisation". Dans ce contexte, comment la politique culturelle française peut-elle contribuer à la diversité des cultures du monde ? Après avoir été ambassadeur de France en Arabie Saoudite et au Brésil, Robert Richard apporte une réponse originale.

Biographie de l'auteur en bas de page

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La France, depuis longtemps, mène une politique ambitieuse pour développer ses relations culturelles dans le monde entier. Elle est, de loin, le pays qui y affecte les crédits les plus élevés. Depuis quelque temps, on note une tendance à la diminution de ces crédits sous la pression du ministère des Finances qui voit dans ce chapitre budgétaire une proie de choix quand il cherche à faire des économies. Ce serait regrettable que la France ne fasse pas l'effort financier nécessaire à une politique culturelle à laquelle son histoire offre un vaste champ d'expansion.

"Ayez confiance !"

L'Amérique Latine est une des régions où notre action culturelle bénéficie d'atouts de choix. La France n'y a jamais été une puissance colonisatrice. Aux XVIII et XIX e siècles, sa langue y était celle des élites, des dirigeants politiques et économiques. C'est Blaise Cendrars - Suisse naturalisé Français - qui lors de ses voyages au Brésil dans les années 1920 exhorta les Brésiliens à s'émanciper : "Cessez de vous conformer au modèle français. Ayez confiance en vous-même. Vous avez suffisamment de richesses intellectuelles et spirituelles pour créer une littérature autonome".

Voilà qui illustre le rôle qu'a pu jouer la France d'éveilleur de littératures nationales. Les Français ne se contentaient pas de diffuser leur littérature en en vantant les mérites à des élèves dociles. L'injonction de B. Cendrars a été entendue. C'est à la suite de son admonestation qu'est née une grande littérature brésilienne, bien qu'il ne faille pas négliger les auteurs du XIX e et du début du XX e siècles, entre autres Machado de Assis et Eullides da Cunha.

Traduire, éditer, diffuser

Cendrars - comme le Corbusier qui a aussi fait école au Brésil, en architecture - a été l'accoucheur d'une littérature. La France a joué un rôle majeur dans la traduction et la diffusion des œuvres littéraires brésiliennes. Des écrivains et des éditeurs français ont contribué à faire connaître dans le monde cette littérature brésilienne. Il faut citer, entre autres, les traductions dues à Roger Bastide des œuvres du sociologue Gilberto Freyre. Une autre illustration du rôle que jouent les éditeurs français est fournie par le cas de deux écrivains mexicains qui ont été traduits en français et publiés en France avant de l'être dans leur patrie. Avoir été publié à Paris leur fut un sésame chez eux.

Il est naturel que les Français fassent connaître leur culture dans le monde, mais il faut aussi qu'ils s'intéressent à toutes les cultures du monde. Plusieurs maisons d'édition françaises ont le mérite de traduire un grand nombre d'auteurs étrangers. Il arrive même que des écrivains étrangers n'acquièrent de notoriété dans leur propre pays qu'après avoir été traduits en français.

Une politique constructive

Il est vrai que la France n'est plus la principale culture de référence dans le monde et que la culture nord-américaine bénéficie du rang éminent que tiennent les Etats-Unis sur la scène politique mondiale (1). La politique française ne doit donc pas être d'exalter sa culture aux dépens d'autres cultures, ce qui serait dérisoire, mais d'inciter chaque pays à développer sa propre culture. La France doit être l'éveilleur des cultures du monde, comme l'a été B. Cendrars pour le Brésil moderne dans les années 1920. N'y a-t-il pas à Paris une "Maison des cultures du monde" ?

Robert Richard, Ministre Plénipotentiaire

Entretien avec Pierre Verluise

Note

(1) : "La fin du monde bipolaire signe l'arrêt de mort de l'altérité", Avant propos de S. Kruk et P. Petit, p. 14, in général Pierre-Marie Gallois, "Le consentement fatal", éd. Textuel, 2001.

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Biographie de Robert Richard, Ministre Plénipotentiaire

 

 

  1947 : Tunisie, stagiaire de l'Ecole Nationale d'Administration.

1950 - 1953 : Argentine, attaché commercial.

1953 - 1955 : Egypte, Arabie, Yémen, Koweït, Ethiopie, chargé de mission dans les pays de la Mer Rouge.

1957 - 1959 : Ghana, conseiller commercial.

1959 - 1960 : Pologne, conseiller commercial.

1961 - 1964 : Maroc, conseiller commercial.

1964 - 1967 : Chine, conseiller commercial.

1967 - 1973 : Italie, conseiller commercial puis Ministre plénipotentiaire.

1973 : Membre de la Délégation française à la Conférence d'Helsinki.

1974 : Délégué de la France au dialogue Euro-arabe.

1975 - 1977 : Ambassadeur de France en Arabie Saoudite.

1979 - 1981 : Ambassadeur itinérant dans les pays du Golfe et de la péninsule arabique.

1981 - 1984 : Ambassadeur de France au Brésil.

1984 - 1986 : Directeur d'Amérique à l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères, Paris.

Depuis 1990 : Président de France-Arabie Saoudite.

Ouvrages publiés :

. "L'économie chinoise", Paris, éd. Seuil, 1970.

. "Notes pour comprendre la Chine", Paris, éd. Seuil, 1972.

 

 

     

 

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