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www.diploweb.com Géopolitique "L'Europe et la globalisation", par Matthieu Périchaud

CHAPITRE 1 : Politique, médias et société

Partie A : Société de l'information ou société de la communication ?

Introduction - 2. Continuité et rupture de la pensée sur l'Europe - 3. Europe et globalisme - 4. La communication sur l'Europe - Conclusion et bibliographie
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Notre société moderne est souvent qualifiée de " société de l’information ". Pourtant, malgré la circulation permanente d’informations multiples (images, sons, textes, données statistiques, etc.), par des procédés fort nombreux (médias classiques, multimédia, Internet, etc.), ne serions-nous pas plutôt dans une " société de la communication " ?

1/ Communication politique, information et désinformation

Le discours politique symbolise, peut-être plus qu’aucun autre, le lieu de rencontre entre les intérêts individuels et les intérêts collectifs. Un tel discours est en effet censé toucher l’individu, à la fois en tant que personne et en tant que membre de la société. Parallèlement, ce discours soulève un problème particulier : c’est certainement en politique que la confusion entre information et communication peut être la plus dommageable.

Pour cette raison, il nous semble nécessaire de rappeler brièvement la différence existant entre ces deux notions. On peut effectivement observer, à l’égard des notions d’information et de communication, une ambiguïté majeure entre la théorie et la pratique.

Information ou communication ?

Si l’on s’en tient à l’origine de ces deux mots , information, informare en latin, signifie constituer dans sa forme propre, mettre en forme ; communication, provenant également du latin (communicare), signifie rendre commun, mettre en commun. Notons que ces deux définitions ne tiennent pas compte du caractère objectif ou non des données ou faits rapportés. Comme le rappelle Daniel Bougnoux : "Information qualifierait le message qui voyage dans un seul sens (de l’émetteur au récepteur sans feed-back), communication, l’échange réciproque entre les partenaires. Si information + interaction = communication, cette dernière semble préférable et, à coup sûr, plus sympathique." (1)

Précisément, la communication semble a priori préférable à l’information puisqu’elle sous-entend une interaction entre les émetteurs et les destinataires du message.

En pratique, ces deux termes se différencient autrement. Si l’on s’attend en effet à une certaine objectivité ou neutralité dans l’information, il n’en est pas de même pour la communication.

Ainsi, cette dernière a pour fonction de présenter des faits dans un sens voulu par ses promoteurs ou ses commanditaires. Dans ce contexte, l’important n’est donc pas l’information brute mais l’interprétation, le sens qu’on lui donnera, et les effets produits sur le comportement du récepteur. Et Guy Durandin d’affirmer : " il se développe actuellement ainsi, sous le générique de "communication", une nébuleuse formée par la communauté de méthodes entre la publicité, la propagande et les relations publiques. " (2) Cette définition semble tout à fait appropriée pour qualifier la communication politique.

Communication et politique

Communication et politique sont deux termes indissociables dans la mesure où la vie en société, qui est un des attributs essentiels de l’homme, implique nécessairement une communication entre les citoyens ou membres de la communauté. Communication des gouvernants vers les gouvernés, mais aussi des citoyens vers leurs dirigeants.

Cependant, la communication et le discours politique, tels qu’ils nous intéressent dans cette étude, concernent d’abord et avant tout les dirigeants.

Or, on retrouve bien dans cette communication politique les trois éléments relevés par Guy Durandin. D’abord la publicité, inhérente au discours politique, et dont le but même est de rendre publiques les idées et propositions de son auteur. Cette publicité politique peut être directe (par exemple, affiches et tracts lors de campagnes électorales) ou indirecte (par l’intermédiaire notamment des médias, qui relaient le message). Ensuite la propagande, qui fait partie intégrante de la communication politique.

On peut définir la propagande comme un ensemble de techniques ayant pour but d’exercer une influence sur les personnes auxquelles elle s’adresse. La propagande ne doit pas systématiquement être considérée comme négative. Il s’agit simplement d’un procédé dont usent tous les politiques, avec plus ou moins de succès et de finesse, et dont les moyens n’ont cessé de se perfectionner, au risque de laisser accroire qu’elle aurait aujourd’hui disparu.

Enfin, les relations publiques sont non seulement une des clés de la réussite en politique, mais aussi une forme de communication : il s’agit bien pour tout homme politique de se présenter sous son meilleur jour et d’attirer le plus de soutien et de sympathie possibles.

Il est de coutume de distinguer trois types de communication politique : propagandiste, dialogique et marketing.

La communication propagandiste

Longtemps dominante, elle revient à utiliser tous les moyens pour convaincre le public, en faisant appel, non pas au raisonnement et à l’intelligence de chacun, mais plutôt aux idées préconçues, aux pulsions et passions humaines.

