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La situation politique en Bulgarie à la veille

de son entrée dans l'Union européenne,

par François Frison-Roche,

chargé de recherche au CNRS, Université de Paris II (CERSA)

 

En synergie avec la revue Transitions et Sociétés, dirigée par Hélène Blanc, le diploweb.com vous propose cette étude de François Frison-Roche publiée dans le n°8 de TS, en juillet 2005. L'auteur met en perspective le processus de la transition et les défis politiques et sociaux de l'adhésion de la Bulgarie à l'Union européenne.

Biographie de l'auteur en bas de page.

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Si la Bulgarie a signé le 25 avril 2005 (1)  son Traité d’adhésion à l’Union européenne (2), ce n’est que le 1er janvier 2007 qu’elle devrait la rejoindre en qualité de membre à part entière. Après des siècles d’éloignement forcé – qu’il soit dû à l’hégémonie de l’Empire ottoman ou à celui de l’Empire soviétique – ce pays va enfin pouvoir retrouver ses racines européennes. Cinq siècles de domination ottomane et environ un demi siècle de totalitarisme communiste ont évidemment pesé sur son développement historique, politique, économique, social et culturel.

 

Une transition difficile

Depuis quinze ans maintenant la Bulgarie tente de sortir de la gangue de cet héritage forcé. Sa transition vers la démocratie et l’économie de marché a été difficile. Globalement, on peut dire qu’elle a pourtant réussi ce passage sans tomber dans les différents pièges tendus par un environnement régional peu favorable. Elle a su résister aux dérives nationalistes, par exemple, en reconnaissant immédiatement l’indépendance de la Macédoine ou en trouvant un compromis politique avec sa principale minorité musulmane. En revanche, les divers conflits en ex-Yougoslavie – et les conséquences de l’embargo décrété par les pays occidentaux – sont largement à l’origine de l’implantation et de l’enracinement d’une criminalité organisée qui touche désormais toute la région des Balkans.

Le pays a d’ores et déjà vécu plutôt pacifiquement plusieurs alternances politiques. Malgré les errements du milieu des années 1990 – dus au retour aux affaires des ex-communistes –, sa situation économique s’améliore désormais depuis l’arrivée au pouvoir de deux gouvernements libéraux successifs. Le pays doit principalement au gouvernement dirigé par Siméon de Saxe-Cobourg (2001-2005), un taux de croissance de plus de 4 % par an en moyenne, une inflation maîtrisée, un taux de chômage qui est passé d’environ 18 % en 2001 à moins de 12 % et des investissements directs étrangers qui sont passés de 233,7 millions de dollars pour la période 1990-97 à plus de 1, 253 milliard de dollars pour la période de 1997 à 2004.

Pour autant, la Bulgarie n’est pas complètement sortie d’affaire. De nombreux dangers la guettent et on peut craindre que sa stabilité apparente ne cache de profondes crispations internes. Une large partie de la population vit encore dans des conditions extrêmement difficiles – voire en dessous du seuil de pauvreté pour ce qui concerne les principales minorités – et les dysfonctionnements patents du modèle libéral – modèle toujours plus affiché qu’appliqué – risquent d’assombrir sérieusement l’avenir du pays dans l’Union européenne s’ils ne sont pas rapidement corrigés.

L'ex-nomenklatura communiste joue habilement

Depuis la fin des années 1980, c’est-à-dire sous l’ancien régime communiste, on a vu éclore de véritables associations de captation économique qui minent toujours l’autorité de l’État et veulent l’empêcher de faire respecter la règle du jeu démocratique et celle de l’économie de marché. La Bulgarie n’a toujours pas pu s’en débarrasser faute, notamment, d’un système judiciaire efficace et intègre. En 2005, l’essentiel de la “redistribution des richesses” se fait encore essentiellement au profit d’une petite minorité – exhibitionniste et sans scrupule – largement issue de l’ex-nomenklatura communiste.

