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Hongrie: 1956 / 2006,

par Thomas Schreiber, journaliste et écrivain   

 

Alors que se prépare le 50e anniversaire de l’éclatement de la révolution hongroise de 1956, Thomas Schreiber journaliste et témoin raconte ces jours historiques dans un premier article. Puis il présente dans un deuxième article la situation en Hongrie en 2006. L’auteur aborde tour à tour la situation politique, les problèmes économiques et sociaux, la politique étrangère de Budapest.

Biographie de l'auteur en bas de page.

 

23 octobre 1956 : l’éclatement de la révolution hongroise, par Thomas Schreiber

  Mise en ligne: octobre 2006

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Ce qui s’est produit en Hongrie (en octobre 1956 – NDLR) a été une insurrection nationale spontanée provoquée par des griefs de longue date dont l’un était la situation d’infériorité de la Hongrie par rapport à l’Union soviétique. 

L’insurrection a été dirigée par des étudiants, des ouvriers, des soldats et des intellectuels parmi lesquels il y avait de nombreux communistes ou anciens communistes. Les insurgés ont souligné que le socialisme démocratique devait être à la base de la structure politique hongroise et que la réforme agraire et d’autres réalisations sociales devaient être acquises. Il est faux que l’insurrection ait été fomentée par des milieux réactionnaires en Hongrie ou qu’elle ait tiré ses moyens de “milieux impérialistes” occidentaux. 

L’insurrection n’était pas préméditée et en fait, elle a surpris les participants eux-mêmes. (...) 

Pendant les quelques jours où a régné la liberté, le caractère populaire du soulèvement s’est manifesté par l’apparition d’une presse et d’une radio libres et par des manifestations d’allégresse parmi la population. (...)"   

(Extraits du rapport de la commission d’enquête de l’Organisation des Nations unies publié en 1957) 

                                                        ***

Les troupes soviétiques entrent en action

Envoyé spécial du “ Monde”, de l’”Express” et de la Radiodiffusion Française (l’”ancêtre” de Radio France) en Hongrie, j’ai pu constater le 31 octobre 1956 “ lorsque le crépuscule descendait sur Budapest, enveloppé de la fumée des combats qu’il était évident à tous que la démocratie populaire n’existait plus” (extrait d’un mes “ papiers”).

Mais avec d’autres correspondants occidentaux sur place je craignais déjà les conséquences encore imprévisibles de cette victoire inattendue des insurgés. Dès le lendemain, je signale à mes lecteurs et auditeurs l’inquiétude devant l’arrivée en Hongrie de renforts soviétiques massifs. A l’aube du 4 novembre 1956 les troupes soviétiques  entrent en action. Pendant une semaine des groupes insurgés militairement peu organisés, opposent une résistance héroïque aux blindés. Bientôt toute résistance est écrasée et le gouvernement légal n’existe plus. Son président Imre Nagy, suivi d’un certain nombre de ses conseillers et amis politiques se réfugie à l’ambassade de Yougoslavie avant d’être enlevé par les Soviétiques. Il est finalement condamné à mort et exécuté en juin 1958. Le cardinal Mindszenty obtient asile à l’ambassade des Etats-Unis, sans imaginer qu’il y passera quinze ans de sa vie...  

Le nouveau n°1 n’est pas un inconnu: Janos Kadar, après avoir cautionné au début de l’insurrection toutes les mesures prises par le gouvernement Nagy, telles que la fin du système de parti unique ou le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie deviendra - bon gré, mal gré, mais c’est une autre histoire ! - l’”homme des occupants”. 

Toutefois, revenir à la situation antérieure était impossible. Les crimes politiques et les graves erreurs économiques du  régime stalinien hongrois auxquels étaient associés les noms des anciens dirigeants rentrés en 1945 de Moscou avec l’Armée Rouge avaient été reconnus par les Soviétiques eux-mêmes. 

Consolider son pouvoir en retrouvant la confiance de la population, sans perdre de vue la restauration d’un régime socialiste, constituait pour Janos Kadar une politique lourde de contradictions. 