Ce type de communication, analysé entre autres par Serge Tchakhotine (3), est, dit-on, rarement utilisé de nos jours, du moins aussi ouvertement qu’il le fut au début du XX e siècle. La réalité est toutefois plus complexe avec, selon Alexandra Viatteau (4), le retour en force du " collectivisme ludique et festif comme instrument de combat politique. "

La communication dialogique

C’est certainement la forme idéale du discours politique, dans la mesure où il s’agit d’engager un réel débat, un échange d’opinions afin de susciter la réflexion et la contribution de chacun à la chose publique.

Elle reste très rare puisque les leaders politiques répugnent à l’idée d’instaurer une discussion d’égal à égal avec les premiers venus. Cette réticence trouve principalement sa source dans le fait que les hommes politiques, face au manque de temps et à l’abondance des problèmes à traiter, accordent plus que jamais aux médias le rôle d’intermédiaires obligés (filtres et courroies de transmission à double sens) entre eux-mêmes et la population.

La communication marketing

Précisément, le rôle des médias nous amène à la forme dominante de communication politique, la communication marketing. Avec ce que l’on appelle également la nouvelle communication politique, les dirigeants auraient tendance à privilégier, dans leur rapport avec les citoyens, l’image sur le texte, la forme plutôt que le contenu.

S’il y a toujours eu une mise en scène de la politique, il faut bien reconnaître que l’intrusion des techniques de marketing, des conseillers en communication issus d’agences de publicité, etc., n’a fait qu’accroître la suprématie de l’image en politique. Selon Erik Neveu : "la notion de " communication politique " est née des nécessités de pratiques professionnelles : celles des hommes politiques, attentifs à maximiser leurs chances, à s’adapter à de nouveaux médias ; celles des publicitaires, soucieux de trouver de nouveaux champs d’action, de pénétrer dans une sphère d’activité longtemps tenue pour plus " noble " que celle de la marchandise. De ces points de vue, la " communication politique " fonctionne comme un art complexe, de la parole et de la mise en scène. Il s’agit d’être vu et d’être bien vu, de parler mais aussi d’être écouté, entendu, convaincant." (5)

Cette forme actuelle de communication politique, parce qu’elle est élaborée prioritairement en fonction des médias, s’adapte aux pratiques de ces derniers et fait donc appel aux mêmes procédés.

Or, comme nous l’avons souligné précédemment, la propagande pure, abrupte, n’est plus utilisée de nos jours en Occident, du moins sous sa forme connue, ne serait-ce que parce que la population est mieux éduquée, plus alertée sur les enjeux de société.

La logique de l’instantanéité

Les travers attribués aux médias se retrouvent inéluctablement dans le discours politique médiatisé : manque de recul pour traiter les informations, nécessité de réagir quasi instantanément et d’avoir une opinion sur chaque chose, sans pour autant en maîtriser tous les paramètres.

Les principales conséquences en sont une simplification du discours, un certain travestissement de la réalité, une confusion entre information et communication. Et cette confusion se retrouve évidemment dans le discours politique.

Que penser, par exemple, de ce commentaire de Jack Lang, lors du conflit kosovar : " Ce n’est pas seulement une bataille militaire, c’est aussi une guerre psychologique. Il faut que le Parlement soit un organe de communication - non... disons d’information -, vers l’opinion publique. "(6) ?

Ce lapsus nous montre en effet à quel point la communication des hommes politiques peut être transmise aux médias, et éventuellement transformée par ces derniers, pour apparaître alors au grand public comme de l’information véritable.

Comme nous l’avons déjà précisé, la communication n’est donc pas neutre. Cependant, cette objectivité, qu’en théorie, l’on est en droit d’attendre de l’information, n’existe jamais totalement. Là encore, le discours politique est, au même titre que l’information, soumis aux lois médiatiques en vigueur. Or ces dernières sont principalement caractérisées par deux phénomènes complémentaires, la désinformation et la surinformation.

Désinformation et surinformation

La désinformation consiste, selon Guy Durandin, en " un ensemble de mensonges organisés, à une époque où les moyens d’information sont fort développés. " (7) Cette définition complète celle de Roland Jacquard, pour qui il s’agit de " l’ensemble des techniques utilisées pour manipuler l’information tout en lui conservant un caractère de crédibilité, afin d’exercer une influence sur le jugement et les réactions d’autrui. " (8) Ceci nous renvoie directement à la propagande, qui, sous sa forme mensongère, est un des procédés de désinformation utilisés en politique.

Plus encore qu’à la désinformation, sous forme de mensonge direct ou indirect, c’est à la surinformation que nous sommes tous confrontés, et les hommes politiques non seulement n’y échappent pas, mais ils y prennent part.

La surinformation

Cette regrettable dérive peut se définir comme la conséquence d’une surabondance de sources, d’informations visuelles, écrites ou sonores, qui loin de nous apporter objectivité et véritable compréhension des événements, sème la confusion, le doute, voire l’indifférence.

