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Les déportations soviétiques de Lituanie,

par Philippe Edel, directeur des Cahiers Lituaniens.

Les déportés lituaniens de la mer de Laptev, en Sibérie.

Entretien de l’écrivain Vanda Juknaitė avec Rytė Merkytė

Pour comprendre les représentations géopolitiques des Pays Baltes, il importe d'en connaître l'histoire. Cette page présente sous la plume de Philippe Edel une mise en perspective des déportations soviétiques de Lituanie et le témoignage d'une lituanienne déportée au goulag, Vanda Juknaitė. Ce témoin raconte les conditions de la déportation en Sibérie, et la difficulté rencontrée au retour pour faire reconnaître celle-ci à ses compatriotes. Maintenant que la Lituanie est membre de l'Union européenne, les ressortissants des anciens Etats membres sauront-ils faire preuve de plus de curiosité ? Ce serait une bonne façon de construire une approche géopolitique de l'UE élargie.

Biographie de Vanda Juknaitė en bas de page.

Mots clés - Key words: pacte molotov-ribbentrop, 23 août 1939, alliance des totalitarismes nazi et commmuniste, adolph hitler, joseph staline, seconde guerre mondiale, zones d'influence, pologne, états baltes, lituanie, lettonie, estonie, soviétisation des pays baltes, soviétisation de la lituanie, terreur, extermination, déportation, assassinats, shoah, génocide juif, travaux forcés, vilnius.

La revue Cahiers Lituaniens, revue en langue française sur la Lituanie, est éditée par l'Association Alsace-Lituanie, 4 place Arnold, 67000, Strasbourg, France.

La revue Cahiers Lituaniens est publiée avec le soutien financier de la Fondation Robert Schuman (Paris) et avec le concours du Lietuvos Institutas (Vilnius) et de Lietuviskos Knygos (Vilnius)

 

Contexte historique et géographique des déportations soviétiques de Lituanie, par Philippe Edel, directeur des Cahiers lituaniens

Le 23 août 1939, l’Allemagne national-socialiste et la Russie soviétique signent un « pacte de non-agression », appelé pacte Molotov-Ribbentrop du nom des ministres des affaires étrangères des deux pays. Ce pacte est le véritable déclencheur de la Seconde Guerre mondiale. Il contient en effet plusieurs clauses secrètes, par lesquels les signataires se partagent des zones d'influence sur les pays qui se trouvent entre eux, dont la Pologne et les Etats baltes. Après l’attaque et le partage de la Pologne entre les deux Etats totalitaires à l’automne 1939, l’Armée rouge envahit la Lituanie en juin 1940. Le pays se voit transformé en une république socialiste soviétique à l’issue d’une manipulation pseudo juridique concoctée par Moscou. L’Etat lituanien indépendant est rayé de la carte politique du monde et ses institutions officielles absorbées par le pouvoir soviétique. Commence alors la politique de soviétisation du pays, de terreur et d’extermination de sa population. 

En treize ans, de 1940 – début de l’épuration soviétique en Lituanie – à 1953 – fin de la guerre de résistance contre le pouvoir soviétique –, la Lituanie perd près de 30 % de sa population. A l’automne de 1940, près de 5 000 personnalités du monde politique, économique, social et culturel sont arrêtés et expédiés dans les prisons soviétiques où ils sont finalement presque tous assassinés. En juin 1941 (une semaine avant l’invasion allemande), 23 000 personnes sont déportées en Sibérie par les forces de la police secrète soviétique, tandis que 50 000 Allemands de Lituanie partent en exode. De fin 1941 à 1944, 220 000 Juifs de Lituanie sont exterminés pendant l’occupation par l’Allemagne hitlérienne. En 1943-44, 10 000 personnes sont envoyées aux travaux forcés en Allemagne pendant que 60 000 autres Lituaniens fuient en Occident. En 1945, 140 000 habitants germanophones de la région de Klaipėda sont expulsés alors que, entre 1945 et 1946, plus de 200 000 habitants polonisants de la région de Vilnius fuient vers la Pologne. De 1945 à 1953, 250 000 Lituaniens sont déportés dans les régions orientales et septentrionales de l’URSS. De 1941 à 1953, près de 25 000 combattants de la résistance armée sont tués au combat, sous la torture ou fusillés, ainsi que 12 000 activistes et partisans du régime soviétique.  