 

“La victoire d’une défaite“

Après une période de répression, Janos Kadar réussira à partir du milieu des années 1960 à instituer une sorte de modus vivendi entre la population et ses dirigeants. D’un côté cette population traumatisée par l’échec de la révolution y voit une occasion de “ composer “ avec un régime qu’elle devait accepter. De l’autre, Kadar semblait admettre que pour gouverner, on ne peut indéfiniment s’appuyer sur la  force en utilisant les “ méthodes administratives”, expression employée à l’époque pour parler de l’arrestation des opposants. Prise de conscience mutuelle d’autant plus remarquable qu’au même moment les dirigeants d’autres “ pays frères “ s’opposaient désespérément à toute “ libéralisation”. En fait, l’« exception hongroise » s’explique par l’impact de la révolution de 1956.Quelques années plus tard Janos Kadar, accusé au moment de l’écrasement de la révolution par le monde entier de pires forfaitures devient non seulement le leader charismatique d’un pays qui s’est éloigné des pratiques du stalinisme mais aussi un  interlocuteur privilégié des dirigeants occidentaux. En Hongrie, on commence à parler de lui comme de l’homme qui transforme en victoire la défaite de 1956. 

Pourtant,  les limites de la “ libéralisation” du régime sont tracées, même si la Hongrie peut être considérée selon une autre expression à la mode “ la baraque la plus gaie du camp socialiste”. Une fois admis que l’intérêt national ou plus exactement l’impossibilité de toute alternative exige le maintien et le développement des liens étroits avec l’Union soviétique, la Hongrie pouvait effectivement pratiquer sur le plan intérieur, une politique originale qu’elle comptait préserver dans toute la mesure du possible. 

Dès le milieu des années 1980, le problème de la succession de  Janos Kadar, malade et vieillissant est au centre de toutes les discussions au moment où l’arrivée au pouvoir à Moscou d’un certain Mikhaïl Gorbatchev annonce l’ouverture d’un nouveau chapitre dans l’histoire du "camp socialiste"... 

 

1988 - 1989, la roue tourne                      

En mai 1988  Janos Kadar quitte la scène politique déconsidéré; trop attaché à une certaine idée du socialisme, il veut freiner les réformes engagées au sein même du Parti avec l’appui chaleureux de Mikhaïl Gorbatchev...

Le 2 mai 1989 marque le début de la destruction du rideau de fer. L’ouverture de la frontière avec l’Autriche voisine permettra quelques mois plus tard à des milliers d’Allemands de l’Est de partir en Occident à travers le territoire hongrois.

Le 23 octobre 1989 est célébré le 33e anniversaire de la révolution hongroise et proclamation de la nouvelle République, deux semaines avant la chute du mur de Berlin. 

Une fois de plus, les Hongrois se révèlent comme les pionniers d’un grand mouvement libérateur. 

Et cela n’est pas sans rapport avec  les événements produits en octobre-novembre 1956 dans les rues de Budapest...

Thomas Schreiber

Copyright 20 septembre 2006-Schreiber / www.diploweb.com

 

 

Biographie de l'auteur en bas de page.

   