Parallèlement, la répétition constante et quasi incantatoire des mêmes informations (ou désinformations d’ailleurs), et ce sur tous les supports médiatiques, accroît le malaise. Notons que cette confusion atteint les médias eux-mêmes, comme le dénonce Ignacio Ramonet :"[…] plus les médias parlent d'un sujet, plus ils se persuadent, collectivement, que ce sujet est indispensable, central, capital, et qu'il faut le couvrir encore davantage en lui consacrant plus de temps, plus de moyens, plus de journalistes. Les médias s'auto-stimulent ainsi, se surexcitent les uns les autres, multiplient les enchères et se laissent emporter vers la surinformation dans une sorte de spirale vertigineuse, enivrante, jusqu'à la nausée." (9)

Noyés dans la multitude des nouvelles quotidiennes, les faits les plus importants peuvent alors nous paraître anodins, faute de connaître le contexte et de prendre un recul indispensable, recul que la logique de l’instantanéité ne permet pas d’obtenir.

Une surinformation sélective

Ainsi, comme n’importe quel citoyen, l’homme politique ne maîtrise pas toutes les dimensions des enjeux et problèmes de société, même s’il est surinformé (nous aurons ultérieurement l’occasion de revenir sur les avantages et inconvénients du rôle de l’homme politique).

Cependant, le mythe de la surinformation est lui-même mensonger car un nombre impressionnant d’informations importantes ne sont pas portées à la connaissance publique par les médias, qui ne surinforment que sur des sujets limités et présélectionnés. En cela, les hommes politiques sont-ils peut-être mieux lotis que la "masse", s’ils ont accès à un réseau d’informations "réservées".

Uniformisation du discours politique

Pour conclure, l’interdépendance entre le politique et les médias, telle que nous l’avons soulignée précédemment, associée à la désinformation et à une surinformation contrôlée, pose le problème de l’uniformisation du discours politique et médiatique en général.

L’on constate en effet que, de plus en plus, les programmes et analyses politiques convergent, les traditionnelles différences entre gauche et droite s’estompent, tandis que le traitement de l’information par les médias apparaît toujours plus conforme à certaines valeurs de la communication collective.

Cette uniformisation du discours et ce conformisme politico-médiatique se rejoignent dans ce qu’on a désormais l’habitude de nommer la " pensée unique ", à ne pas confondre avec le " politiquement correct ".

2/ La pensée unique

L’uniformisation du langage, tant politique que plus généralement médiatique, ne va pas sans poser de nombreuses interrogations et ambiguïtés quant à la signification même des expressions " pensée unique ", " pensée correcte ", " pensée conforme " ou " politiquement correct "...

Ainsi, ces dernières sont trop souvent considérées comme équivalentes, peut-être parce qu’elles renvoient toutes à l’idée que nous sommes trompés, manipulés, ou du moins pas sérieusement informés. Le fait est qu’elles sont précisément devenues très médiatiques, malgré leur utilisation quelquefois hasardeuse.

Cependant, le flou et le doute subsistent lorsqu’il s’agit de les définir ou encore d’en déterminer les origines. Il faut surtout distinguer la pensée unique du politiquement correct.

Politiquement correct : un langage aseptisé

On peut considérer que l’expression " politiquement correct " est apparue bien avant celle de " pensée unique ". Depuis le milieu des années 70, le politiquement correct s’est en effet développé, sans être réellement nommé ainsi, dans les pays anglo-saxons, et prioritairement aux Etats-Unis.

Son origine est fort simple : dans le contexte d’une société américaine fondée sur l’individualisme et le libéralisme (ici dans le sens de respect des libertés de chacun), les innombrables lobbies, corporatismes et associations, tels les mouvements sectaires, les associations antiracistes, de défense de la population afro-américaine, de défense des homosexuels, etc., ont agi de toutes leurs forces pour empêcher l’utilisation de certaines expressions, considérées comme discriminatoires à leur endroit, et à l’inverse, favoriser l’emploi de termes plus "appropriés".

Constatons parallèlement que ce phénomène est largement à l’origine de la communautarisation des sociétés occidentales, où la défense du bien public passe de plus en plus par la défense d’intérêts catégoriels…

Tant par divers moyens de pression (politiques, financiers ou culturels) que par le recours à la justice, cette tendance s’est à ce point développée que les médias, non seulement s’en sont fait les porte-parole, mais également les premiers défenseurs. C’est à ce titre qu’ils sont devenus les principaux véhicules du politiquement correct.

Ce courant a peu à peu essaimé partout en Occident, et particulièrement en France. Il faut toutefois préciser qu’il n’y a pas une seule forme de politiquement correct. Chaque pays, chaque société l’adapte en fonction de critères subjectifs et du contexte national.

Un langage dépolitisé

Concernant la France, le politiquement correct est loin d’y être cet exercice de style, cette précautionneuse politesse à la limite de l’hypocrisie que l’on peut observer dans les pays anglo-saxons. Du moins, il n’est pas que cela.