Dans ce contexte, l’entretien de l’écrivain Vanda Juknaitė avec Rytė Merkytė sur les déportés lituaniens de la mer de Laptev (Cahiers Lituaniens n°6, 2005) constitue un témoignage important sur la lutte menée par le pouvoir soviétique contre ceux qu’il qualifiait « d’ennemis de classe » (Notons aussi dans le témoignage d'Aldona Graužinytė, « Cinq ans de déportation en Sibérie (1941-1946) », paru dans les Cahiers Lituaniens n°4, 2003).

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Date de la mise en ligne: juin 2006

 

 

 

Les déportés lituaniens de la mer de Laptev: une leçon d'histoire vivante.

Entretien de l’écrivain Vanda Juknaitė avec Rytė Merkytė, membre de la Confrérie des déportés de Laptev[i]

   

Mots clés - Key words: vanda juknaitė,  rytė merkytė, histoire de la seconde guerre mondiale, histoire des pays baltes, histoire de la lituanie, soviétisation, témoignage, histoire contemporaine, difficulté du témoignage, russes, soviétiques, arrestations, déportations d'enfants au goulag, mort au goulag, sibérie, iakoutie, intellect, patrie, éducation, caractère, persévérance, respect de soi-même, droits, frères de la forêt.

 

 

 

 

 

 

 

*

 

 

 

- L’expérience de la déportation pourrait bien être le patrimoine le plus important qu’ait été rendu à la Lituanie grâce à la liberté retrouvée. Pourtant, il semble que pour l’instant elle ne soit pas devenue le bien et l’expérience de tout le peuple, de la société dans son ensemble.

- Je ne pense pas qu’elle ne le soit pas devenue. Jusqu’au Réveil national[ii], personne ne savait rien sur la déportation. Quand les premiers livres ont paru, les gens les lisaient dans des coins perdus, et ils étaient bouleversés. Des amies de travail m’ont avoué que même avant, elles voulaient souvent me poser des questions, mais moi aussi je me taisais, je ne disais pas un mot.

- Pourquoi ?

- Je connaissais des personnes bien précises qui étaient chargées de moucharder ; de plus, personne n’aurait compris. Une institutrice m’a dit : « Ici aussi c’était dur, il n’y avait pas de beurre, nous mangions du pain avec seulement de la confiture. » Que dire à ce genre de personne ?

- Pourquoi, selon vous, les gens ne veulent-ils rien savoir sur cela ?

- Parce que ce sont des sujets pénibles. Et maintenant, c’est une période difficile. Les gens sont littéralement à bout.

- C’est surtout les jeunes gens qui ne trouvent pas de lien avec cette expérience.

- Je ne peux pas dire cela de tous. Hier, une amie m’a parlé de son neveu, âgé de vingt ans. Leur tante est morte ; elle avait habité dans le voisinage et  ils étaient très liés avec elle. Eh bien lui, il ne connaissait ni son prénom, ni son nom de famille. Il y a donc, c’est vrai, des gens, qui ne savent rien.

Mais d’un autre côté, le jeune fils des voisins de mon frère a écrit en sixième une rédaction sur le Nord : les traîneaux sur lesquels il se déplaçait, l’océan, les ours, les aurores boréales. Ils ont fait venir la voisine à l’école et l’ont interrogée : « Est-ce que vous étiez déportés ? D’où votre enfant sait-il cela ? » Ce jeune garçon était le camarade des enfants de mon frère. C’est par des chemins inconnus que les gens accèdent à ce savoir.

- Quand vous ont-ils (les Soviétiques - P.V) emmenée ?

- En 1941. Mon père était chef du district de Trakai ; il avait des informations selon lesquelles les Russes déportaient les gens. Nous avons déménagé à Panevėžys, où mes parents étaient peu connus. Ils pouvaient se retirer à l’étranger, mais n’ont pas voulu. Maman était institutrice. Ils l’ont envoyée à Šiauliai, pour les examens. A son retour, elle a vu dans la gare des wagons prêts. Elle est rentrée à la maison : plus de famille. On lui a dit que toute la maisonnée était partie souhaiter bonne fête au grand-père. C’était la saint-Antoine. Papa est resté chez le grand-père, mais maman et moi sommes rentrées à la maison, et à quatre heures du matin ils sont venus chez nous.

Maman a demandé aux soldats les papiers d’arrestation. Nous avons été les seules à obtenir le procès-verbal de déportation. Ils nous ont dit « En route », mais maman a répondu « Non, nous avons un délai de deux heures. » Pendant ces deux heures, nous avons fait nos bagages.

