06/2023

Synthèse de l’actualité internationale de juin 2023

Par Axelle DEGANS, le 1er juillet 2023  Imprimer l'article  lecture optimisée  Télécharger l'article au format PDF

Docteure en Géopolitique de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Membre du Conseil scientifique du Diploweb.com. Agrégée d’histoire, Professeure de chaire supérieure au lycée Faidherbe (Lille) où elle enseigne la géopolitique en classes préparatoires économiques et commerciales. Auteure de nombreux ouvrages.

Les faits internationaux les plus marquants de juin 2023 : Elections ; Nouvel ordre économique mondial ; A l’Est tout est brouillé ; Migrations ; Elargissements de l’UE ; Le climat ; etc…

Voici la précieuse synthèse d’Axelle Degans qui sera fort utile à tous ceux qui veulent disposer d’un point de l’actualité géopolitique mondiale, voire finalisent un concours ou passent un entretien de recrutement. Pour ne rien manquer, et recevoir nos alertes sur des documents importants, le plus simple est de s’abonner gratuitement à notre Lettre d’information hebdomadaire ou au compte twitter de veille géopolitique @diploweb. Ce compte de veille géopolitique dépasse le seuil de 20600 followers dont de nombreuses pointures du domaine dans de nombreux pays. Vous serez en bonne compagnie.

Le sort des urnes

AU Guatemala, les élections du 25 juin 2023 ont réservé quelques surprises. Ce pays s’enfonce toujours plus dans l’autoritarisme, la presse est désormais muselée, les magistrats anticorruption contraints à l’exil, la pauvreté concerne plus de la moitié de la population guatémaltèque et la pousse toujours plus sur les routes migratoires. De nombreux candidats n’ont pas pu se présenter à cette élection, et près d’un tiers du corps électoral n’est pas inscrit sur les listes. Ce pays est miné par la corruption et l’achat des votes est une pratique courante. Le deuxième tour opposera Bernardo Arevalo, fils d’un ancien président et chef du petit parti Semilla, à Sandra Torres, veuve de l’ex-président Alvaro Colom, qui a promis une politique de fermeté à l’image du Salvador de Bukele. Le candidat Arevalo était assez inattendu au deuxième tour.

En Grèce, les élections législatives de juin 2023 ont durement sanctionné Syriza, le parti de gauche d’Alexis Tsipras, Premier ministre entre 2015 et 2019. Il n’a recueilli que 18% des votes exprimés. Le parti conservateur dirigé par Kyriakos Mitsotakis obtient la majorité absolue au Parlement.

Synthèse de l'actualité internationale de juin 2023
Dr. Axelle Degans
Degans/Diploweb

Un nouvel ordre économique mondial ?

Paris accueille en juin 2023 le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial. Le président français, E. Macron, a plaidé pour une refonte d’un système financier mondial. Celui date de l’immédiat après-guerre, en juillet 1944 – alors que la Seconde Guerre mondiale n’est pas encore terminée – les Alliés se réunissent alors pour jeter les bases d’une reprise de l’économie mondiale. Les institutions financières mondiales – IFI - que sont le Fonds monétaire mondial (FMI) et la BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et le développement) sont créées à cette occasion. Le dollar devient le pivot de ce nouveau système international, il est « as good as gold ». Traditionnellement un Américain est à la tête de la Banque mondiale et un Européen à celle du FMI. Ces IFI, grâce à l’argent versé par les États membres selon des quote-part, accordent des prêts aux pays en difficulté financière voire sous la menace d’un défaut de paiement. Ces prêts ne sont pas généreusement accordés sans contreparties ils sont conditionnés selon ce que journaliste Williamson nomme le « consensus de Washington ». Nombre de pays endettés gardent un souvenir bien amer d’être passés sous les fourches caudines de ces IFI dont le fonctionnement est inspiré par les thèses néolibérales défendues à Washington et Londres à partir des années 1980.

Ces règles sont critiquées de l’intérieur, par exemple par le prix Nobel de l’Économie Joseph Stiglitz un temps vice-directeur de la Banque mondiale. Elles le sont surtout depuis la fin de la deuxième décennie de notre siècle par la Chine et son « consensus de Pékin » (Ramo). Il est basé sur de substantiels prêts présentés comme non-conditionnés, contrairement aux précédents, mais qui peuvent se transformer en piège de la dette.