Le politiquement correct qui sévit en France participe, en réalité, de la dépolitisation du langage médiatique. De plus, ce langage conduit à dépolitiser les hommes politiques eux-mêmes. Comme le souligne François Brune (10): "Trop soucieux de son image médiatique, tout occupé à innocenter son pouvoir, celui-ci [l’homme politique] finit par faire douter de l’action politique elle-même. Trop de responsables préfèrent le langage qui s’apitoie au discours qui analyse. On entend trop déplorer le sort des exclus, pas assez dénoncer les mécanismes de l’exclusion. Cela conduit à une double dépolitisation de l’opinion : qu’elle soit complètement mystifiée ou qu’elle bascule dans l’incrédulité totale, elle demeure sans prise sur la réalité politique qui la concerne."

Le politiquement correct accélère " l’exclusion civique " et la désappropriation des citoyens de leur capacité à comprendre le politique, et à l’influencer en conséquence. Pire, l’utilisation de certains mots, de certaines expressions, tend à faire croire que le bon fonctionnement d’une société n’est pas du ressort premier de la volonté politique. Peut-être est-ce désormais le cas… ?

Comme nous le verrons ultérieurement, on peut en effet s’interroger sur cette volonté, de même que sur la marge de manœuvre des politiciens.

Des mots détournés de leur sens

Des mots tels que " consensus ", " rassemblement ", " dialogue ", " morale ", " démagogie " ou encore, " communication " n’ont pas (plus) vraiment la signification que veulent bien leur prêter les médias ou les politiques.

François Brune relève judicieusement que le terme " consensus ", par exemple, " jouit lui-même d’une considération usurpée. Il se veut le point culminant de la démocratie, celui où tous s’accordent sans que personne soit forcé ; en réalité, il en est la falsification. L’idéologie du " consensus " vise à éliminer dans tous les domaines l’opposition, le débat, la délibération proprement politiques. Elle présuppose l’existence secrète d’un assentiment collectif qu’il suffit de " révéler " pour que chacun s’y rallie. "

Déresponsabilisation de l’individu

Le politiquement correct produit donc un langage aseptisé, où la dimension de l’homme est plus que secondaire : il ne se domine pas, tout est " naturel " (" c’est ainsi, et on n’y peut rien... ", " il faut tenir compte de la réalité ", " l’évolution est irréversible ", etc.).

Le langage de la morale est également détourné de son sens réel, pour légitimer des choix et des politiques parfois discutables, mais présentés comme des évidences. De surcroît, l’usage de termes religieux (" excommunication ", " anathème ", " grand-messe ", etc.) accentue le caractère insaisissable et mythique d’une sphère politique qui serait au-dessus des gens, qui serait incontrôlable.

Pour illustrer cette confusion du politique et du religieux, citons le chroniqueur Alain Duhamel : " Les souverainistes de tout poil (...) anathémisent méthodiquement chaque instrument du libéralisme. (...) Les catéchistes et les catéchumènes de la foi libérale (...). " (11)

Le triomphe du techno-scientisme

Enfin, l’utilisation d’un langage économiste et scientifique renforce le caractère mécanique, arithmétique de la politique. Comment ne pas se dire, lorsque l’on entend des phrases comme " les marchés ont tranché... ", " l’opinion publique pense que, soutient que... ", " les sondages confirment... ", que l’on n’a plus de prise sur le réel, que décidément, " la politique, c’est les autres " ? Ou pire, que c’est une masse totale autre que nous-mêmes (une seule opinion publique, et qui n’est pas forcément la nôtre) ? Comment s’étonner que les citoyens pensent que cela ne sert plus à rien de voter... ?

Autre conséquence, le langage technocratique enferme toujours plus les citoyens dans l’idée qu’il faut faire confiance à "ceux qui savent", aux spécialistes. Pour François Brune, " A ce langage appartiennent les chiffres, les statistiques, les pourcentages qui dépossèdent les citoyens de ce qu’on peut appeler une conscience existentielle de la situation politique. "

Le politiquement correct ne peut absolument pas être confondu avec la pensée unique parce qu’il en est seulement un des outils de propagation et de propagande.

Une pensée française ?

Le phénomène de la pensée unique est plus récent, puisque cette expression apparaît seulement au début des années 90. Il est important de souligner que, contrairement au politiquement correct, la pensée unique semble essentiellement "franco-française" (en apparence seulement).

On distingue deux courants principaux à l’origine de l’expression, courants tout à la fois distincts et complémentaires : le premier considère la pensée unique comme un phénomène typiquement français, caractérisé par une emprise des gauchistes ex-"soixante-huitards" sur la scène politico-médiatique ; le second courant définit la pensée unique comme le résultat de la suprématie de l’économique sur le politique, du néolibéralisme triomphant et de la globalisation "heureuse" (12).

Notez que nous utilisons plutôt le terme " globalisation " à celui de " mondialisation " car, comme le relève judicieusement Viviane Forrester, " " Mondialisation ", synonyme de " globalisation ", n’est employé qu’en France. Il bénéficie d’un petit cachet cosmopolite chic et libéré…tout à fait usurpé. S’il indique bien un caractère hégémonique, il ne sous-entend pas inconsciemment, comme le terme de " globalisation ", cette volonté non seulement de conquérir, d’envahir le territoire planétaire, mais d’investir, d'" englober " tous ses éléments physiques ou immatériels. " (13)

Une pensée gauchiste ?