La Hongrie en 2006, par Thomas Schreiber

  Mise en ligne: octobre 2006

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La situation politique

La Hongrie est devenue membre de l'Union européenne le 1er mai 2004. Le passage d’un système totalitaire (même considérablement assoupli vers la fin) à une démocratie parlementaire à l’occidentale peut être qualifié de succès. Les institutions démocratiques fonctionnent et d’une manière générale la Hongrie a plutôt bien traversé les épreuves des années de transition. Pendant 16 ans, les élections législatives se sont déroulées sans incident. Le respect du pluralisme a été illustré par l’alternance, plus précisément la victoire de l’opposition  exprimant ainsi le mécontentement de la majorité de la population contre la gestion pratiquée par l’équipe sortante. Or une première reconduction d’une équipe au pouvoir depuis 1989 s’est produite en avril 2006 avec la victoire des socialistes (alliés aux libéraux du SZDSZ) sur les conservateurs. En fait,c’est le chef du gouvernement Ferenc Gyurcsany (44 ans) qui a pris l’avantage sur son rival Viktor Orban (42 ans) ex-premier ministre ( de 1998 à 2002) et chef de file du FIDESZ devenu un véritable “ conglomérat politique” du centre-droit. A remarquer qu’aussi bien Ferenc Gyurcsany (ancien secrétaire des jeunesses communistes devenu un homme d’affaires qui a réussi) que Viktor Orban, figure emblématique de la démocratisation mais qui  semble pratiquer aujourd’hui une politique plutôt populiste font partie d’une nouvelle génération, née après la révolution de 1956. Les faits et gestes de ces deux fortes personnalités dominent la scène politique: Ferenc Gyurcsany et Viktor Orban regroupent actuellement autour de leurs partis respectifs (le MSZP socialiste pour le premier et le FIDESZ pour le second)l’immense majorité de la population active. Près de 90 % des voix exprimées lors des dernières élections législatives (avec une forte participation de 67,4%) se sont portées sur les deux grands partis, auprès desquels les autres formations ne jouent qu’un rôle à priori insignifiant. En vérité, leur soutien peut se révéler indispensable pour l’adoption de telle ou telle loi nécessitant une majorité de deux tiers qui n’existent pas. 

 

Les problèmes économiques et sociaux

Pendant la dernière campagne électorale, aussi bien les socialistes que leurs adversaires du FIDESZ multipliaient des promesses inconsidérées pour remédier à la crise qui menace l’avenir du pays. En effet, l’aggravation du déficit public dépasse 8 % du produit intérieur brut, la pire performance parmi les membres de l’Union européenne. De l’avis général, la Hongrie est donc inéligible pour rejoindre la zone euro avant longtemps. A Budapest on parle même de 2012 ou de 2013. Au lieu de conjuguer leurs efforts, le pouvoir et l’opposition pratiquaient pendant cette campagne la surenchère, refusant l’idée (suggérée par plusieurs spécialistes économiques de réputation internationale) d’une grande coalition à l’allemande, impossible dans un pays politiquement aussi divisé qu’est la Hongrie en 2006. C’est donc dans un climat exécrable que le vainqueur des élections, le premier ministre Ferenc Gyurcsany, reconduit  avec une majorité confortable, a présenté fin juin 2006 un plan d’assainissement budgétaire, accompagné d’une série de réformes profondes. Elles touchent aussi bien la structure de l’administration publique en instaurant des régions aux dépens des départements  qu’exige la modernisation pays, que la réorganisation de la santé publique et de l’éducation nationale. Bien entendu, l’objectif prioritaire est une forte réduction des dépenses. Naturellement cette cure d’austérité comporte aussi une augmentation des recettes, de  nombreux licenciements dans le secteur public, etc. Les mesures adoptées par le Parlement  soulèvent depuis plusieurs mois de vives protestations et récriminations. L’opposition, mauvaise perdante  des élections exploite le mécontentement d’une partie importante de l’opinion, y compris celui de nombreux partisans de Ferenc Gyurcsany, en chute libre dans les sondages. Pourtant  les réformes  douloureuses - estime-t-on du côté du pouvoir -sont largement justifiées par la situation du pays. Quoi qu’il en soit, les observateurs ne dissimulent pas que les dirigeants actuels et en premier lieu  le chef du gouvernement portent une lourde responsabilité dans l’accueil hostile  réservé aux réformes. Ils ont manqué de préparer l’opinion publique à ce “ programme de redressement” pendant la campagne électorale en ne révélant pas toute la vérité sur l’état réel des finances du pays.- Les mois à venir s’annoncent donc  difficiles pour le pouvoir, d’autant plus que l’opposition n’a aucun “ plan B” pour remplacer le programme gouvernemental...

Les émeutes qui ont éclaté à partir du 18 septembre 2006 à Budapest pourraient encore davantage déstabiliser le pouvoir. A plus forte raison à l'issue des élections municipales programmées pour le 1er octobre 2006.

