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www.diploweb.com Géopolitique de la Russie : Vladimir Poutine, an III

6 ème partie : La question énergétique russe,

par Massada

 

L'axe Paris-Berlin-Moscou mis en évidence durant le premier trimestre 2003 pour s'opposer à l'intervention des Etats-Unis en Irak aurait-il une composante énergétique ? Début 2003, les Européens n'étaient pas - loin de là - les mieux placés pour accéder à terme aux immenses ressources naturelles russes. Affaire à suivre... entre fantasmes, prospections, prospective, commission(s) et rétro-commissions.

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Les groupes du complexe des ressources naturelles sont très actifs en Russie, parce que les enjeux économiques passent aujourd'hui par le politique. L'enjeu économique majeur est l'accès aux ressources naturelles. Le sol est la propriété de la Fédération. Le pouvoir fédéral veut que ces ressources soient exploitées, quitte à ce que les populations vivant là depuis des siècles reçoivent quelques subsides. L'essentiel pour le Kremlin est de promouvoir certains groupes aux dépens d'autres, avec des enjeux colossaux : or, platine, diamant, pétrole, gaz… Toutes les ressources stratégiques que l'on peut imaginer - et fantasmer - au niveau de la planète.

Au jeu du plus fin

Le jeu se déroule, pour l'essentiel, entre les Russes et les Américains. Les Européens peinent à peser véritablement dans ce domaine. Il y a eu au début des années 1990 certains partenariats avec des investisseurs européens : BP, Total, Elf… Certains de ces partenariats ont fait long feu. Des groupes qui avaient investi massivement se sont retrouvés minoritaires par certains jeux d'off-shorisation, de déplacement des actifs, de dilution de l'actionnariat par l'émission d'actions fermées aux Occidentaux … En 2002, les groupes européens sont assez peu présents dans la mise en valeur des ressources naturelles russes, même s'ils en assurent souvent le financement.

Le premier groupe pétrolier russe voici encore peu de temps était Lukoïl. Un autre groupe Youkos, s'est adossé pour son ingiénérie et la rentabilisation de son extraction au groupe Schlumberger, un groupe franco-américain. Schlumberger intervient plus comme un opérateur technique que comme un actionnaire. A part cela, il existe peu de partenariats. Total-Elf-Fina font des choses mineures.

Une affaire de tuyaux

D'un autre côté, il est vrai qu'en terme d'infrastructures, les pipe line acheminant le gaz et le pétrole de la zone russe ou plus largement post-soviétique vont déboucher plus ou moins à proximité de l'Europe.

La capacité d'extraction de pétrole est fortement à la hausse en Russie. Reste à savoir comment transporter ce brut à destination des pays consommateurs : les Etats-Unis, les Européens et l'Asie.

Une partie de ces pipes est proche de l'Europe. Par exemple Novorossirsk en Mer Noire, les pipes du Kazakhstan qui passent par le Caucase, ceux d'Asie centrale qui passent par la Caspienne puis l'Azerbaïdjan à destination d'une Turquie candidate à l'Union européenne, la remise en service des pipes qui débouchaient dans la mer Adriatique via la Croatie et le Monténégro, mais aussi les pipes qui conduisent en Mer Blanche et sur le golfe de Finlande à proximité de Saint-Pétersbourg. S'y ajoute un gazoduc à destination de l'Europe.

L'Europe est-elle la mieux placée ?

Même si l'UE est manifestement un marché consommateur, je ne crois pas que les Européens soient pour autant les mieux placés.

A l'automne 2002 s'est tenue à Washington une conférence russo-américaine autour de la question énergétique, en présence des opérateurs. Il est en train de se mettre en place un axe énergétique très fort entre les Etats-Unis et la Russie. Celui-ci viendrait à compenser l'axe Etats-Unis/Pays du golfe persique, en train d'être désavoué. Or, une défection de l'Arabie saoudite pourrait peser sur l'indépendance énergétique des Etats-Unis. On a observé durant le second semestre 2002 l'afflux de traders américains en Russie, cherchant de grosses livraisons de pétrole russe. L'acheminement pose problème. Il est possible que les sorties de pipes maritimes soient de plus en plus utilisées pour approvisionner des tankers à destination des Etats-Unis plus qu'à destination de l'Europe.

Quelle stratégie européenne ?

L'Union européenne est aujourd'hui engagée de manière stratégique dans l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale. Au-delà, l'UE n'a pas véritablement de stratégie vis à vis des Américains, des Russes ou d'autres zones. L'UE a une politique d'hésitation-consolidation. La Russie est parfois un objet de préoccupation dans ce processus, parce que Kaliningrad se trouve entre la Pologne et la Lituanie. En outre, l'intégration de la Bulgarie comme de la Roumanie dans l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord pose question par rapport à la Russie qui a maintenant le statu de membre observateur de l'OTAN. Pour autant, je ne crois pas que l'Union européenne ait véritablement une stratégie à l'égard de la Russie.