Le premier courant postule donc que les nostalgiques de mai 1968, que l’on retrouve en grand nombre dans les médias, déstabilisés par la chute du mur de Berlin, par l’échec (apparent ?) de l’idéologie marxiste, ne croient plus en rien et se rabattent sur la modernité et la fuite en avant.

Or cette modernité de fin de XX e siècle et de nouveau millénaire est caractérisée par la globalisation économique néolibérale et un matérialisme pétri d’humanitarisme et de moralisme bon marché.

C’est ce que Jean-François Kahn, directeur de l’hebdomadaire Marianne et père de l’expression " pensée unique " , appelle la morale libérale-libertaire :"le système économique néolibéral leur plaît par son matérialisme.(...), leur internationalisme d’hier s’est parfaitement adapté au mondialisme d’aujourd’hui, par opposition à l’idée de nation. Ces anciens de 68 ne sont pas fâchés de voir que le système néolibéral auquel ils adhèrent écrase les petits commerçants qu’ils détestent, les PME qu’ils récusent comme les séquelles d’un patronat réactionnaire, et même les salariés, qu’ils jugent embourgeoisés ! En revanche, ce qui les gêne, c’est de constater que ce système écrase aussi les plus faibles. (...) Il faut ajouter que le néolibéralisme plaît aux anciens de 68 par sa capacité de destruction des valeurs traditionnelles comme celles de la vie familiale, le patriotisme ou même le goût de la qualité dans l’exercice d’un métier, ou encore l’art." (14)

Les tenants de cette version de la pensée unique estiment qu’il s’agit d’une pensée totalement libre, spontanée, auto-produite en grande partie, et qu’elle évolue selon les circonstances. Toutefois, cette pensée se développe autour de thèmes centraux comme la solidarité, l’humanitarisme, le modernisme... Ces valeurs de référence, en soi peu critiquables, ne sont pourtant pas nouvelles.

Elles sont indissociables de l’idéal socialiste-marxiste dans lequel "baigna" la génération soixante-huitarde. On les retrouve donc tout au long des décennies suivantes.

Précisément, c’est en cela qu’il faut considérer la pensée unique comme héritière d’une forme de morale à son apogée dans les années 80, la " soft-idéologie ".

Pensée unique et soft-idéologie

La soft-idéologie peut se définir comme une sorte de morale "bon chic, bon genre" où l’on mêle (recycle) ardemment idées et pratiques tantôt de gauche, tantôt de droite, mais que l’on prend soin de dépolitiser le plus possible : ce prêt-à-penser, pour séduire, se doit en effet d’apparaître comme radicalement nouveau. Donc, sans renier l’influence du passé, ce discours ne saurait être qu’innovant, positif et apolitique. Selon François-Bernard Huyghe et Pierre Barbès: "la soft-idéologie est en effet replâtrée ; incapable d’innover, elle réutilise les restes intellectuels des décennies précédentes : une gestion de droite plus une morale de gauche. Elle bégaie et réaffirme pêle-mêle les aspirations de la technocratie (fin des idéologies, modernisation, règne des choses) et les rêves de la gauche humaniste (autonomie, solidarité, permissivité, respect des minorités, refus de l’exclusion...)." (15)

Les promoteurs de la soft-idéologie aspirent à une société plus tolérante, plus chaleureuse, plus "confortable". Ainsi, au nom de la concorde civile et d’un monde toujours plus harmonieux, on n’hésite pas à gommer les aspérités du corps social. Du moins les plus visibles, les plus "insoutenables".

Pour cela, deux techniques sont principalement utilisées par ces praticiens-magiciens : d’une part la culpabilisation, d’autre part la censure.

Manipulation des cerveaux et édulcoration de la réalité

Culpabilisation, dans le sens où certains sujets deviennent tabous, c’est-à-dire politiquement incorrects. Censure, parce que d’autres thèmes sont tout simplement ignorés, en partie ou en totalité. Tout ceci, bien évidemment, pour éduquer (ou déséduquer) la population dans le sens voulu.

Du confort au conformisme, il n’y a qu’un pas... franchi allègrement par les tenants de la soft-idéologie. Car au fond, ce qui dérange le plus ces nouveaux moralisateurs, ce sont les risques de division, de remise en cause de l’ordre établi, ordre unique (total ?) qu’ils dominent (16). Ces pseudo-révolutionnaires, finalement arrivés au faîte du pouvoir sans révolte, redoutent surtout que leur propre discours ne se retourne contre eux. C’est pourquoi ils louent les vertus de l’associatif, du collectif..., bien plus faciles à gérer, à encadrer.

L’individualisme de masse

Cela ne remet pas pour autant en cause l’individualisme, également prôné. Il s’agit simplement d’un individualisme sous contrôle, que l’on pourrait résumer ainsi : "chacun pour soi, mais tous pareil".