 

La politique étrangère: priorité aux pays voisins 

Environ dix millions de Hongrois habitent le territoire actuel du pays (93 200 km2) délimité après la Première Guerre mondiale par les vainqueurs. Le traité de Trianon a  privé la Hongrie des deux tiers de son territoire millénaire et repoussé plus de trois millions de ses citoyens (de souche hongroise) à l’extérieur de nouvelles frontières qui restent celles de la République de Hongrie actuelle. 

Pour des raisons évidentes, le sort réservé aux descendants de ces trois millions de Hongrois dans les pays voisins crée un problème de minorités particulièrement douloureux, mal vécu par tous, aussi bien en Hongrie qu’à l’étranger. 

Aujourd’hui, plusieurs des pays voisins avec des minorités hongroises sur leur territoire sont membres -avec la Hongrie- de l’Union européenne comme la Slovaquie, la Slovénie ou l’Autriche. On prévoit l’entrée de la Roumanie au plus tard le 1er janvier 2008, mais aucune date n’est encore fixée pour la Croatie, sans parler de l’Ukraine ou de la Serbie. Dans ces conditions, le développement des liens complexes avec les pays voisins constitue une priorité absolue des responsables politiques, toutes opinions confondues. On  observe depuis plusieurs années que d’une manière générale les  relations sont plus confiantes entre la majorité des citoyens d’origine hongroise des pays voisins lorsqu’un gouvernement  de droite ( particulièrement sensible aux “ compatriotes” “victimes du maudit traité de Trianon”)  est en place à Budapest qu’un gouvernement de gauche. C’est ainsi que la  “ reconduction” du gouvernement Gyurcsany est accueillie sans enthousiasme de la part des dirigeants des organisations hongroises au-delà des frontières. Pourtant le gouvernement actuel se préoccupe de leurs problèmes d’autant plus que ses liens se multiplient avec la région. L’avenir des relations avec les pays voisins est en 2006 au centre d’un grand débat dans les médias. Diplomates et stratèges parlent d’une réorientation nécessaire de l’ensemble des relations internationales de la Hongrie, en tenant compte des dures réalités. C’est ainsi par exemple que les liens avec la Russie devraient être plus étroits en raison de la dépendance en matière énergétique.

Quant aux pays occidentaux “ tous des amis politiques et partenaires économiques” - insiste-t-on à Budapest - il n’est pas question d’accorder un quelconque statut privilégié à tel ou tel membre de l’Union européenne. Pour ce qui est des Etats-Unis, leur avancée technologique suscite l’admiration mais leur prestige politique a énormément baissé : la politique étrangère américaine fait l’objet de critiques acerbes. Cependant, les Hongrois sont  reconnaissants à George W. Bush d’avoir fait un bref séjour à Budapest en juin 2006 pour apporter le salut de son peuple à l’occasion du 50e anniversaire de la révolution de 1956. Sans expliquer pourquoi à l’époque  ses compatriotes, tant attendus et espérés par  une nation en lutte, galvanisée par la propagande radiophonique  américaine, ne sont pas venus... 

Thomas Schreiber

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Biographie de Thomas Schreiber, journaliste, écrivain

   
   

Thomas Schreiber, né à Budapest est de nationalité française. Journaliste, titulaire de la carte professionnelle depuis 1954, il connaît bien  les pays d’Europe centrale et orientale. Ancien éditorialiste de Radio France Internationale, chroniqueur  de plusieurs journaux et revues, co-responsable de 1968 à 2000 de l’annuaire de la Documentation Française (“L’Europe centrale et orientale”), il est auteur  de nombreux livres consacrés à la région dont « La Yougoslavie de Tito » (Presses de la Cité); « Enver Hodja,le sultan rouge » (Lattès), « Les actions de la France à l’Est ou les absences de Marianne » (L’Harmattan)

T. Schreiber prépare un nouvel ouvrage sur les  aspects diplomatiques des bouleversements à l’Est en 1989-1991.

Il est professeur associé à l’Ecole Militaire Spéciale de Saint-Cyr/Coëtquidan.  

   
   

 

   

 

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