Il reste donc à espérer que les diverses contraintes induites par l’adhésion à l’Union européenne vont rapidement mettre un terme à ces dérives. Quel que soit le résultat des élections générales du 25 juin 2005, les autorités politiques qui représenteront désormais les Bulgares auront une responsabilité historique; sur le plan intérieur : réconcilier une société encore profondément divisée et la faire définitivement entrer dans le XXIe siècle ; sur le plan extérieur : s’ouvrir définitivement à l’Europe et défendre désormais ses principes et ses valeurs.

C’est que le XXe siècle n’a pas ménagé la Bulgarie. Depuis sa libération en 1878, et jusqu’en 1989, la Bulgarie a vécu deux cycles de confrontation intérieure intense : la monarchie – souvent plus autoritaire que constitutionnelle (1878-1946) – et le totalitarisme communiste (1946-1989). L’avènement de la démocratie en1990 entame certainement un nouveau cycle sur lequel on peut fonder d’autres espoirs. Ces quinze premières années ont pourtant semblé remettre en lumière une constante de la société bulgare : la confrontation.

"Un passé qui ne passe pas"

Un Bulgare peut-il être fier du siècle passé ? On lui a inculqué pendant cinquante ans que sa première partie avait été, selon la terminologie communiste, une “dictature monarcho-fasciste”, et que les monarques successifs avaient été responsables de trois “catastrophes nationales”(3)! Depuis quinze ans, il découvre la perversité des crimes du communisme au cours de sa seconde partie. Sa vie, celle de son père et même celle de son grand-père, n’ont été qu’une suite de confrontations plus ou moins sanglantes. (Et quand celles-ci n’étaient pas entre Bulgares, on lui a enseigné qu’une autre confrontation avait duré cinq siècles avec l’Empire ottoman, accusé d’avoir suspendu la participation de la Bulgarie à l’évolution de l’histoire européenne.)

Les Bulgares sont lassés que leur histoire ne soit écrite qu’en noir et blanc. En fonction de ce passé “qui ne passe pas”, la confrontation politique entre les Bulgares persiste toujours. On ne sort pas des griffes d’un système communiste sans heurts. Les mentalités n’étaient pas prêtes. La chute de ce système en Bulgarie fut, avant tout, le résultat d’un effondrement extérieur et non l’aboutissement d’un soulèvement intérieur. L’effet domino initié en Europe centrale finit par atteindre la Bulgarie, bien sûr, mais c’est le parti communiste qui décida des premiers changements. D’abord par une révolution de palais contre le vieux dictateur T. Jivkov, puis par ce que l’on appelle les négociations de la “table ronde”(4) qui légitima l’opposition naissante mais surtout disculpa largement l’ancien parti communiste. Ce dernier, devenu “socialiste” en mai 1990, gagnera d’ailleurs les premières élections pluralistes organisées les 10 et 17 juin de la même année.

Dès lors, l’affrontement politique allait se cristalliser autour des “ex-communistes” du parti socialiste bulgare (BSP) qui voulaient maintenir leur influence exclusive et les “anti-communistes” de l’Union des forces démocratiques (SDS puis ODS (5)) qui souhaitaient conquérir, au nom de la démocratie, tous les pouvoirs. Trop ennemis pour être fondamentalement dissemblables, les deux partis étaient paradoxalement plus proches qu’on ne pouvait le penser. Le BSP n’avait pas su véritablement rompre avec sa tradition hégémonique. L’ODS, pour paraître un parti fort, ne fit souvent que limiter ce qu’il avait de plus détestable : l’intolérance ! La population allait payer l’addition de cette immaturité de la classe politique.

Quelques affaires de corruption retentissantes

La Constitution, adoptée en juillet 1991, n’a pas été un “pacte sacré”, fondateur d’une logique démocratique dans une société réconciliée. Les gouvernements qui alternèrent au pouvoir, qu’ils soient “anti-communistes” comme celui de P. Dimitrov (11-1991/12-1992) ou “ex-communistes” comme celui de J. Videnov (01-1995/02-1997), ont eu une gestion des affaires plus idéologique que pragmatique. L’échec de ce type de gouvernance, agressive sur un plan politique, contradictoire sur un plan économique, mêlant clientélisme et corruption, a mené le pays à la catastrophe financière et l’appauvrissement généralisé de la population, plus ou moins jusqu’à la fin 1996 (6). Cet hiver-là, on vit la population descendre dans la rue pour chasser un gouvernement “socialiste” corrompu et incapable.

