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L'ambivalence des relations Est-Ouest,

par Massada

 

Les attentats du 11 septembre 2001 semblent contribuer à une forme de rapprochement entre les Etats-Unis et la Russie, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L'événement ne doit pas faire oublier les tendances lourdes constatées depuis plusieurs décennies. Ce document met en perspective de manière inédite les relations Est-Ouest.

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  Comment expliquer les relations entre les pays occidentaux et la Russie ? Sur le fond, trois options : soit ils sont idiots, soit ils sont intéressés, soit ils sont dogmatiques.

Un paramètre à ne jamais oublier

Première grille de lecture de l'aide occidentale à la Russie : une grande naïveté dont on peut dire qu'elle confine parfois à de la bêtise. Des organisations internationales déversent depuis des années des millions de dollars en Russie sur des questions relatives au passage à l'Etat de droit ou à l'économie de marché. Ces fonds ont été pour l'essentiels mal utilisés, voire détournés par les autorités russes. Pour autant, ce détournement - notoire - n'existe que parce qu'il y a en face une absence de contrôle ou un refus de contrôle. 50 milliards du Fonds Monétaire International (FMI) ne sont pas sortis de Russie via une structure parallèle de la Banque centrale de Russie, passant pour partie par Evrobank à Paris, pour finir à la Banque de New York, sans que les responsables du FMI en sachent quelque chose.

Derrière de belles paroles

Deuxième grille de lecture de l'aide occidentale à la Russie : l'intéressement des systèmes ou des éléments qui les composent. L'exemple le plus illustratif de l'intéressement se trouve incarné par le système d'assistance technique des Etats-Unis à la Russie. Sous couvert d'une assistance technique, Washington conforte les intérêts des Etats-Unis, par exemple via les bourses. Ces bourses sont extrêmement bien ciblées, sur des professions considérées comme stratégiques. Beaucoup de ces étudiants vont dans les universités américaines. A un premier niveau, ils apportent leurs connaissances à la production universitaire. A un deuxième niveau, certains ne retourneront pas en Russie à l'issue de leurs études et continueront à enrichir intellectuellement un laboratoire de recherche ou une entreprise américaine. A un troisième niveau, un certain nombre d'agences américaines comme la Central Intelligence Agency (CIA) recrutent dans les facultés et renvoient ou non ces étudiants dans leur pays d'origine pour s'en servir comme source d'information ou d'analyse.

Russie, un marché. Crédits: Pierre Verluise

Autre exemple, un des programmes de l'agence de coopération des Etats-Unis - l'USAID - est ciblé sur les petites et moyennes entreprises dans le domaine de l'ingiénerie informatique, des software et des communications. Il vise à remédier à terme à des carences américaines en informations, en personnels comme en brevets. Alors que l'industrie de défense russe était très en pointe en matière de biotechnologie à des fins militaires, on peut penser que ces découvertes peuvent intéresser les Américains. Finalement, l'assistance technique se transforme ici en un drainage des intelligences et des compétences au profit du pays qui la finance et la conduit.

Corruptions

L'intéressement ne concerne pas seulement les systèmes mais aussi les individus qui en sont des éléments. Dans le passé, un certain nombre de rapports d'évaluation ont montré, pour d'autres pays, que des fonctionnaires internationaux fermaient les yeux sur des pratiques délictueuses en échange d'une commission. On peut penser que la Russie ne fait pas exception, mais il faudrait en fournir les preuves. Il arrive que sur des passations de gros marchés, un fonctionnaire prenne un pourcentage au passage.

D'autres, auront parallèlement à leur activité des parts dans un cabinet de conseil. Ils peuvent avantager celui-ci à l'heure du choix. Un français ayant une fonction publique et une compétence avérée sur la Russie est allé voir voici peu une organisation internationale pour proposer un projet dans ce pays. Il s'est entendu dire :"Préparez un projet. Vous avez la compétence, je suis le décisionnaire mais de surcroît actionnaire d'un cabinet. Nous nous arrangerons pour donner ce travail à ce cabinet". Décrypté cela signifie : "Je suis à la fois fonctionnaire d'une organisation internationale et actionnaire d'un cabinet qui répond à ses appels d'offre, donc j'ai la possibilité d'orienter ces appels d'offre sur mon cabinet".

Autre pratique, un expert consultant pour une organisation internationale et confronté à des difficultés avec les autorités russes avec qui il doit travailler pour réaliser ses objectifs, propose de lui même de payer le fonctionnaire russe en face de lui pour obtenir de lui les résultats qu'il souhaite, afin de montrer à l'organisation internationale qu'il a rempli son contrat et avoir de nouvelles missions. Progressivement se mettent en place des rapports de coopération-dépendance entre les parties. La partie russe, interrogée sur la compétence de cet intervenant dira :"Oui, il est excellent". Parce qu'elle est sûre de pouvoir se voir reverser clandestinement 10 ou 15 % du contrat. Ces pratiques existent ailleurs, mais en Russie en l'absence d'un Etat de droit fonctionnant, il existe de grandes latitudes pour que ces comportements prolifèrent.

Instrumentaliser la menace

Troisième grille de lecture des relations entre les occidentaux et la Russie : le dogmatisme. Il y a eu et il y a encore une volonté de dogmatisme, non pour comprendre mais pour légitimer les rapports entre les deux "blocs". A l'époque de la Guerre froide, il était de l'intérêt de chacun des deux blocs d'amplifier la nature de la menace que représentait l'autre partie. Ne serait-ce que d'un point de vue militaire, cela représentait la garantie de crédits pour beaucoup de personnes et d'activités. Amplifier la menace et la présenter ainsi aux yeux des politiques, cela permettait d'obtenir d'énormes crédits de recherche et de développement.

Aux Etats-Unis, les théories de la décision reçoivent à partir des années 1950 un certain nombre de crédits de la Rand Corporation et de l'Institute for Defense Analysis, qui sont des excroissances du Département d'Etat ou des différentes agences d'intelligence. Pour gommer le lien qui existe avec l'Etat, ces instituts accordent sur certains sujets des bourses de recherche à la National Science Fondation - l'équivalent en France du CNRS. Parce que ces thèmes font la part belle à une théorie de la dissuasion dont les militaires ont besoin pour expliquer qu'il vaut mieux continuer à s'engager dans la course aux armements dans des proportions démesurées, plutôt que de rester sur un seuil faible on l'on va se placer en tant que proie potentielle de l'autre bloc. Les deux blocs jouent ce jeu durant la Guerre froide. L'Université qui a théoriquement une fonction critique se fait en l'occurrence instrumentaliser, particulièrement aux Etats-Unis, parce qu'elle reçoit des subsides. Au vu des sources accessibles à la fin des années 1990, il existe un sérieux décalage entre la menace telle qu'elle était énoncée et ses réalités. A l'aube du XXI e siècle, il y a encore pour certains un intérêt à amplifier la menace représentée par la Russie, aussi bien sur le thème de sa faiblesse que de sa puissance. La réalité se trouve entre les deux.

Massada

Propos recueillis par Pierre Verluise

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Mise en ligne 2001

 

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