- Quel âge aviez-vous ?

- Neuf ans.

- Et votre frère et votre sœur ?

- Six ans et cinq ans.

- Votre père est resté en Lituanie ?

- Ayant appris qu’on nous emmenait, mon père est allé se livrer. Maman l’a vu par la fenêtre et s’est mise à crier : « Allez-vous-en, allez-vous-en, qu’est-ce que vous venez fouiner ici ? » Il voulait entrer par l’autre porte, maman a crié de nouveau. Elle faisait comme si un étranger rôdait autour de la maison. Mon père est parti chez le prêtre, pour lui demander conseil. Le prêtre lui a conseillé de suivre son destin, mais il ne l’a pas écouté. Il est allé vers les wagons et s’est livré quand même. Aussitôt ils l’ont isolé et emmené au camp. C’est là-bas que mon père est mort.

- Vous avez dit : « Pour moi, la Sibérie n’est rien par rapport à la perte de mon père. »

- La Sibérie est comme une maladie. On ressent son côté pénible, mais on ne voit vraiment son danger que quand l’un de ses proches meurt. La mort de mon père m’a aussi montré ce qu’était la Sibérie. De lui j’ai énormément reçu, je pense que c’était un homme hors du commun. Depuis mon enfance, j’ai toujours eu une santé très fragile. Quand j’étais malade, il me lisait des livres, il prenait soin de moi. Au moment où les déportations ont commencé, j’avais la diphtérie. Il fallait absolument que l’on me fasse une piqûre, mais moi, malade, capricieuse, je me débattais. Mon père était très compréhensif avec moi, il m’exhortait, comme ceci, puis comme cela, mais maman a dit au médecin : « Tenez l’enfant et faites-la. Il a répondu : «ce n’est pas possible, cela risque de la traumatiser.» Finalement on ne m’a rien fait, et je suis quand même restée en vie. J’ai regretté mon père toute ma vie. J’étais pareille à lui, j’avais le même caractère. Ma vie aurait pris une tournure complètement différente. J’avais besoin de conseils, j’aurais pu les avoir, et je ne les ai pas eus.

- Vous étiez une petite fille. Comment vous sentiez-vous en Sibérie parmi les gens, parmi les  enfants à l’école ?

- Mes sentiments étaient divers. A l’école primaire, nous étions deux tiers de Lituaniens. Par la suite, dans les plus grandes classes, nous n’étions plus qu’un ou deux. Chez les gens, nous ne sentions pas de haine. Mais nous étions privés de tout droit. Cela, nous le sentions fortement. Licencier, mettre en prison était tout à fait habituel. Quand ils ont licencié maman la première fois, elle est allée porter plainte au district. Une femme lui a dit : « Merkienė, on nous a emmenées pour nous faire mourir, et toi tu réclames tes droits ! » A Tit-Ary, le directeur de la fabrique de poisson battait les femmes, leur donnait des coups de pied et abusait d’elles. Mais ces choses ne sont pas intéressantes en elles-mêmes ; elles pourraient peut-être seulement montrer comment a grandi la résistance. En particulier celle des déportés de Laptev. Maman ne se courbait pas, ne se soumettait pas, elle était fière. J’ai toujours su qu’il faut défendre ses droits. Quant à nos maîtres et nos camarades de classe, ils ne nous marquaient pas de mépris.

- Est-ce que ce pays étranger n’est pas devenu votre patrie, une partie de vous, un pays familier ?

- Il l’est effectivement devenu pour beaucoup d’entre nous. C’était notre pays, à sa façon. Là où l’on vit péniblement, où l’on se bat, où on laisse une partie de soi. C’est une chance qu’un homme ait une tâche extraordinairement difficile, et qu’il en vienne à bout. Notre tâche était de survivre. Et nous l’avons accomplie. Nous avons fait notre devoir, et nos sentiments pour ce pays viennent de là. Il n’y avait guère de possibilités de survivre. La question n’était pas de savoir quoi enlever à un autre : personne n’avait rien…Nous nous soutenions les uns les autres. Les gens sans travail ou gravement malades n’avaient rien à manger. Il fallait leur apporter du poisson. Cependant, si on vous attrapait sortant de la fabrique avec du poisson, on vous mettait en prison. La prison était à quatre-vingts kilomètres, et on vous y conduisait à pied. C’était un morceau arraché à votre vie. La prison, nous n’en parlions jamais, même avec nos compagnons de là-bas.