Individualisme, modernisme, humanitarisme, progressisme..., cette phraséologie se retrouve évidemment dans la pensée unique. C’est ce que l’écrivain et polémiste Gilles Châtelet appelle " la triple alliance Politique-Economique-Cybernétique, une situation nouvelle qui prétend développer l’individualisme de masse – grâce aux opérateurs du Marché, de l’Opinion, de la Communication – où chacun prétend se singulariser en singeant l’autocensure de l’autre. " (17)

Face aux idées véhiculées par la soft-idéologie, puis par la pensée unique, il nous paraît indispensable de marquer une pause pour nous intéresser à la notion de morale.

Les quatre morales

De prime abord, la morale peut se définir comme une loi naturelle ou comme une science qui envisage les règles à suivre pour faire le bien et éviter le mal. Le Décalogue est aux fondements religieux de la morale universelle, et celle-ci a pris définitivement place dans la philosophie à partir de Socrate. On distingue en réalité plusieurs types de morale.

La première est la loi naturelle qui donne à l’humanité toute sa dimension humaine, ou divine et transcendante, selon la foi judéo-chrétienne. La seconde forme, laïque, cherche à déterminer le bien d’une manière universelle et atemporelle. C’est en quelque sorte l’équivalent de l’éthique.

Les deux premières formes de morale se distinguent de la troisième, plus pratique, qui correspond à l’obéissance et au respect des devoirs déterminés par les dirigeants d’une société, d’une association, ou encore d’un Etat — et même d’un parti unique, comme nous l’avons vu dans les régimes totalitaires communiste, fasciste et nazi, qui ont appelé " morale " l’obéissance idéologique. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’un simple respect des règles, la morale s’apparente à la déontologie, science traitant des devoirs à remplir. Cette morale relève donc plus de la discipline que d’une réelle recherche du bien, même si les deux ne sont pas incompatibles. Il y a alors plusieurs morales, comme il existe une déontologie pour chaque type de profession.

Pourtant, l’utilisation du terme " morale " fait référence à des préceptes non pas catégoriels, mais universels.

Enfin, on peut considérer la soft-idéologie comme un autre type de morale, logiquement à l’opposé des trois premiers genres. En effet, la soft-idéologie combat souvent la morale (que l’on devrait écrire Morale pour bien la distinguer) au nom de valeurs très médiatiques comme l’humanitaire, plutôt que l’humanisme, ou la solidarité, trop souvent confondue avec le collectivisme... ; elle s’accommode tant bien que mal de la déontologie, dans la mesure où les soft-idéologues restent réticents à toute forme de règles clairement définies et écrites. Car il faudrait dès lors les respecter, et assurer, peut-être, leur respect…

L’utilisation de l’expression " soft-idéologie " est plus que rare de nos jours, alors même que les symptômes et les séquelles de cette dérive sont toujours observables. En réalité, la soft-idéologie s’est tout simplement dissoute dans la pensée unique, dont elle est une des composantes majeures.

Morale ou déontologie, un choix déjà fait ?

Un exemple éloquent, parmi beaucoup d’autres, montre à quel point cette confusion volontaire entre les différents types de morale permet non seulement d’accroître le poids d’un moralisme médiatique, au demeurant très simpliste, mais également de dévaloriser totalement la morale première, celle de la recherche du bien et de la condamnation du mal.

Ainsi, au cours de l’émission télévisée Mots croisés (18), qui traitait cette fois-ci de la morale en politique, aucun des intervenants ne s’est longuement appesanti sur le premier sens de cette dernière.

Bien au contraire, bon nombre des politiciens invités, de même que certains journalistes, ont clairement exprimé un certain rejet de cette version de la morale. Et de citer respectivement Jean-François Legaret, adjoint RPR à l’ancien maire de Paris : " Morale avec un grand M, ça ne veut pas dire grand-chose, il vaut mieux de bonnes règles déontologiques. " ; Laurent Joffrin, directeur du Nouvel Observateur : " Il faut revenir à la déontologie politique, non pas morale, mais déontologie politique. " ; Jean-Louis Bourlanges, député européen UDF : " Il faut cesser de parler de morale, nous n’avons pas à être plus moraux que les autres, il nous faut simplement respecter la loi. "

Seule Roselyne Bachelot, député RPR, a recentré le débat sur la morale en politique, quoique sans lui donner une valeur universelle : " Jusqu'à présent, on n’a parlé que de règles, de respect des lois mais le réel problème, c’est l’engagement, la responsabilité de chacun... Il faut être conforme à ses idées quoi qu’il nous en coûte. "

La morale, une notion totalitaire ?