Ce Sommet permet au président français d’afficher une belle unité, un « consensus complet » pour « réformer en profondeur » un système financier inadapté aux réalités géoéconomiques – géopolitiques – actuelles et assez injustes envers les pays des Suds. Pourtant les grands émergents – Brésil, Russie, Inde, Chine Afrique du Sud formant les BRIC’s – font entendre une voix discordante condamnant sévèrement le système monétaire international, et faisant la promotion de leur fonctionnement. Un nouvel opus d’un « Sud global » en gestation ?

A l’ Est, tout est brouillé

Les forces ukrainiennes ont lancé en juin 2023 une contre-offensive, les combats sont très âpres dans les régions de Kherson ou Zaporijjia. La guerre ne se déroule pas seulement sur le terrain militaire mais aussi très largement dans les médias. Nous sommes bien entrés dans l’ère de la « post-vérité » qui fait qu’il est difficile de faire un diagnostic clair de la situation réelle sur le terrain.

Evgueni Prigojine, à la tête de la milice Wagner occupe de nouveau les devants de la scène. Moscou fait appel aux services de ses mercenaires pour la bataille de Bakhmout qui n’est pas la victoire brillante attendue. Ses nombreuses critiques de la direction militaire russe lui valent, sur ordre du Kremlin, un moindre relai médiatique. Fin juin Prigojine entreprend un coup de force qui n’est pas sans rappeler la marche sur Rome de B. Mussolini il y a cent ans. Il marche sur Moscou, avec 25 000 hommes déclare-t-il, entre dans la ville russe de Rostov sur le Don. Ses ambitions semblent assez obscures, a-t-il été déçu dans ses ambitions politiques, est-ce lié au fait qu’au 1er juillet 2023 ses hommes doivent intégrer – ou non – les forces régulières ? Toujours est-il qu’au-delà du narratif de trahison que se renvoient les chefs du Kremlin et de Wagner, le pouvoir russe est suffisamment inquiet pour utiliser l’accusation de « coup d’État militaire » ce qui témoigne que la situation est prise au sérieux. Des tractations très obscures aboutissent au repli des hommes de Prigojine, alors que lui-même serait parti en Biélorussie. Aurait-il réellement obtenu d’avoir les mains libres en Afrique et en particulier au Sahel contre la fin de la « rébellion armée » alors que la direction politique et militaire russe souhaitait qu’il rentre dans le rang ?

La situation à l’Est est troublée. Le pouvoir de Vladimir Poutine semble tanguer. Nous sommes loin de la « verticale du pouvoir » promise voici deux décennies. Un signal qui n’a pas échappé à Kiev qui appelle les pays qui soutiennent l’Ukraine à envoyer encore plus d’armes pour reconquérir les territoires perdus au profit des forces russes ou séparatistes.

L’Union européenne décide de s’engager dans le temps aux côtés de l’Ukraine, Joseph Borrell propose un « fonds de défense de l’Ukraine » pour lui fournir armes et munitions.

L’Europe face au défi migratoire

Un nouveau drame s’est déroulé en juin 2023 en Méditerranée. Un chalutier, un bateau de pêche en très mauvais état a sombré au large des côtes grecques faisant plus de 80 victimes et plusieurs centaines de disparus. Un bilan humain épouvantable, une vraie tragédie. Les victimes sont des Égyptiens, des Syriens, des Pakistanais, des Palestiniens. La centaine de survivants estime que plus de 500 migrants s’entassaient, et sans canots ni gilets de sauvetage. « les trafiquants se fichent de savoir si le bateau arrivera ou non à destination" déclare Safa Msehli, porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations. Ceux que certains nomment des « passeurs » sont en fait des trafiquants d’êtres humains animés par l’appât du gain : c’est un trafic aujourd’hui plus rentable que le trafic de drogue organisé par des réseaux mafieux. Ce trafic aboutit à ces drames récurrents.

L’UE continue à négocier des traités de libre-échange et envisage un nouvel élargissement

Après avoir gelé les négociations avec le Mercosur (le dossier agricole, en particulier l’élevage a suscité une vive résistance en France) l’Union européenne a repris les pourparlers. Bruxelles vient de parvenir à un accord avec Nairobi. Les produits kényans entreront libres de droits sur le sol communautaire. Le marché européen est un marché essentiel pour les produits issus de l’agriculture, thé, café et fleurs par exemple.