- Est-ce qu’un homme peut tout endurer en étant seul ?

- Pas tout ; peut-être seulement ces épreuves personnelles qui sont différentes pour chacun. Ceux qui y vont pour rapatrier les dépouilles de leurs proches découvrent là-bas des gisements spirituels, des sensations, complètement différents. C’était un très beau pays, surtout pour les enfants qui grandissaient là-bas. Une jeune fille polonaise, avant de repartir, est allée au bord de la rivière ramasser des petites pierres comme souvenir. A son retour en Pologne, il est apparu que ces petites pierres étaient des diamants. Grâce à eux, elle a fini ses études. Tel était ce pays : nous avions des diamants sous nos pieds ; mais nous mourions de faim.

- Plus d’une fois il vous est arrivé d’entendre des déportés dire : la vraie Sibérie, nous l’avons connue une fois rentrés en Lituanie.

- Oui. Outre le fait qu’ici je n’avais pas de travail et qu’on me reprochait d’être une déportée, la Lituanie me paraissait une province.

- Après la Iakoutie ?

- Là-bas, c’était le pays de la déportation, où pendant des siècles on a conduit des intellectuels. Cela a laissé des traces. Là-bas on respectait les livres, on respectait l’instruction. Récemment, un petit groupe de Lituaniens qui voyageaient au sud de la Iakoutie, a souhaité visiter le musée de l’école. Pour la visite, l’instituteur est rentré à la maison, a mis son costume et sa cravate. Près de cette école se dressait un poteau portant des panneaux indicateurs : jusqu’au pôle Nord tant de kilomètres, jusqu’à Greenwich tant et tant. L’idée d’un panneau près de notre yourte à Rumšiškės[iii] vient de là-bas.

Malgré cela je suis rentrée complètement sauvage, je n’avais jamais entendu de musique symphonique en salle. Des membres de l’Académie des sciences m’ont conduite à un concert du chœur de Ernesachs ; moi, au bout de quelques chansons je demande : mais où est l’accordéoniste ? Après cela, ils m’ont longtemps taquinée avec cet accordéoniste. Nous nous sommes rendus dans le pays natal de Vienuolis[iv] ; et moi de songer : il y a en Lituanie un seul moine vivant, il faut vraiment aller le voir. Et malgré cela, la Lituanie me semblait une province. Peut-être avons-nous reçu de nos parents une morale, une culture plus élevées, puisque c’est l’élite qui était déportée.

-  Quand êtes-vous rentrée ?

- En 1957.

- Qu’est-ce qui manquait à la vie des gens qui étaient restés ici ? Qu’est-ce qu’ils ne comprenaient pas ?

- Nous trouvions les gens bien changés. Une fois rentrés, nous avons présenté un dossier au ministère de l’Instruction publique pour avoir du travail, et je suis allée chez ma tante à Panevėžys. Elle vivait dans des conditions très difficiles. Seule, institutrice, trois enfants, encore ses parents. Elle me donnait à manger à part, avec les meilleurs morceaux, et cuisinait séparément pour ses enfants. En Sibérie, nous n’avions rien, mais nous traitions tout le monde de la même manière. Une fois ma tante a écrit une lettre à maman : Rytutė arrive avec deux garçons et je ne sais lequel régaler, lequel est à elle. Aucun des deux n’était mon soupirant. Nous étions des amis de déportation, une fois rentrés nous avions du mal à nous adapter et nous tenions à rester ensemble. L’épuisement des gens était terrible.

- L’épuisement spirituel est particulièrement fort chez les gens aujourd’hui, jusqu’à l’indigence, et peu importe qu’il s’agisse d’un riche ou d’un intellectuel. A quoi cela est-il dû ?

- L’intellect était anéanti. Chaque personne restait dans sa coquille et se taisait. Maintenant je comprends que c’était un peuple occupé, enfermé en lui-même, mais à l’époque nous ne savions pas mettre un nom là-dessus.

- Que vous a pris la déportation ?

- Elle m’a tout pris, mon père, ma patrie, la possibilité d’apprendre. Peu importe que j’aie fini mes études, que les mathématiques m’aient été étrangères. C’est ma vie tout entière qui a été brisée.

- Que vous a donné la déportation ?

- Elle a forgé mon caractère, m’a donné la persévérance, la capacité à me battre et le respect de moi-même.

- Comment cela le respect de vous-même ?