Après les élections législatives anticipées du printemps 1997, le gouvernement d’orientation libérale de l’ODS dirigé par I. Kostov (21-05-97/24-07-01), majoritaire au parlement, n’a pas non plus échappé, sur un plan politique, à une certaine dérive hégémonique. La volonté brutale d’établir, par exemple, une mainmise exclusive sur le Conseil judiciaire suprême ou sur l’instance de contrôle des médias publics ne restera pas comme un exemple de tolérance politique et soulèvera même quelques sévères critiques de la part du Conseil de l’Europe (7). Au terme d’un mandat de quatre ans qui, sur le plan économique, permit pourtant au pays d’amorcer un redressement salutaire en mettant en œuvre des réformes essentielles, une majorité de Bulgares, totalement désorientée et dégoûtée par quelques affaires de corruption retentissantes, décida alors de se tourner vers celui qui – profitant d’une situation politique mal maîtrisée – est apparu comme un “sauveur” : l’ancien Tsar (1943-1946) Siméon II de Bulgarie(8).

Vie politique au goût bulgare

Son mouvement politique, le NDSV(9), ayant remporté – à la surprise générale : les élections de juin 2001 (120 sièges sur 240), l’ancien souverain de Bulgarie accepta donc la charge de Premier ministre (10) et forma un gouvernement de coalition avec le DPS (Mouvement des droits et des libertés), parti charnière bulgare, qui représente essentiellement la minorité turque et musulmane du pays. Par volonté d’ouverture politique, Siméon de Saxe-Cobourg accorda également deux portefeuilles ministériels à des maires socialistes, proches du PSB. L’accession du NDSV au pouvoir à la suite de ces élections législatives fut à l’origine d’une “nouvelle donne” politique aux incidences considérables sur le système existant des partis. Elle mit fin au “bipartisme à la bulgare” qui voyait s’opposer des “socialistes”, plus ou moins sincères, à des “libéraux” plus ou moins démocrates. En 1990, cette opposition radicale entre ex-communistes et anti-communistes, occupant la quasi-totalité du paysage politique, avait pour cause l’incapacité des “partis historiques” (parti social démocrate, parti agraire, parti démocrate, etc.) à renaître après quarante-cinq ans de dictature communiste. Pour celles qui avaient pu survivre, leurs élites étaient trop âgées et déconnectées des réalités pour agir avec discernement et efficacité.

Après un demi siècle de communisme, aucune distinction sociologique ne permettait de fournir aux nouveaux partis une base électorale de départ. Si tant est qu’une bourgeoisie existât avant-guerre, elle avait fui à l’étranger ou disparu dans les camps. Il n’existait pas non plus de “classe moyenne”, notion inconnue en Europe de l’Est au lendemain de la chute des régimes communistes. Quant à la “classe ouvrière”, elle était divisée et soutenait plutôt les tenants du changement, c’est-à-dire les forces anti-communistes. Au début des années 90, les Bulgares étaient tous, mutatis mutandis, des salariés du Parti-état ! D’où une seule division opératoire, “idéologique” pourrait-on dire, entre communistes et anti-communistes, entre “conservateurs” de l’ordre ancien (de ses privilèges pour les “nomenklaturistes”, de ses multiples et divers petits avantages pour la majorité des autres adhérents du parti) et “contestataires” de l’ancien régime aspirant à une certaine revanche, notamment économique.

