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Constitution de l'Union européenne: Quels pouvoirs aux peuples ? 

par le Recteur Gérard-François Dumont

 

Alors que l'année 2005 compte nombre de rendez-vous importants pour le projet de traité établissant une Constitution pour l'Europe, le diploweb.com remercie le Recteur Gérard-François Dumont de l'autoriser à mettre en ligne son éditorial publié dans le numéro 672 de la revue "Population et Avenir". Ce texte aidera chacun à mettre en perspective le propos. Dans le cas d’une ratification par les 25 pays concernés, celui-ci pourrait être effectif à compter de novembre 2006. Cependant, certaines mesures ne pourraient être effectives qu’en 2009, voire au-delà.

La biographie du Recteur Gérard-Francois Dumont est disponible en ligne.

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Après avoir été suspendu par une « querelle démographique »[1], le « traité établissant une Constitution pour l’Europe » a été signé à Rome le 29 octobre 2004. Approuvé dès la fin 2004 par la Lituanie et la Hongrie, il est en cours de ratification, par voie référendaire ou parlementaire, dans les autres Etats de l’Union européenne en 2005. S’il entrait en vigueur, quelle place donnerait-il aux peuples et aux populations des différents pays ? Pour répondre à cette question, il faut considérer successivement les trois instances du pouvoir européen.

Au Parlement européen, une démocratie représentative avec un plancher et un plafond

Le traité n’organise de nouvelles normes de composition du Parlement européen qu’à compter de la prochaine mandature, soit 2009. Le nombre de parlementaires par pays n’est nullement indiqué dans la constitution. Le Parlement étant « composé de représentants des citoyens de l’Union », la représentation de ces derniers « est assurée de façon dégressivement proportionnelle ». Le Conseil européen adoptera « à l'unanimité, sur initiative du Parlement européen et avec son approbation, une décision européenne fixant la composition du Parlement européen »[2].

Néanmoins, cette double décision doit respecter trois principes instituant un plancher et deux plafonds[3].

  • Le plancher fixe, en 2009, un nombre minimal de 6 députés par Etat membre ;

  • Le premier plafond tient à ce que : "Aucun Etat membre ne se voit attribuer plus de 96 sièges".                                  

  • Second plafond, le nombre maximal de députés pour la totalité du Parlement européen sera 750, soit un chiffre indépendant du nombre d’Etats-membres.

Par rapport à 2004, la fourchette du contingent de députés entre les pays les plus peuplés et les moins peuplés sera quelque peu réduite en 2009.

 

À la Commission, le nombre de membres limité aux deux tiers des pays

Selon la constitution, le nombre de commissaires de la Commission est dépendant du nombre d’Etats membres selon un calendrier en deux temps. "La première Commission nommée en application de la Constitution … est composée d'un ressortissant de chaque Etat membre"[4]. Par la suite, « dès la fin du mandat » de cette première Commission, elle sera « composée d'un nombre de membres égal aux deux tiers du nombre d'Etats membres »[5]. Donc, le nombre de Commissaires progresse au même rythme que celui des Etats membres, selon cette proportion des deux tiers.

En conséquence, il n'y aura pas de Commissaires pour certaines nationalités. Cette différence de traitement doit être atténuée par un système de rotation égale entre les Etats membres, quelle que soit leur dimension. Néanmoins, la règle des deux tiers pourrait être remise en cause par le Conseil européen statuant à l’unanimité[6].

 

Au Conseil, un double critère des effectifs des populations et du nombre d’Etats

À partir du 1er novembre 2009, les conditions d'atteinte de la majorité qualifiée[7], celle permettant de prendre des décisions s’imposant à tous, seront fondées sur deux critères et un concept.

  • Le premier est celui de l'égalité des Etats membres avec un nombre minimum d'Etats favorables à la décision. Mais ce critère de nombre d'Etats se dédouble. D'une part, le seuil est fixé à au moins 55 % des Etats membres. D'autre part, et en tout état de cause, il faut au moins 15 Etats membres favorables. En fait, cette deuxième sous-condition n’a qu’une valeur transitoire, avec l'actuelle composition de l'Union à 25 Etats membres. Dès la première adhésion supplémentaire, la disposition deviendra inopérante.

  • Le deuxième critère est celui de l'égalité des citoyens de l'Union : une décision ne peut être prise que si la population cumulée des pays l’approuvant représente un pourcentage d’au moins 65 % de la population totale de l’Union. Mais aucune disposition ne prévoit comment la population à prendre en compte sera établie ou modifiée.

  • En outre, la constitution introduit un concept de "minorité de blocage"[8], appliqué au premier critère, celui de l'égalité des Etats membres. "Une minorité de blocage doit inclure au moins quatre membres du Conseil, faute de quoi la majorité qualifiée est réputée acquise".

***

Au total, comme aux Etats-Unis, dans les trois principales instances de décision de l’Union européenne, la constitution mixe le souci de représenter d’une part les Etats en tant que tels, d’autre part les citoyens en fonction de leur poids démographique. Néanmoins, contrairement à la constitution américaine qui fixe des normes ne varietur, la constitution européenne laisse des décisions d’application au Parlement et au Conseil européens. En conséquence, dans le domaine institutionnel, la constitution ne met nullement fin aux marathons européens, ces longues réunions nécessaires pour parvenir à des accords[9].

Recteur Gérard-François Dumont

gerard-francois.dumont@paris4.sorbonne.fr

NDLR: Ce texte de Gérard-François Dumont a paru comme éditorial dans la revue Population & Avenir, n° 672, mars-avril 2005*.

http://www.population-demographie.org/infos4.htm 


[1] Gérard-François Dumont, « La Constitution européenne suspendue à une querelle démographique », Population & Avenir, n° 666, janvier-février 2004.

[2] Article I-20, § 2.

[3] Idem.

[4] Article I-26, § 5.

[5] Article I-26, § 6.

[6] Idem.

[7] Article I-25.

[8] Article I-25, § 1, 2e alinéa.

[9] Le présent éditorial a utilisé une étude de Romain ROCHAS, Chef de division honoraire de la Cour des comptes européenne, intitulée : « La représentation des Etats membres dans le processus de décision de l'Union européenne du traité d'adhésion au traité constitutionnel européen ».

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Date de la mise en ligne: fin mai 2005

         

 

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