Voir une carte de Kaliningrad

Les pays membres s'entendent au coup par coup avec le Kremlin, plutôt dans un cadre bilatéral. En 2000, les Allemands et les Russes font un deal au sujet de la dette russe envers la RFA. En 2002, les Français et les Russes jouent leur partition au Conseil de Sécurité pour contrer les Etats-Unis au sujet de l'Irak...

Et la lutte contre la fuite ... des capitaux du pétrole ?

En 2002, le GAFI retire la Russie de la liste des pays de l' pour leur comportement en matière de criminalité financière. Ce qui est très surprenant. Il faut y voir un signe politique. Certes, la Russie a fait des efforts de traçabilité des flux financiers mais il reste à démontrer le caractère opérationnel de ces mesures. Existe-t-il, de surcroît la volonté politique d'être opérationnel aux dépens de groupes qui sont des soutiens ? Les affaires de fuite des capitaux qui ont fait la Une voici quelques années ont été généralement enterrées. Les accusés se sont exilés, puis sont parfois revenus en Russie. Il n'y pas eu de grand coup d'éclat dans la lutte contre l'argent sale.

Un geste politique

Il faut voir dans cette sortie de la Russie de la liste des pays dénoncés par le GAFI un geste politique. Dans la mesure où la Russie acceptent que les Etats-Unis stationnent leurs avions de chasse au Tadjikistan et au Kirghizistan pour faire la guerre en Afghanistan, il faut faire des concessions en retour. De la même manière, les Etats-Unis, puis l'Union européenne ont attribué courant 2002 le statut d'économie de marché à la Russie. Ce qui est très surestimé si l'on considère le système bancaire, les fonctions de contrôle de l'activité économique, comme les relations entre l'Etat et certains opérateurs privés.

"Allez voir ailleurs"

Ces gestes politiques ne sont pas sans risques. L'effet d'annonce peu contribuer à démotiver les personnes qui travaillent depuis des années au repérage des flux obscurs d'argent sale. Face à ce signe politique, cela a-t-il encore un sens de continuer à s'escrimer à lutter contre la criminalité ? Pourquoi prendre des risques physiques et professionnels ? Implicitement, les gouvernements occidentaux disent à leurs fonctionnaires :"Regardez ailleurs, il y a d'autres choses plus importantes".

Russie, sur la mer Baltique gelée, en décembre. Crédits: P. Verluise

On a l'impression que certaines transactions entre les Américains et les Russes amènent à revoir à la baisse certaines revendications en faveur de plus d'Etat de droit. Le 11 septembre 2001 a permis à Vladimir Poutine d'avoir les mains libres, par exemple en Tchétchènie.

Et la Chine ?

En matière pétrolière, il se développe également un axe russo-chinois. En effet, la Chine, puissance économique montante, a besoin de ressources énergétiques croissantes. Le charbon chinois ne suffit pas. Les grands gisements russes de Sibérie Orientale tournent leurs pipes non plus vers l'Ouest mais vers la Chine.

Il s'agit d'une nouveauté très significative. Cela peut contribuer au renforcement économique de la Chine, alors que l'économie russe n'est pas un compétiteur sérieux.

Il faut également prendre en compte le contraste démographique qui existe de part et d'autre de la frontière russo-chinoise. En Chine, la population est nombreuse et augmente encore.

En Russie, la population se raréfie, avec une situation de dépopulation. La mortalité augmente, l'espérance de vie fait piètre figure à moins de soixante ans, avec des abîmes descendants à 48 ans pour un homme travaillant comme mineur dans l'Oural… La natalité de la population slave décline alors que la natalité des populations musulmanes de Russie est plus dynamique.

Le manque d'hommes pour valoriser l'espace

Alors que depuis des siècles la politique russe consiste à occuper les terres vierges, à la fois pour être présente et pour valoriser le sol tout en évitant que d'autres n'en exploitent les richesses, il manque désormais les hommes nécessaires pour occuper et valoriser le sol. Cette politique multiséculaire se trouve démunie.

D'un côté du fleuve Amour, il y a des milliers de Chinois qui viennent tous les jours commercer en Russie et y élaguent les forêts pour en sortir du bois de construction.

De l'autre côté, une poignée de Russes, faisant peu de commerce, finalement peu actifs, perdus au milieu d'une immensité.

Questions

Il va y avoir des pressions énormes entre ces deux mondes. Quel sera l'équilibre? Dans quelle mesure la Russie sera-t-elle en mesure de contrôler sa périphérie? Le collapsus démographique va-t-il atténuer sa présence politique aux marges de l'Empire ? Qui en profitera ?

La Russie a mis en œuvre voici un an une politique visant à maintenir en place les émigrés russes dans les autres Républiques de la CEI. Peut-être parce que leur retour coûterait cher à la Russie, mais il s'agit souvent d'une population de haut niveau professionnel.

A moins que la Russie cherche à préserver par leur biais sa présence à la périphérie.

Massada

Entretien avec Pierre Verluise

Cette 6 ème partie marque la fin de l'étude :"Géopolitique de la Russie : Vladimir Poutine, an III".

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  Date de la mise en ligne: juin 2003
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