Cette division binaire de la vie politique bulgare produisit des effets dont le plus flagrant fut l’écroulement et la dérive quasi mafieuse de l’économie du pays. Au gré des alternances politiques, chaque camp organisait des “réformes” économiques, souvent en fonction de ses intérêts, et refusait d’entreprendre les réformes de structure indispensables (administration, justice, concurrence, fiscalité, etc.) qui auraient jugulé une “zone grise” propice à tous les enrichissements frauduleux. Au début de la transition, hélas, dans de nombreux esprits encore imprégnés de la vulgate marxiste, “l’accumulation primitive du capital” était une phase normale dans l’établissement du “capitalisme”. Malversations, fraudes et corruptions étaient perçues par l’opinion, en quelque sorte, comme un “mal nécessaire”.

De 1990 à 2001, les deux principales forces politiques avaient besoin l’une de l’autre pour survivre. Quand le besoin s’en faisait sentir, notamment avant les élections, chacune prenait les mesures provocatrices propres à regrouper l’électorat de l’autre. Ce jeu de “ping-pong politique” à coup de “loi de décommunisation”, de pseudo-dossiers compromettants de collaboration avec les services de l’ancienne police politique, empêchait toute émergence politique nouvelle, du moins non extrémiste.

Un vote sanction

C’est ce système bloqué que Siméon de Saxe-Cobourg a fait exploser en arrivant au pouvoir en 2001. Après quatre ans d’exercice du pouvoir, même si les institutions financières internationales – toute proportion gardée – ne tarissent pas d’éloges sur les résultats économiques du pays sous cette législature (2001-2005), une majorité de Bulgares reproche à Siméon de Saxe-Cobourg de ne pas avoir amélioré suffisamment leur niveau de vie. Un tiers des Bulgares seulement se disent satisfaits de la vie qu’ils mènent actuellement !(11) Les quelques hausses de salaires consenties ont été rapidement effacées par des hausses concomitantes du prix de l’énergie (chauffage, électricité) ou des services (transports, téléphone). L’annonce faite en juin 2004 – de portée électoraliste il faut en convenir – de revaloriser de l’ordre de 25 % le salaire minimum à compter de janvier 2005 a été refusée, par exemple, par le FMI. Il n’en demeure pas moins vrai que pour un mouvement sorti des limbes en 2001 – et immédiatement taxé de “populisme” par certains – se retrouver en deuxième position sur l’échiquier politique, après quatre ans aux affaires dans des conditions difficiles, peut s’expliquer par les résultats obtenus.

En juin 2005, une bonne partie des électeurs bulgares ont manifestement voté pour une force politique, le parti socialiste, qui a pour avantage essentiel d’être resté à l’écart du pouvoir pendant plusieurs années. Mais le BSP a-t-il vraiment changé ? Encore une fois, c’est un “vote sanction” qui l’emporte en Bulgarie. En privé, certains dirigeants du BSP reconnaissent volontiers que s’ils arrivent au pouvoir, leur marge de manœuvre – tant sur le plan politique que sur le plan économique et social – sera très étroite.

Attitude simpliste et émotionnelle de l’opinion ou plutôt symptôme que la classe politique bulgare, dans son ensemble, se trouve encore et toujours dans l’incapacité de diagnostiquer et d’analyser les problèmes et de les expliquer à la population ? Ce qui semble manquer à la Bulgarie, c’est l’amorce d’un dialogue effectif entre la société et la classe politique sur la future gouvernance du pays. à un peu plus d’un an de l’entrée de la Bulgarie dans l’Union européenne, il serait peut-être temps que la classe politique s’en aperçoive pour que l’enthousiasme affiché de l’opinion à l’égard de l’Europe ne se transforme pas bientôt en rejet !

La Bulgarie entre jeu intérieur et jeu communautaire

Pour profiter au maximum de sa prochaine adhésion à l’Union européenne, la Bulgarie a surtout besoin de consensus politique intérieur. Au-delà des déclarations programmatiques affichées, il n’est pas certain que tous les dirigeants des principaux partis soient intimement persuadés de cette nécessité qui se heurte souvent à leur propre survie politique (et économique !). Le PSB, redevenu la première force politique – et disposant désormais de la plupart des pouvoirs tant sur le plan local que national (12)–, devra faire ses preuves et convaincre qu’il est devenu un parti de gouvernement au sens occidental du terme.