Le rejet de la morale, et son association quasi systématique au totalitarisme, plus particulièrement au fascisme, peut parallèlement s’expliquer par l’emprise de la pensée économique libérale sur la société. En effet, comme le souligne le sociologue Yves Chalas: "Le point de vue causal, qui est aussi celui de l’attitude libérale, parvient à occulter à nouveau le fonctionnement " à l’économisme " de nos sociétés, en faisant du mal absolu le résultat d’un mal initial : si les régimes totalitaires tiennent un discours contre la société économique, l’argent entrepreneur et l’individualisme bourgeois au nom de la morale et de la totalité, c’est que la morale et la totalité sont à l’origine du totalitarisme, et, partant, qu’elles sont elles-mêmes le mal au départ. Dans cette logique, la plainte des hommes en société capitaliste et le traumatisme des civilisations soumises à la modernisation croissante du monde ne sont plus pris en considération, et le bien devient une invention totalitaire, et, après lui, le sens, la vérité, et, de proche en proche, le beau, la nature et Dieu lui-même !" (19)

En résumé, la soft-idéologie, en tant que morale " politiquement correcte ", fait donc partie intégrante de la pensée unique, elle-même instillée par les hérauts de la scène politico-médiatique. Mais comme nous l’avons précisé au début de cette section, il existe aussi un deuxième courant, pour qui la pensée unique est bien plus politique et idéologique.

Une pensée libérale ?

Les partisans d’une vision idéologique de la pensée unique basent leur argumentation sur la constatation suivante : la pensée unique n’est pas le fruit du hasard, mais tout au contraire l’instrument d’un projet bien réel de transformation du monde. Ce projet vise à assurer la domination de l’économique sur le politique et le social. Il relève d’une doctrine ancienne et déjà bien ancrée dans la plupart des pays, à savoir le libéralisme.

Notons qu’à l’origine, le libéralisme désignait les penseurs et politiciens qui réclamaient le progrès par la liberté et la prédominance de l’individu sur la collectivité, et s’opposaient à l’autorité plus ou moins absolue de l’Etat et/ou de l’Eglise. En économie politique, cette doctrine s’est traduite par l’idée que l’équilibre s’établit automatiquement par le jeu de lois économiques naturelles comme, par exemple, le mécanisme des prix, qui provient de l’ajustement entre l’offre et la demande, entre la production et la consommation. Il en résulte que l’individu doit être laissé libre d’obéir à son intérêt personnel. En matière économique, cette conception est de nos jours indissociable du capitalisme, considéré comme l’état "naturel" de la société (20).

Néolibéralisme : un libéralisme débridé ou dévoyé ?

Ainsi, pour les tenants de cette version idéologique de la pensée unique, le projet économique actuel, caractérisé par la globalisation, l’informatisation et la communication est imposé aux populations. Dans ce contexte, la pensée unique n’est donc pas du tout spontanée, auto-produite et mouvante. Elle est a contrario structurée et organisée de manière à susciter une adhésion collective à ce projet, ou du moins à limiter au maximum la résistance, ou pire, la révolte. Pour Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique, et fer de lance de ce courant: "Dans les démocraties actuelles, de plus en plus de citoyens libres se sentent englués, poissés par une sorte de visqueuse doctrine qui, insensiblement, enveloppe tout raisonnement rebelle, l’inhibe, le trouble, le paralyse et finit par l’étouffer. Cette doctrine, c’est la pensée unique, la seule autorisée par une invisible et omniprésente police de l’opinion (...) Qu’est-ce que la pensée unique ? La traduction en termes idéologiques à prétention universelle des intérêts d’un ensemble de forces économiques, celles, en particulier, du capital international." (21)

Cette pensée unique trouverait donc sa substance principale dans la théorie économique et se répandrait dans toutes les strates de la société, et dans tous les domaines, qu’ils soient politiques, sociaux, techniques ou culturels.

Si, comme les partisans de cette version l’affirment, le discours uniforme et conformiste qui sévit n’est pas dû au hasard, on peut dès lors en conclure qu’une stratégie de "conditionnement" des esprits existe, et de longue date.

Propagande (néo)libérale

En effet, toujours selon Ignacio Ramonet, l’emprise déterminante de l’économique sur le politique a débuté au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec notamment les accords de Bretton-Woods, le GATT, l’OCDE, ainsi que des institutions onusiennes, telles le FMI, la Banque Mondiale, etc.

Ces organisations, en façonnant la reconstruction et les relations commerciales inter-étatiques, ont inévitablement influé sur la conception du rôle de l’Etat, du secteur privé…. La (re)construction européenne n’y a donc pas échappé.

Surinformer pour mieux régner

Il faut bien insister sur le fait qu’il ne s’agit nullement d’un complot ourdi par des puissances occultes. En effet, la plupart des informations, des plans, des programmes ou des ouvrages sont disponibles pour quiconque souhaite les obtenir. Cependant, reconnaissons qu’il faut parfois beaucoup de persévérance pour se procurer certains documents, certaines informations…

Nous devons en revanche souligner que la surinformation et l’accumulation de documents permettent rarement de cerner le projet dans son ensemble. On en a fatalement une vision parcellaire. C’est précisément là que le bât blesse : la pensée unique fait son lit de la confusion ambiante, du doute et des errements de ses pourfendeurs.

