"Le Royaume-Uni de Tony Blair",

par la revue Pouvoirs

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Voir un graphique : Qui paie le "chèque" britannique ?

n° 93, éd. Seuil, 2000

Ce nouveau numéro de la revue française d'études constitutionnelles et politiques offre une vision renouvelée du Royaume-Uni. En effet, le Nouveau Travaillisme, la réforme de la Chambre des Lords, la réforme hésitante du système électoral sont quelques-uns des onze thèmes retenus. Le sommaire complet est présenté à la fin de ce compte-rendu.

Pour qui étudie l'Union européenne, il est instructif de lire l'article tout à fait stimulant d'Anand Menon, maître de conférences en politique européenne à l'université d'Oxford. Il se présente sous ce titre paradoxal : Triomphant malgré lui ? Le Royaume-Uni et l'émergence d'une Europe anglo-saxonne. L'auteur développe de manière argumentée une thèse inattendue : le Royaume-Uni influencerait plus qu'on ne le pense la construction européenne, fort d'une administration très au point et de son articulation avec la puissance américaine. Certes, l'ambiguïté de la classe politique britannique nuit à la valorisation de ces atouts, mais le Royaume-Uni semble tout de même en position de force, puisqu'il a finalement largement réussi à façonner l'intégration européenne en fonction de ses propres objectifs, notamment en matière de politique socio-économique et de défense.

Un système performant

Il est particulièrement important de comprendre les mécanismes administratifs créés pour promouvoir les intérêts et les conceptions britanniques - voire anglo-saxonnes - au sein de l'Union européenne. Anand Menon écrit : "Le Royaume-Uni a mis en place un système administratif très efficace pour représenter et défendre ses intérêts à Bruxelles. A travers le double mécanisme du secrétariat européen au sein du gouvernement européen à Londres et de la représentation permanente à Bruxelles (United Kingdom Representation UKREP), les dissensions interministérielles autour des positions à adopter sur les projets de lois de la Commission sont aplanies. Les représentants britanniques sont réputés pour leur présentation, au sein du Conseil des ministres de l'Union, de positions politiques cohérentes et soigneusement coordonnées. Londres a aussi mis en place des mécanismes efficaces pour rassembler des informations à propos de la Commission européenne et pour faire pression sur elle. L'UKREP se trouve au centre d'un réseau de collecte de données à Bruxelles qui fournit des informations nombreuses et opportunes sur les négociations en cours et les projets de loi de la Commission" (p.180). L'expérience du travail en équipe d'un personnel compétent, la conscience de la valeur de l'information et son utilisation coordonnée entre administrations et entreprises au service d'une stratégie cohérente sont des points forts.

T. Blair. Crédits: Ministère des Affaires étrangères, F. de la Mure

Un pays relais ?

La similitude des sensibilités sur les grandes questions économiques avec les Etats-Unis contribue à doubler le poids des atouts britanniques. Le Royaume-Uni joue dans l'enceinte européenne une partition généralement plutôt favorable aux thèses de Washington. Londres contribue également à ce que le marché unique européen s'ouvre aux produits et aux services américains. Dès lors, il n'est pas étonnant que la Grande-Bretagne accueille de 1951 à 1990 plus de 37 % des investissements américains à l'intérieur de tous les pays de l'Union européenne. A la communauté de langue s'ajoute donc une communauté d'intérêts vis à vis de l'Union européenne. Cette proximité de vue ne s'arrête pas à l'économie. En effet, la Grande -Bretagne jouit d'une influence certaine au sein de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord.

A bien des égards, cet article propose donc de stimulants éléments de réflexion pour penser un bilan comparatif des stratégies administratives, économiques et stratégiques des divers pays membres de l'Union vis à vis de l'Union européenne.

Plus généralement, ce numéro 93 de la revue Pouvoirs offre une vision actualisée d'un pays clé en Europe, comme en témoigne son sommaire:

. Royaume-Uni: l'exception européenne et le modèle européen , Jack Hayvard.

. Le Nouveau Travaillisme ou les ambiguïtés de la modernité, David Marquand.

. Dualisme au sommet: le Premier ministre et le chancelier de l'Echiquier, Richard Parry.

. La Réforme de la Chambre des Lords, Philip Norton.

. La réforme hésitante du système électoral de la Chambre des Communes, David, M. Farell.

. Devolution à tous les étages, Patrick Le Gallès.

. La Re-constitution de l'Etat-providence, Helen Fawcett.

. Le gouvernement travailliste, le patronat et les syndicats, Wyn Grant.

. Les droits de l'homme et l'"activisme judiciaire", Etienne Picard.

. Les conservateurs peuvent-ils gagner ? M. Charlot.

. Les politiciens face aux médias, Dennis Kavanagh.

. Triomphant malgré lui ? Le Royaume-Uni et l'émergence d'une Europe anglo-saxonne, Anand Mennon.

Enfin, ce numéro 93 de la revue Pouvoirs présente ses Chroniques, notamment les Repères étrangers du 1 er octobre au 31 décembre 1999 et la Chronique constitutionnelle française du 1er octobre au 31 décembre 1999. Pierre Verluise