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Le Sud veut compter à l'ONU,

par le Recteur Gérard-François Dumont *  

 

Alors que la réforme du Conseil de sécurité reste un sujet sensible, le diploweb.com remercie le Recteur Gérard-François Dumont de l'autoriser à mettre en ligne son éditorial publié dans le numéro 660 de la revue "Population et Avenir". Ce texte aidera chacun à saisir les enjeux démographiques et politiques d'un débat dont la dimension géopolitique n'échappe à personne.

La biographie du Recteur Gérard-Francois Dumont est disponible en ligne

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Voir une carte des contributions financières à  l'ONU

 

L’ONU a été créée en 1945 par 51 pays, dans un monde où le continent européen exerçait un pouvoir colonial sur une majeure partie d’un Sud[1] relativement peu peuplé. Près de soixante ans plus tard, après la croissance démographique due à la transition démographique[2], plusieurs grands pays du Sud demandent la reconnaissance de leur existence démocratique et de leur poids démographique dans le concert des nations.

Cinq Etats sont membres permanents du Conseil de Sécurité

24 octobre 1945 : la Charte de l’Organisation des Nations Unies entre en vigueur. Elle est ratifiée par 51 Etats parmi lesquels ne figurent ni les pays vaincus de la Deuxième guerre mondiale (Allemagne et Japon), ni la plupart des territoires ayant encore le statut de colonie. Cette Charte instaure un Conseil de sécurité disposant d’un pouvoir remarquable, puisque c’est le seul organe de l’ONU pouvant prendre des décisions que tous les membres sont tenus d’appliquer. Ce Conseil est constitué de cinq membres permanents et de six autres membres[3], élus pour deux ans par l’Assemblée générale et non immédiatement rééligibles. Les cinq membres permanents bénéficiant d’un droit de veto sont les vainqueurs de la guerre contre l’Axe, soit, en vertu de l’article 23 de la Charte : “ la République de Chine[4], la France, l’Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, et les Etats-Unis d’Amérique ”..

Ce poids privilégié que s’accordent cinq Etats peut se justifier par leurs victoires militaires, mais également par les populations qu’ils sont censés représenter. Au sens étroit, les membres permanents comptent 980 millions d’habitants[5], soit près de 40 % des populations du monde. Mais trois d’entre eux estiment représenter des populations beaucoup plus importantes. L’URSS se présente comme le mandant des populations de toutes les Républiques de l’empire soviétique. La France et le Royaume-Uni s’estiment le mandataires des populations de leurs colonies. Au sens large correspondant à la situation géopolitique de 1945, les membres permanents sont censés s’exprimer au nom de la grande majorité des populations du monde.

La question de la représentation équitable

Après la décolonisation et l’admission à l’ONU des Etats nouvellement indépendants, la question de la représentation équitable au Conseil de sécurité est mise à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU pour la première fois en 1979. Une décennie plus tard, l’implosion soviétique rétrécit à nouveau la représentativité démographique du Conseil de sécurité. Par une lettre datée du 24 décembre 1991, le président de la Fédération de Russie, Boris Eltsine, informe le secrétaire général de l’ONU que la Russie succède à l’Union soviétique au Conseil de sécurité. L’URSS parlait au nom de 281 millions d’habitants, la Russie n’en représente plus que 150 millions.  

Une réforme démocratique et démographique

En 1993, la 48e session de l’Assemblée générale de l’Onu décide de constituer un groupe de travail sur la question du conseil de sécurité. Ce groupe de travail n’ayant pas débouché, les demandes de réforme se renouvellent. À l’automne 2003, dans la foulée de la conférence de l’Organisation mondiale du commerce à Cancun, un “ triangle ” se met en place, un “ G3 ” comprenant le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. Ces trois pays demandent officiellement le 25 septembre 2003 une réforme des Nations Unies et des institutions multilatérales, justifiant leur attitude par le fait qu’ils sont trois démocraties de trois continents et donc que leurs dirigeants s’expriment au nom des populations qu’ils représentent. Ils expriment clairement qu’“ il est impensable de maintenir le Conseil tel qu’il est, sans représentation des pays en développement [6].

Quelle légitimité ?

Effectivement, la représentativité des cinq membres permanents continue à se détériorer. Ils comptent, en 2003, 1 846 millions d’habitants, moins de 30 % des populations du monde. Le G3 pèse à lui seul 1 290 millions d’habitants, 20 % des populations du monde. Si désormais on établit une projection moyenne à 2025, la situation laisse entrevoir la poursuite de la diminution de représentativité démographique des cinq membres permanents actuels d’origine, de 29 % en 2003 à 26 % en 2025.

Finalement, faute de représentativité, le Conseil de sécurité risque de voir sa légitimité s’affaiblir encore davantage. Il convient dès lors de procéder à la réforme du Conseil de sécurité, qui s’inscrit dans les logiques démographiques de la géopolitique mondiale du XXIe siècle. 

Recteur Gérard-François Dumont

* Editorial paru dans la revue Population et Avenir n° 660, novembre-décembre 2002, 9 rue du Faubourg-Poisonnière 75009 Paris tél/fax 33 (0)1 47 70 53 81

site http://www.population-demographie.org 

[1] Dans son sens général, ce terme concerne l’ensemble des pays n’ayant pas un indicateur de développement humain élevé, qu’ils se situent au nord ou au sud de l’équateur.

[2] Dumont, Gérard-François, Les populations du monde, Paris, Editions Armand Colin, 2001.

[3] Chiffre porté à dix par résolution du 17 décembre 1963.

[4] Nous sommes quatre ans avant la prise de pouvoir par Mao Zedong qui mettra entre parenthèse la présence de la Chine continentale à l’ONU et au Conseil de sécurité pendant treize ans.

[5] Selon les données disponibles de 1950, à défaut de données concernant l’année 1945.

[6] Celso Amorim, ministre brésilien des relations extérieures, Le Monde, 27 septembre 2003.

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Date de la mise en ligne: avril  2005

   

 

   

 

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