Cette mouvance idéologique de la pensée unique avance un autre argument majeur : désormais, les médias ne servent plus à informer les citoyens mais à les conformer (et c’est en cela qu’elle rejoint le premier courant). Comment ? Par le mimétisme des médias et la répétition permanente des mêmes informations. Or, dans nos sociétés médiatisées, la répétition vaudrait la démonstration. Pourquoi ? Tout simplement parce que, là aussi, l’intérêt économique l’emporterait sur toute autre considération.

Dépendance ou connivence ?

Les chaînes de radio, de télévision, la presse ne sont-elles pas détenues par de grands groupes industriels et financiers ?

C’est ce que dénoncent de nombreux adversaires de gauche de la pensée unique, plus particulièrement Serge Halimi. Dans son ouvrage intitulé Les nouveaux chiens de garde, il postule que les médias sont monopolisés par un petit groupe de personnes extrêmement lié, pour ne pas dire inféodé, aux milieux politique et économique. Autrement dit, l’on aurait affaire en France à un journalisme de connivence, avec pour résultat, un appauvrissement du débat et de la qualité de l’information : "En ne rencontrant que des " décideurs ", en se dévoyant dans une société de cour et d’argent, en se transformant en machine à propagande de la pensée de marché, le journalisme s’est enfermé dans une classe et dans une caste. Il a perdu des lecteurs et son crédit." (22)

Notons que les tenants de cette version de la pensée unique se réclament, le plus souvent d’une analyse marxiste, ou de courants idéologiquement déterminés à lutter contre le primat de l’économique. Généralement, ils sont donc relativement anti-américains, dans la mesure où les Etats-Unis, avec l’Angleterre, incarnent le néolibéralisme et la globalisation (sous son aspect économique du moins).

De la critique à l’autocritique…

Ainsi, l’ouvrage de Serge Halimi, collaborateur régulier du Monde diplomatique, s’inscrit ouvertement dans une perspective marxiste. Ce qui frappe toutefois par un manque de logique, ou à l’inverse, par habileté propagandiste, c’est que nos "milieux politique et économique" auxquels les médias seraient inféodés, sont aujourd’hui en France, et dans une importante partie de l’Europe (et même des Etats-Unis), des milieux... de gauche !

Une pensée libérale et libertaire

Si l’on compare les deux versions proposant une définition de la pensée unique, force est de constater que ces courants sont à la fois antagonistes et complémentaires. Antagonistes, parce que ceux pour qui la pensée unique résulte du monopole des nostalgiques de mai 68 se situeraient plutôt à droite sur l’échiquier politique.

Ceci est toutefois bien relatif puisqu’il paraît difficile de qualifier Jean-François Kahn d’homme de droite (il ne se réclame pas (plus) pour autant de la gauche, mais d’un centre libéral-républicain). Inversement, les pourfendeurs d’une pensée unique au service du néolibéralisme s’apparenteraient plus à la gauche.

Une pensée globale

Ces deux courants n’en restent pas moins complémentaires parce que l’on retrouve certains dénominateurs communs aux deux écoles : le rôle des médias, le " triptyque " communication-globalisation-informatisation, etc. Pour conclure, il nous semble donc possible de tirer une définition globale de la pensée unique à partir de ces deux courants.

Ainsi, la pensée unique correspond bien à l’uniformisation du discours politique et médiatique, discours dans lequel certains sujets sont devenus incorrects, et ne sont donc pas évoqués, tandis que d’autres, sont martelés, à tort.

La pensée unique est inséparable du contexte dans lequel elle se développe, caractérisé par : l’omniprésence de la communication dans nos sociétés, et son principal travers, la surinformation, mais une surinformation sélective ; l’affaiblissement du rôle de l’Etat ;la convergence des partis politiques autour d’un centrisme de consensus, et la formation d’une seule opinion publique de masse convergente ; la dynamique de la globalisation, dont le principal but est la disparition progressive de toutes frontières et limites aux échanges internationaux (biens matériels, hommes, information, culture...). L’outil principal de cette globalisation est évidemment le libéralisme économique, mais aussi une pensée unique dans une " société ouverte ".

Ces caractéristiques sont fondamentales afin de comprendre pourquoi la pensée unique s’est à ce point développée en France (elle existe partout ailleurs, mais peut-être ne rencontre pas tant d’opposition).

Pensée unique et pensée correcte

Soulignons que l’usage du terme " pensée unique " est peut-être malhabile. Selon Jacques Julliard, " (...) l’expression " pensée unique " contient une contradiction dans les termes : ce sont ceux qui s’en plaignent qui en parlent ainsi. Sauf à considérer qu’eux-mêmes ne pensent pas, ce n’est pas une expression adéquate. (...) Le vrai problème est celui du conformisme et du non-conformisme " (23) Nous soutenons ce point de vue. Il nous renvoie au début de cette section : l’utilisation des termes " pensée correcte " ou " pensée conforme " serait certainement plus appropriée. Toutefois, pour simplifier notre discours, nous utiliserons indifféremment ces expressions. Partie suivante>

Matthieu Périchaud

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