Après les élargissements de 2004 et 2007, puis l’adhésion de la Croatie en 2013, une « grosse fatigue » européenne explique un arrêt dans le processus d’élargissement. Les pays des Balkans occidentaux – nés de l’implosion de la Yougoslavie – ont déposé leurs dossier de candidature pour entrer dans l’Union européenne. Ces pays sont loin de satisfaire aux critères d’adhésion. En 2022, l’Ukraine et la Moldavie ont obtenu le statut de candidat. Ces pays d’Europe orientale sont bien loin des standards occidentaux. Le Commissaire à l’Élargissement et à la Politique européenne de voisinage a livré que deux des sept pré-requis pour l’adhésion sont remplis pour l’Ukraine, dont le président fait une très forte pression pour accélérer le processus. L’Ukraine demeure un pays particulièrement corrompu, comme la Moldavie et – dans le Caucase - la Géorgie. Il semble pourtant bien difficile d’accepter l’Ukraine dans l’Union, alors qu’il est presque impossible de le lui refuser : une situation inextricable. Les fractures internes à l’Union concernant l’adhésion de l’Ukraine sont vives, le coût de cette adhésion ne manquerait pas d’être très élevé, ce dont devrait particulièrement souffrir les pays méditerranéens et d’Europe centrale. Quant à la France, l’inévitable concurrence agricole de l’Ukraine serait très douloureuse...

Fin juin 2023, la France connait plusieurs jours de violences urbaines qui se poursuivent début juillet.

Le climat, toujours le climat

La Cour des comptes européenne estime que l’Union européenne ne parviendra pas à tenir ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre de 55% à l’horizon 2030 par rapport au niveau des émissions de 1990. Au-delà d’un « manque d’ambition collective », l’abandon du gaz russe s’est fait au profit de la relance des centrales thermiques au charbon, en particulier en Allemagne qui s’oppose à ce que le nucléaire soit considéré comme participant à la maitrise des gaz à effet de serre.

La réindustrialisation du territoire européen est une question à l’ordre du jour : cette politique est-elle compatible avec la maitrise des GES ? Est-ce compatible avec les stratégies de sobriété aujourd’hui envisagées ?

Après l’Union européenne, la Suisse se prononce en faveur de la neutralité carbone pour 2050. La Chine a fixé cette échéance à 2060.

Les méga-feux au Canada provoquent des fumées arrivent aux Etats-Unis puis atteignent l’Europe. Ce nuage de particules est visible depuis l’espace.

L’Union européenne se saisit enfin de la sécurité économique

La décision de Bruxelles de se passer du gaz russe, en réaction à la relance de l’agression de l’Ukraine, a rappelé combien l’énergie était une pierre angulaire de la prospérité et de l’indépendance économique. Une leçon qui n’aurait pas dû être oubliée puisque l’énergie est au cœur des premiers pas de l’Europe communautaire. La situation économique des Européens est dégradée. La croissance économique ralentit quand elle ne devient pas négative, le retour douloureux de l’inflation menace non seulement le pouvoir d’achat des consommateurs que sont les Européens, mais aussi leur capacité à produire sur le territoire européen. Il s’agit, in fine, de la remise en cause de la capacité à produire des richesses et de garantir le mode de vie des Européens. La sécurité économique est éminemment géopolitique puisqu’elle pose fondamentalement la question de la souveraineté économique, politique et militaire. Les Européens sont sous la menace, qu’ils ressentent désormais, du retour des politiques de puissances des grands du monde du XXIème siècle, Etats-Unis, Chine, Russie, et des puissances émergentes Inde, Turquie, Arabie saoudite…

La France obtient, après des semaines d’âpres négociations, et probablement des concessions dans d’autres domaines que Bruxelles reconnaissent la contribution du nucléaire dans la transition vers une économie décarbonée. Cette concession des autorités communautaires est à replacer après celle obtenue par l’Allemagne concernant les e-carburants.

La présidence tournant de l’Union passe de la Suède à l’Espagne au 1er juillet 2023.

Une mue du Moyen-Orient

La Syrie de Bachar el-Assad réintègre progressivement son environnement régional, grâce à l’action de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis (EAU). La Syrie est ruinée par une dizaine d’années de guerre et de guerre civile, occupée par des forces armées étrangères. La question des réfugiés amène l’Union européenne à organiser une conférence pour collecter des fonds. Ainsi, près de 14 millions de Syriens sont « déplacés », ou à l’intérieur de leur pays ou à l’étranger. La question de leur retour est aujourd’hui posée. Beaucoup d’entre eux ne veulent pas rentrer dans le pays toujours dirigé par Bachar el-Assad.