Pour les responsables de l’Union européenne, “le robinet des subventions” – alimentées par l’argent du contribuable européen, il ne faudrait pas l’oublier – sera plus ou moins ouvert (ou plus ou moins fermé) selon l’engagement des nouveaux acteurs politiques bulgares vers cet objectif d’efficacité(13). La solidarité européenne peut avoir des limites que les Bulgares – et surtout les dirigeants issus des élections du 25 juin 2005 – devront très vite prendre en compte s’ils ne veulent pas susciter la méfiance, voire l’hostilité, de l’opinion publique européenne et de l’administration de l’Union.

Comme vient de le montrer le dernier sondage “euro-baromètre”(14) le climat pro-européen qui règne en Bulgarie est à la fois encourageant et trompeur. Encourageant dans la mesure où l’Union européenne recueille 63 % d’opinion positive dans l’opinion publique bulgare. Elle arrive ainsi au quatrième rang parmi les 27 pays membres (25 + Bulgarie et Roumanie). Les trois sentiments associés le plus à l’UE sont l’espoir, la confiance et l’enthousiasme. Seul 1 % des Bulgares la rejette ; c’est cinq fois moins que la moyenne au sein des 25 membres de l’Union. Mais cette image favorable reste trompeuse dans la mesure où presque la moitié des Bulgares estime qu’elle ne connaît rien sur l’Union.

Tous gagnants ?  

L’adhésion au 1er janvier 2007 soulève parmi les Bulgares des angoisses mais également des espoirs. D’une part, au titre des premières, ils craignent d’être considérés comme des “citoyens de seconde zone” et que les seuls “gagnants” de l’adhésion soient les “riches”. D’autre part, au titre des seconds, on relèvera qu’ils sont 68 % à espérer que l’adhésion à l’Union permettra de remettre de l’ordre dans les affaires de l’État et, dans une proportion identique, à souhaiter que le désordre de la vie quotidienne, conséquence de la fin du communisme, sera désormais jugulé.

Il reste à espérer que les pays d’Europe occidentale, les opinions publiques comme les dirigeants, sauront se souvenir des principes fondateurs de l’Europe dans les années qui viennent pour encourager la Bulgarie sans la décevoir. Il faut tout autant espérer que l’opinion publique bulgare comme les dirigeants soient prêts à faire les efforts et les sacrifices qu’appelle en retour l’adhésion à ces principes. 

François Frison-Roche, Chargé de recherche au CNRS, Université de Paris II (CERSA)

(Biographie en bas de page)

NDLR: Les intertitres sont de la rédaction du diploweb.com

Notes 

1. Soit dix ans exactement après avoir déposé sa demande d’adhésion lors du sommet de Madrid. Le parlement européen a donné son assentiment à l’adhésion de la Bulgarie à l’Union européenne lors d’un vote le 13 avril 2005 (522 voix “pour”, 70 voix “contre” et 69 abstentions).

2. Conformément à la constitution, la loi de ratification du traité a été adoptée, en première et seconde lecture, à la majorité requise des 2/3 des députés par l’Assemblée le 11 mai 2005 par 231 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions.

3. La seconde guerre balkanique contre ses alliés de l’époque, la Serbie et la Grèce, l’alliance avec l’Empire allemand au cours de la Première Guerre mondiale et avec l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale.

4. François Frison-Roche, “La Table ronde bulgare”, Communisme, 64, 2000, p. 123-141.

5. SDS, en bulgare “Sayouz na Democratitchnité Sili” (Union des forces démocratiques), est à l’origine un mouvement qui fédère l’ensemble des partis, organisations, mouvements et individus opposés au parti communiste sous la direction du philosophe dissident J. Jelev. En 1996, il est remplacé par l’ODS, en bulgare: “Obédinéni Democratitchni Sili” (Forces démocratiques unies), sous la direction de I. Kostov puis de N. Mihailova.

