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www.diploweb.com Géopolitique et institutions de l'Union européenne

"L'Europe en quête de légitimité",

par Jean-Louis Quermonne

 

Pour dépasser le déficit démocratique des institutions communautaires, l'auteur propose une fédération d'Etats-nations. Voici ses arguments.
Mots clés - key words : jean-louis quermonne, presses de sciences po, débat sur la légitimité des institutions européennes, réforme institutionnelle, fédération d'états-nations, jacques delors, gouvernement européen, constitutionnalisation de l'union européenne, stratégie de contournement.   Ed. Presses de Sciences Po, coll. La bibliothèque du citoyen, décembre 2001, 128 pages.

Cet ouvrage participe du débat actuel au sujet de la légitimité des institutions de l'Union européenne. Que l'on partage ou non les postulats et la conclusion de l'auteur, il importe de le lire. Parce son argumentaire pourrait irriguer de manière sous-jacente le discours public à ce sujet dans les prochains mois. Cela tient en partie à la personnalité de l'auteur.

Professeur émérite des Universités en science politique, Jean-Louis Quermonne a notamment enseigné à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris. Il a récemment présidé le Groupe de réflexion du Commissariat général du Plan sur la réforme des institutions de l'Union européenne, dont les travaux ont été publiés par la documentation Française en 2000, sous le titre : "L'Union européenne en quête d'institutions légitimes et efficaces". Jean-Louis Quermonne fait aujourd'hui partie du groupe chargé d'établir la synthèse du débat sur l'avenir de la politique de l'Europe. Il est donc en mesure d'espérer influencer son évolution institutionnelle.

Références à Jacques Delors

Dans son avertissement, Jean-Louis Quermonne précise ainsi son projet et le courant dont il se réclame. "Partant des dysfonctionnements actuels des institutions européennes, il (ce livre) soulève d'emblée la question de sa légitimité politique. Et il s'efforce de la cerner. Au long de dix brefs chapitres, il lance des coups de projecteurs sur les différents aspects du problème. Et dans un but prospectif, il teste la solution susceptible de réunir le plus large consensus : le projet de fédération d'Etats-nations, dont la paternité revient à Jacques Delors." (p. 7) L'auteur se place plusieurs fois dans l'ouvrage sous le patronage de l'ancien Président de la Commission européenne (janvier 1981 - janvier 1985).

Déficit démocratique

Seule une lecture personnelle et complète de l'ouvrage peut permettre à chacun d'apprécier à sa manière les arguments par lesquels l'auteur construit son projet. On précisera seulement ici que l'un de ses postulats est le suivant : "[…] la réalité du déficit démocratique tient en réalité au vide que laisse sur la scène politique l'absence d'un gouvernement européen !" (p.27) "D'où le dilemme qui frappe aujourd'hui l'Europe de plein fouet : ou bien elle restera une organisation suspectée d'être le cheval de Troie d'une mondialisation sans retenue ; ou bien elle deviendra un gouvernement capable de la maîtriser." (p. 28). L'auteur ajoute un peu plus loin que ce gouvernement devrait être "à plein temps" (p. 62). Il précise les conditions nécessaires pour qu'il soit "performant", de la page 78 à la page 80, affirmant notamment qu'il convient de doter l'Union d'un leadership personnalisé.

Le traité de Nice, à l'origine de la Convention. Crédits: Ministère des Affaires étrangères

Au nom des peuples, mais sans eux

Au sujet de la légitimation du processus de constitutionnalisation de l'Union, l'auteur écrit : "[…] seule la légitimité politique des parlements (nationaux) réunis en Convention pourra apporter le surcroît de légitimité démocratique qui permettrait à l'Union européenne de réussir à la fois l'élargissement et l'approfondissement sans prendre le risque de voir les gouvernements nationaux désavoués par leurs peuples." (p. 85)

On n'ose pas imaginer que le souci soit ici de tenir à l'écart les peuples au nom et pour le bien présumé desquels les institutions européennes sont construites. Pourquoi ne pas utiliser la voie du référendum ? Les parlementaires nationaux seraient-ils plus prévisibles, voire plus "raisonnables" ? S'agirait-il ici d'une énième stratégie de contournement dont les usages précédents ont amplement creusé le présent déficit de légitimité des institutions européennes que l'on prétend par ailleurs combattre ? L'ouvrage de J.P. Magnette, "L'Europe, l'Etat et la démocratie" (éd. Complexe) indique pourtant les limites de cette manière de gouverner les peuples.

Une nouvelle répartition des compétences

J.L. Quermonne considère qu'il est aujourd'hui nécessaire d'établir une répartition des compétences plus explicite entre l'Union européenne et les Etats membres. "Il s'agirait d'abord de fixer, dans un texte de portée constitutionnelle, les objectifs assignés à l'Union […]. Il conviendrait, ensuite, d'instituer une séparation des pouvoirs entre les institutions de l'Union européenne tendant à distinguer l'exercice du pouvoir législatif, générateur d'une législation cadre, et du pouvoir exécutif. Il faudrait enfin que le Parlement et le Conseil européens disposent d'une instance appropriée, sans doute liée comme aux Etats-Unis à la Cour des comptes, pour évaluer la performance des politiques communes dans le domaine des compétences partagées. Et c'est sur cette base objective que, de façon pragmatique, pourrait s'établir un nouvel équilibre entre les rôles respectifs des Etats membres et de l'Union, fondé sur le principe de la subsidiarité" (p. 97-98)

Pour un gouvernement européen

La seconde composante du projet a trait à son caractère fédéral. L'auteur prône une fédération dotée d'un Parlement commun et d'un gouvernement. L'invention d'une fédération d'Etats-nations appelle l'institution d'un gouvernement mixte fondé sur une synergie fortement structurée entre la Commission et le Conseil. "Doté d'une administration légère, du type de celle que dirige déjà la Commission mais étendue à l'ensemble des compétences de l'Union, et assisté pour certaines tâches très ciblées d'un réseau d'agences autonomes, ce gouvernement devrait pouvoir disposer d'un service douanier et d'une police de l'air et des frontières. Surtout, un tel aménagement impliquerait la disparition progressive du cloisonnement entraîné par le système des piliers. Ce qui impliquerait le rattachement à la Commission, avec un statut particulier, du Haut Représentant pour la PESC et d'un éventuel "Monsieur Euro", ainsi que la cellule diplomatique et de l'état-major militaire actuellement positionnés auprès du secrétariat du Conseil."(pp.99-100)

Selon l'auteur, la fédération d'Etats-nations permet à la démocratie de s'épanouir aussi bien au niveau de l'Union européenne que des Etats membres, y compris la République Française. Position en contradiction avec celle défendue par l'historien Claude Nicolet.

Que l'on partage ou non la démonstration de J.L. Quermonne, son ouvrage a le mérite d'exposer une thèse qui a quelques chances d'influencer le cours du temps.

Pierre Verluise

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  Date de la mise en ligne : avril 2002
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