Les ombres chinoises se projettent toujours plus sur le Moyen-Orient. Pékin préside à l’improbable rapprochement entre Arabie saoudite et Iran. Xi Jinping a reçu en juin 2023 Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne. Cette rencontre a abouti à la signature de nombreux contrats, mais surtout les deux hommes évoquent un « partenariat stratégique ». Pourrait-il être l’occasion de la proposition d’un plan de paix pour le Proche-Orient, comme la Chine l’a fait précédemment concernant la guerre en Ukraine ? Les tensions y sont de nouveau très vives sur fonds de dynamique de colonisation israélienne en Cisjordanie.

En fait au fur et à mesure que grandissent les ombres chinoises pâlit le soleil étatsunien.

Des Balkans sous influence

Les tensions sont fortes dans les Balkans occidentaux. Plusieurs manifestations ont mobilisé en juin 2023 une foule importante à Belgrade. Les Serbes dénoncent la violence, des fusillades qui ont fait près de vingt morts, et l’incapacité du pouvoir à y mettre fin.

Au Kosovo, les tensions entre Serbes et Albanais montrent que l’indépendance du Kosovo de la Serbie n’est pas une affaire apaisée. La fin de la guerre en Yougoslavie a morcelé la région en une série de petits pays dont la viabilité est toujours à construire. Ils forment un territoire de la mondialisation grise, de trafic de toutes sortes, que l’Union européenne montre peu d’empressement d’intégrer. Cette région est clairement sous influence étrangère, russe bien sûr, mais aussi de plus en plus chinoise, et même turque, étonnant dans cette ancienne arrière-cour ottomane.

Des inquiétudes en Afrique

Au Sénégal, l’opposant au président Macky Sall, Ousmane Sonko, est accusé de « corruption de la jeunesse » et emprisonné pour deux années, une durée qui l’interdit de se présenter aux prochaines élections présidentielles. Ce verdict a provoqué d’importantes manifestations populaires. Le pays est dans une impasse politique.

Le Soudan est en proie au conflit qui déchire l’actuel exécutif de transition. Après la guerre du Darfour qui avait provoqué la mort d’environ 300 000 personnes, cette région occidentale est de nouveau le théâtre de massacres qui ont déjà fait plus d’un millier de morts dans le pays. L’armée soudanaise affronte les Forces de Soutien Rapides (FSR) de l’ex-vice- président Hemedti.

La Côte d’Ivoire est déstabilisée par l’afflux de réfugiés fuyant les violences djihadistes devenues régulières dans le Sahel. La Côte d’Ivoire a longtemps fait figure d’eldorado régional au temps du « miracle ivoirien », il attire aujourd’hui de nouveaux burkinabés qui viennent rejoindre une communauté déjà importante et implantée depuis plusieurs décennies, notamment dans la région de culture du cacao. La pression sur le foncier se fait plus forte dans un pays qui connait une vive croissance démographique depuis les années 1960. Le foncier est en passe de devenir une question de sécurité nationale.

La junte militaire au pouvoir au Mali demande, après avoir obtenu le départ des forces françaises du dispositif Barkhane, celui des casques bleus de Minusma, accusés d’être inefficaces face aux djihadistes. La force Wagner aurait promis de poursuivre la lutte contre le djihadisme. La fin de l’intervention de la force onusienne ne manquera pas de fragiliser grandement voire d’interdire l’action des humanitaires qui ne bénéficieront plus de protection.

Bonnes nouvelles

Le salon du Bourget de juin 2023 montre que les avionneurs se mettent à l’heure de la décarbonation de l’énergie. Des entreprises toulousaines sont remarquées : Ascendance Flight présente un avion à hélice au décollage vertical, hybride (électricité, agrocarburant hydrogène), Aura Aero y présente la cabine de son futur avion électrique.

Missak Manouchian va entrer au Panthéon qui accueille les « grands hommes ». Ce résistant d’origine arménienne – il a survécu au génocide de 1915 perpétré par l’empire ottoman – est mort pour son engagement contre le nazisme. Un vrai geste de reconnaissance de la France vis-à-vis d’un homme qui a été pourchassé – « l’Affiche rouge » - pour son engagement au service de la démocratie et de la liberté. Un geste très symbolique envers l’Arménie qui a été récemment agressée par l’Azerbaïdjan.

Copyright Juillet 2023-Degans/Diploweb.com


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| Dernière mise à jour le jeudi 25 avril 2024 |