6. Si, en 1997, la population était officiellement de 8,3 millions, elle est tombée, en 2004, à 7,5 millions. Cette profonde crise politique, économique et sociale de 1996-97 a poussé un grand nombre de Bulgares à partir travailler à l’étranger, principalement en Italie, en Grèce et en Allemagne. On peut également signaler qu’il y a désormais autant de Bulgares en Turquie qu’aux États-Unis.

7. Rapport de la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l’Europe, (rapporteurs : D. Emmanuel et H. Gjellerod), Doc. 8616, 17 janvier 2000. (Accessible sur le site http://stars.coe.fr/doc/doc00/FDOC8616.HTM

8. Fils de Boris III de Bulgarie, et de Ioana, fille du roi Victor-Emmanuel III d’Italie, Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha est né à Sofia le 16 juin 1937. Son arrière-grand-père Auguste, prince de Saxe-Cobourg-Gotha (1818-1881), était marié à Clémentine d’Orléans, fille du roi Louis-Philippe. à la disparition de son père, décédé d’une crise cardiaque le 28 août 1943, Siméon II monte sur le trône bulgare à l’âge de 6 ans. Les communistes, après avoir fait fusiller en 1945 les trois régents, dont son oncle Cyril, abolissent la monarchie par référendum le 8 septembre 1946. Le 15 septembre, il est expulsé avec sa mère et sa sœur. D’abord en exil en Égypte, puis à Madrid à partir de 1951, Siméon II, qui a reçu un passeport bulgare dès 1991 sur décision du président de la République, J. Jelev, retrouve son pays natal 50 ans plus tard exactement, en mai 1996.

9. NDSV, en bulgare “Natzionalno Dvijénié Siméon Vtori” (Mouvement national Siméon II). Le Mouvement est créé le 28 avril 2001 par Siméon II quand celui-ci comprend que la “droite” bulgare l’empêche, avec l’aide de la Cour constitutionnelle, de se présenter à l’élection présidentielle prévue à l’automne 2001.

10. Pour marquer symboliquement sa reconnaissance du régime républicain désormais instauré en Bulgarie, Siméon II (qui n’a jamais abdiqué) a accepté cette charge le jour anniversaire de la promulgation de la constitution de 1991.

11. Eurobarometer 62, Autumn 2004, National report, Bulgaria. Accessible sur le site de l’Union Européenne : HYPERLINK http://europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/eb/eb62/eb62_bg_exec.pdf (page 2).

12. Le BSP a gagné les élections locales de 2003 et le président de la République, G. Parvanov, est issu de ses rangs.

13. Selon ses dernières prévisions, la Commission européenne prévoit de lui accorder 4.245 milliards d’euros au cours de la période 2007-2009, dont presque 1 milliard d’euros d’investissements pour des projets d’infrastructures, 617 millions pour son agriculture ou encore 350 millions pour le démantèlement des deux réacteurs de 440 MW de la centrale nucléaire de Kozloduy sur le Danube.

14. Eurobarometer 62, Autumn 2004, National report, Bulgaria, op. cit.

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Date de la mise en ligne: novembre  2005

   

 

Biographie de François Frison-Roche

   
   

Chargé de recherche au CNRS, Université de Paris II (CERSA)

F. Frison-Roche est l’auteur, entre autres publications, de :

“La Gestion du passé en Bulgarie” in H. Rousso (Dir.) Stalinisme et nazisme. Histoire et mémoire comparées, Complexe, 1999 ;

“L’émergence du constitutionnalisme en Bulgarie” in Mélanges en l’honneur de  G. Conac, économica, 2001 ;

“De l’interprétation des textes en Europe post-communiste” in Mélanges en l’honneur de Michel Lesage, Société de Législation Comparée, 2005 ;

Le “Modèle semi-présidentiel” comme instrument de transition en Europe post-communiste, Bruylant, 2005 (traduit en roumain et en bulgare).

   
   

 

   

 

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