- L’homme doit défendre sa personnalité, ses désirs, ses droits, je ne sais quels mots il faut employer ici. Il me semble que cela aussi est le respect de soi.

- Pourquoi ce respect a-t-il disparu chez les gens qui sont demeurés ici ?

- Là-bas, nous ne pouvions plus perdre grand-chose. Nous ne pouvions tomber plus bas que nous n’étions déjà. La flatterie ou l’hypocrisie n’avaient aucun sens. De toute façon, tous sans exception étaient forcés à travailler dans l’eau glacée. Mais ici, les gens voulaient tenir d’une manière ou d’une autre pour qu’on ne les déporte pas, qu’on ne leur prenne pas leur dernier bien, qu’on ne les chasse pas de leur travail. Là-bas, les Lituaniens ont obtenu de haute lutte une réputation exceptionnelle, celle de ne pas être des voleurs ni des débauchés, mais de bons travailleurs.

- Comment faire aujourd’hui avec le respect de soi ? Comment le rétablir ?

- Il me semble que c’est pour ce respect de soi que nos « frères de la forêt »[v] sont morts. Ils ne pouvaient vivre dans les conditions qui leur étaient imposées. Le respect des gens ne peut être entièrement rétabli que par l’Etat de droit. Les gens pour le moment n’ont personne à qui s’adresser, ils n’ont aucun moyen de se défendre. Et qu’un seul homme soit accusé à cause de tout cela montre le manque de respect de soi et de compréhension du peuple tout entier.

- Pourquoi la Confrérie s’adresse-t-elle aux enfants ?

- Beaucoup d’écoliers viennent près de notre yourte à Rumšiškės. Nous leur avons demandé un jour lequel d’entre eux savait quelque chose sur la déportation : la moitié de la classe a levé la main. Cela nous a encouragés. Le but de notre action est de lutter contre l’oubli du génocide. Nous voulons que les gens jugent monstrueux qu’un homme puisse être anéanti simplement parce qu’il appartient à tel ou tel peuple. Peu importe lequel, lituanien, juif ou croate. C’est essentiel, puisque les enfants sont notre avenir.

Traduit du lituanien par Jean-Claude Lefebvre

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Notes:

[i] Les rives de la mer de Laptev, en Sibérie septentrionale, furent l’un des grands lieux de déportation des Lituaniens.

[ii] Période de la perestroïka qui précède le rétablissement de l’indépendance de la Lituanie en 1990.

[iii] La yourte de Rumšiškės est un stand d’information sur les déportations soviétiques au sein de l’Eco-musée de Rumšiškės, près de Kaunas.

[iv] Vienuolis est le pseudonyme de l’écrivain Antanas Žukauskas et signifie moine.

[v] « Frères de la forêt » : nom des partisans qui luttèrent contre le pouvoir soviétique jusqu’en 1953.

   
     

Biographie de Vanda Juknaitė

   

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Vanda Juknaitė, née en 1949, auteur de prose et de théâtre, est loin d’être un écrivain prolifique, mais son écriture est d’une grande qualité. Des mots rares révèlent des expériences douloureuses. Sa nouvelle Le pays de verre (1995) a pour sujet le monde claustrophobe d’une famille dans laquelle la mère, soignant son nouveau-né malade, souffre d’un manque de communication autant avec son mari qu’avec son fils aîné. Ce dernier récupère des chiens errants, avec lesquels il semble avoir un meilleur contact qu’avec les humains. C’est un monde sombre, austère, pauvre en actions vers le monde extérieur.

Le livre le plus récent de Juknaitė Tu te trahiras. Par la voix (2002) est un recueil d‘essais et de documents. Le texte le plus important de ce livre relate son expérience lorsqu‘elle prit soin des enfants des rues. Le lien qu‘elle noua avec les enfants se développa en une relation durable : aujourd‘hui le destin de plusieurs d‘entre eux a pris une tournure dramatique. Comme un critique littéraire le souligna : "les enfants vivent dans les rues de la ville comme des bêtes dans la jungle, reconnaissant la loi du plus fort, apprenant à s‘adapter". La narration psychologiquement et socialement intransigeante suggère un problème social généré par la liberté post-communiste, le problème de l‘être seul et non protégé. 

[Extrait de « La nouvelle prose lituanienne (1989-2005) » de Laimantas Jonušy, paru dans les Cahiers Lituaniens n°6, 2005.] 

   
         

 

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